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Par What's up EU
11 déc. · 5 mn à lire
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Accord sur l'AI Act

Mais aussi — Chine, Banque européenne d’investissement, Mercosur


Bonjour. Nous sommes le lundi 11 décembre 2023 et voici votre condensé utile d’actualité européenne. Suivez-nous également sur Twitter et LinkedIn


Le Briefing

Le Parlement et le Conseil de l’UE sont parvenus le 8 décembre à un accord provisoire sur la proposition de règlement sur l’intelligence artificielle (AI Act). Cet accord a été arraché après un trilogue marathon de trois jours à Bruxelles. 

Les négociateurs à l’issue des 35 heures de négociations © @VeraJourova sur XLes négociateurs à l’issue des 35 heures de négociations © @VeraJourova sur XCONCRÈTEMENT • Selon toute vraisemblance, l’AI Act sera adopté tel quel après l’accord politique intervenu en fin de semaine dernière. L’Europe est le premier continent à se doter d’une législation complète sur l’intelligence artificielle. Le règlement prévoit : 

  • Une classification par degrés de risque des applications de l’IA avec des obligations en conséquence ;

  • Des règles de transparence pour les modèles d’intelligence artificielle générative tels que ChatGPT, en raison de leurs risques importants pour la société ;

  • L’interdiction de certaines applications particulièrement nocives de l’IA : notation sociale, techniques de manipulation cachées, catégorisation selon des données sensibles d’orientation sexuelle ou religieuses, tracking des émotions au travail, reconnaissance faciale en temps réel (possible seulement sous certaines conditions strictes) ;

  • La création d’instances chargées de surveiller le développement de l’IA coordonnées par un “AI Office” au niveau européen ;

  • Des amendes de €35 millions ou de 7% du chiffre d’affaires mondial en cas de non-respect des règles. 

MARATHON • Ces 35 heures de négociations acharnées resteront dans les annales bruxelloises. Elles ont été amplement chroniquées sur Twitter, où se sont multipliés les selfies de négociateurs aux traits tirés et les clichés de piles d’emballages de nourriture.

Une des 21 questions en débat portait sur l’interdiction complète de la reconnaissance faciale en temps réel. Suite à l’insistance des États membres, notamment la France, le compromis final prévoit des exceptions limitées pour la défense et la sécurité nationale. 

Amnesty International a déploré voir le Parlement “succomber à la pression des États membres et revenir sur sa position initiale, qui offrait de solides protections, notamment une interdiction inconditionnelle de la reconnaissance faciale en temps réel.” 

TRILOGUES • Un peu de procédure. Les trilogues sont des négociations informelles initiées pour trouver un accord politique provisoire qui satisfait à la fois le Conseil et le Parlement, en présence des équipes de la Commission européenne. 

Les négociateurs planchent à l’aide d’un “quatre-colonnes”. Ce document présente (i) le texte initial (avril 2021) de la Commission; (ii) celui amendé par le Conseil (novembre 2022); (iii) celui amendé par le Parlement (juin 2023); (iv) et une colonne vide pour le compromis éventuel. En pratique, le texte est généralement adopté tel quel par les co-législateurs lorsqu’un accord provisoire a été trouvé en trilogue. 

A l’issue du trilogue, seules les équipes de négociateurs nommés par le Parlement et le Conseil de l’UE ont accès au texte de compromis, lequel n’a pas été rendu public. Ce qui explique la réaction du ministre délégué en charge du numérique Jean-Noël Barrot, qui a déclaré “nous allons analyser attentivement le compromis trouvé aujourd’hui et nous assurer dans les prochaines semaines que le texte préserve la capacité de l’Europe à développer ses propres technologies d’intelligence artificielle et préserve son autonomie stratégique.”

MAGNETO SERGE • La proposition initiale de la Commission date d’avril 2021. Une fois la proposition de la Commission adoptée, le Conseil de l’UE a adopté sa position le 25 novembre 2022. 

Le lancement de ChatGPT le 30 novembre 2022 est intervenu quelques jours seulement après l'adoption par le Conseil de sa position. Le développement fulgurant de ChatGPT et des intelligences artificielles génératives a donc rapidement menacé l’AI Act de caducité. L’arrivée de cette technologie évolutive est venue perturber les équilibres politiques autour du texte. 

ASPHYXIE RÉGLEMENTAIRE • En novembre 2023, la France, l’Allemagne et l’Italie ont fait barrage à une réglementation dure — la position défendue par le Parlement — des modèles de fondation qui sont à la base des intelligences génératives de type ChatGPT. 

