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Par What's up EU
24 janv. · 6 mn à lire
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Viktor Orbán, le casse-tête européen

Mais aussi — Pologne, Israël et Gaza, Santé, Climat


Bonjour. Nous sommes le 23 Janvier 2024 et voici votre condensé utile d’actualité européenne. Suivez-nous également sur X et LinkedIn

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Le Briefing

Sur le respect de l'état de droit et l’aide à l’Ukraine, l’Union européenne est à un tournant. Alors que les dirigeants européens s’apprêtent à tenter de convaincre la Hongrie d’accepter qu’un paquet de 50 milliards d’euros supplémentaires d’aide soit attribué à l'Ukraine, le Parlement européen accuse la Commission européenne de céder au chantage de Viktor Orbán.

Viktor Orbán, premier ministre de la Hongrie © Conseil européenViktor Orbán, premier ministre de la Hongrie © Conseil européen

CONSEIL EXTRAORDINAIRE • Le 1er février, les chefs d’État et de gouvernement européens se réuniront à Bruxelles pour un Conseil européen extraordinaire.

Cette réunion est le rejeton du Conseil européen du 14-15 décembre 2023, pendant lequel le premier ministre hongrois Viktor Orbán avait bloqué la révision du budget de long-terme de l’UE (“cadre pluriannuel financier 2021-2027”, pour les intimes).

La révision du budget de l’UE sur la table contient une aide supplémentaire à l’Ukraine d’une hauteur de 50 milliards d’euros.

Devant l’impasse créée par Viktor Orbán, les dirigeants européens ont décidé d’organiser un Conseil extraordinaire afin d’essayer à nouveau d’adopter la révision du budget. Pour rappel, les décisions sur le budget de long-terme de l’UE doivent être prises à l’unanimité, ce qui explique qu’un État membre comme la Hongrie puisse mettre son véto.

Malgré l’échec des négociations sur ce point-là, le Conseil européen du 14-15 décembre avait permis d’ouvrir les négociations d’adhésion à l’UE avec l’Ukraine : le premier ministre hongrois, à l’origine opposé à cette décision, avait temporairement quitté la réunion afin que les 26 autres chefs d’État puissent adopter la décision. Pour plus de détails, relisez notre édition sur le sujet.

Le 13 décembre, veille du Conseil européen, la Commission avait annoncé le dégel de 10 milliards d’euros de fonds de cohésion destinés à la Hongrie. Beaucoup avaient vu dans cette annonce une manœuvre de la Commission pour convaincre la Hongrie de laisser les autres États membres ouvrir les négociations d’adhésion.

PARLEMENT • La semaine dernière, le dégel de ces fonds a fait l’objet d’un débat au Parlement européen. De nombreux députés y ont accusé la Présidente de la Commission européenne d’avoir cédé au chantage de Viktor Orbán.

“C'était le marché : 10 milliards et vous quittez la salle ?”, a lancé l’eurodéputé Guy Verhofstadt (Renew) à Ursula von der Leyen. 

Plusieurs eurodéputés craignent que la Commission européenne ne répète cette manœuvre lors du Conseil extraordinaire de février, afin d’obtenir l’aval de la Hongrie sur la révision du budget de long-terme de l’UE.

De son côté, la Commission affirme que le dégel des 10 milliards d’euros est une décision qui a été prise à la suite de réformes engagées par la Hongrie dans le but de renforcer l’indépendance de la justice. Pour rappel, un total de 22 milliards sont bloqués par la Commission depuis décembre 2022 au titre du mécanisme de conditionnalité des fonds européens au respect de l’état de droit.

“En mai dernier, la Hongrie a adopté une nouvelle loi sur la réforme de la justice qui répond à un certain nombre de nos recommandations du rapport 2022. Cette loi renforce l'indépendance de la justice et limite les possibilités d'ingérence politique dans le système judiciaire. C'est ce que nous avons demandé et c'est ce que la Hongrie a fait”, a expliqué Ursula von der Leyen.

Le Parlement n’a pas été convaincu par cette explication. En témoignent les conclusions adoptées à la suite de ce débat, dans lesquelles les eurodéputés :

  1. Demandent à la commission parlementaire des affaires juridiques d’analyser le dégel des fonds, en vue de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’un recours afin de contrôler la légalité de la décision ;

  2. Regrettent que le Conseil “n’ait pas obtenu de véritables avancées dans le cadre des procédures en cours engagées au titre de l’article 7, paragraphe 1, du Traité sur l’UE”.

L’article 7, paragraphe 1, du Traité sur l’UE, permet aux États membres de constater une situation dans laquelle un État membre ne respecterait pas les valeurs listées à l’article 2 du même traité (dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, de l'État de droit, ainsi que de respect des droits de l'homme). 

S’il est avéré qu’un État membre ne respecte pas ces valeurs, le Conseil européen peut prendre la décision (à la majorité qualifiée) de retirer son droit de vote à l'État membre en question.

NÉGOCIATIONS • Pour autant, il est peu probable que les États membres s’aventurent dans cette procédure — y compris dans l’optique de contourner Viktor Orbán afin d’adopter la révision budgétaire. 

À la place, des négociations sont en cours pour convaincre le premier ministre hongrois de ne pas bloquer l’adoption du budget révisé. Les concessions qui devront être faites pour convaincre le dirigeant hongrois ne sont pas encore établies. Pour autant, “l'UE est désormais convaincue qu'un accord peut être conclu au cours des deux prochaines semaines”, notent plusieurs diplomates ayant parlé à Politico.

De son côté, Viktor Orbán a proposé de diviser l’envoi de l’aide à l’Ukraine en décisions annuelles. Cependant, cela lui donnerait la possibilité de bloquer l’aide chaque année, ce que les États membres et la Commission souhaitent à tout prix éviter.

Ce qui est certain, c’est que l’accord qui sera trouvé devra permettre à Viktor Orbán de garder la face : cela semble être une tâche difficile, lorsque l’on sait que le premier ministre hongrois disait en décembre “qu’aucun argent du budget de l’UE n’irait à l’Ukraine”.


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“La gastronomie sera écologique ou ne sera plus”, avance le journaliste Périco Légasse dans un