Paris, Berlin et Rome craignent que l’Europe ne se tire une balle dans le pied en étouffant l’émergence de véritables champions européens, à l’instar de Mistral en France ou d’Aleph Alpha en Allemagne. Le communiqué commun proposait globalement que les entreprises travaillant sur ces modèles s’auto-régulent.      

Ces désaccords entre Parlement et Conseil ont fait capoter le dernier round de trilogues. Au point de manquer de faire déraper le calendrier législatif : sans accord avant Nöel, le risque était grand que le règlement ne soit pas adopté avant les prochaines élections européennes prévues en juin 2024.  

NEXT STEPS • La plupart des dispositions du règlement s’appliqueront deux ans après son entrée en vigueur, soit en 2026. 


Collaboration commerciale avec Interbev

Avec le site Agriculture-circulaire, nous vous proposons de découvrir l’interview de Goulnara Aguiar, fondatrice et présidente d’Ormex, société spécialisée dans les crédits carbone dans le monde agricole. 

Ormex est une place de marché proposant aux agriculteurs et éleveurs d’être financés par l’obtention de crédits carbone. À travers leur potentiel de capture du carbone, l’agriculture et l’élevage circulaires ont un rôle important à jouer dans la lutte contre le changement climatique. Des pratiques agricoles régénératrices telles que les couvertures végétales ou les intercultures permettent de maximiser la captation du carbone. Elles peuvent par ailleurs être associées à des modes d’élevages plus vertueux. 

Cependant, Goulnara Aguiar note que plusieurs difficultés peuvent se présenter lorsqu’un agriculteur souhaite s’engager dans cette démarche. Par exemple, les projets représentent un engagement de longue durée, parfois sur 30 ou 40 ans. D’où l’importance pour les agriculteurs de s’associer à l’échelle d’un groupe, d’une coopérative ou d’une filière.

Pour découvrir plus précisément la manière dont l’agriculture peut participer à la lutte contre le changement climatique, c’est ici.


Inter alia

CHINE • Le 7 et 8 décembre se tenait à Pékin le premier sommet UE-Chine en personne depuis 2019. Ursula von der Leyen et Charles Michel y ont rencontré Xi Jinping et son premier ministre Li Qiang. Les discussions ont révélé le fossé grandissant entre Pékin et Bruxelles.

Sur le commerce, la délégation européenne est arrivée au sommet avec un objectif précis : confronter Pékin sur le déficit commercial grandissant de l’UE vis-à-vis de la Chine. Au cours des deux dernières années, celui-ci a doublé, atteignant une valeur record de 390 milliards d’euros en 2022.

En cause, le manque d’accès des entreprises européennes au marché chinois et le traitement préférentiel des entreprises nationales chinoises, a avancé la présidente de la Commission européenne. 

De son côté, Pékin souligne que ses exportations sont nécessaires pour soutenir la transition énergétique de l’UE. “Si vous voulez que nous soutenions l'UE dans la transition verte, ne soyez pas protectionnistes”, a déclaré Wang Lutong, directeur général du ministère chinois des affaires étrangères chargé des affaires européennes. 

La perspective d’un apaisement entre l’UE et la Chine sur la question du commerce reste lointaine. Mercredi dernier, l’Italie a annoncé se retirer de la Belt & Road Initiative, programme phare d’investissement de la Chine à l’étranger. En Allemagne, le ministre de l’Intérieur a proposé en septembre d’imposer aux opérateurs télécoms d’utiliser moins d’équipements chinois pour les infrastructures de 5G. Suite au lancement de son enquête anti-subventions sur les véhicules électriques produits en Chine, l’UE pourrait leur appliquer des droits de douanes dans les mois qui viennent.

Pour autant, il est peu probable que Pékin réplique avec vigueur, estime Noah Barkin du German Marshall Fund: “[La Chine] voudra préserver autant que possible l'accès au marché européen et éviter des mesures qui terniraient davantage son image chez les investisseurs européens. Il faut plutôt s'attendre à ce que Pékin joue la montre (...) tout en espérant que l'affaiblissement de l'économie européenne et que les résultats des élections dans l'UE et aux États-Unis sapent l'appétit de l'Europe pour la confrontation.”

Les désaccords sur la Russie et la guerre en Ukraine persistent. L’UE contemple actuellement la possibilité d’inclure 13 entreprises chinoises dans son prochain paquet de sanctions contre la Russie. La Chine est en effet soupçonnée de continuer à fournir des “articles à double-usage” — qui ne sont pas des armes mais peuvent être utilisés à des fins militaires — à la Russie. Xi Jinping a été informé des accusations européennes contre ces entreprises. Reste à voir s’il agira avant l’adoption des sanctions.

BEI • Réunis en conseil “Affaires économiques et financières” (ECOFIN), les ministres de l’économie de l’UE se sont accordés pour soutenir la candidature de Nadia Calviño à la présidence de la Banque européenne d’investissement (BEI).

Celle-ci a ravi la victoire à Margrethe Vestager, qui retournera donc à la Commission européenne pour reprendre ses fonctions. Nadia Calviño devrait prendre la tête de l’institution située au Luxembourg le 1er janvier, remplaçant l’allemand Werner Hoyer.

Depuis l'officialisation de sa candidature en août, la ministre de l’économie espagnole s’était imposée comme la favorite. 

Dès novembre l’Allemagne a annoncé son soutien à la candidature de l’Espagnole. Si la France est restée plus discrète quant à sa préférence, il est fort probable que celle-ci se soit également orientée vers Nadia Calviño : les relations entre la France et Margrethe Vestager ne sont pas des plus chaleureuses depuis le rejet de la fusion Alstom-Siemens et la nomination avortée d’une américaine en tant qu'économiste en chef de la DG concurrence.

Pour rappel, la BEI est le plus grand bailleur de fonds multilatéral au monde. Ces dernières années, l’institution a eu un rôle particulièrement important pour soutenir l’économie européenne durant le Covid, renforcer l’aide à l’Ukraine et financer la transition énergétique. 

Ces événements ont mis un coup de projecteur sur l’importance de l’institution, dont la présidence, longtemps peu convoitée, a suscité un intérêt significatif ces derniers mois.  

MERCOSUR • Les négociations sur l’accord de libre-échange entre l’UE et le Mercosur rencontrent de nouveaux obstacles. Les négociateurs européens avaient espoir qu’un compromis émerge du meeting annuel des chefs d’États du Mercosur le 7 décembre. 

Mais l’arrivée imminente d’un nouveau gouvernement en Argentine a conduit le Brésil — qui tient la présidence tournante du Mercosur — à déclarer que l’avis du nouveau gouvernement argentin serait nécessaire.

Javier Milei, le nouveau président de l’Argentine, a pris ses fonctions hier. Malgré ses critiques du Mercosur pendant la campagne électorale, il semblerait qu’il soit prêt à accorder son soutien à l'accord. 

Du côté de l’UE, la France a réitéré ses critiques sur l’accord de libre-échange. À la COP 28, Emmanuel Macron a déclaré que l’accord ne “prenait pas en compte la biodiversité et le climat”. Le président français s’inquiète des conséquences sur le marché agricole domestique français d’importations agricoles moins regardantes sur les conditions environnementales de production.

Le 7 décembre, le président brésilien Lula a déclaré : “J'ai parlé à presque tous les présidents de l'Union européenne. (...) J'ai exhorté Emmanuel Macron à cesser d'être aussi protectionniste (...) mais cela n’a pas fonctionné.”

Difficile de dire si un accord sera trouvé avant la fin de l’année, et si ce dernier pourra être adopté avant les élections européennes de juin 2024.

Malgré ces difficultés, le commissaire au commerce Valdis Dombrovskis a assuré qu’il continuerait le travail pour que les négociations soient finalisées. En visite à Berlin, Lula a déclaré, aux côtés d’Olaf Scholz, qu’il était déterminé à trouver un compromis.


Nos lectures de la semaine

  • Gita Gopinath, cheffe économiste du FMI, fait part de ses recommandations en matière d’approfondissement du marché unique dans un entretien avec Martin Sandbu pour le Financial Times. 

  • L’Institut Montaigne publie une analyse de Raphaël Tavanti-Geuzimian sur l’avenir de l’Europe spatiale.

  • Dans la revue Granta, Peter Richter raconte un morceau de l’histoire contemporaine de Berlin au travers de celle de la Friedrichstraße, une des grandes artères qui traverse le centre-ville.

  • Dans la London Review of Books, Neal Ascherson recense Beyond the Wall: East Germany 1949-90 de Katja Hoyer et Out of the Darkness: The Germans, 1942-2022 de Frank Trentmann.


Cette édition a été préparée par Augustin Bourleaud et Maxence de La Rochère. À la semaine prochaine !

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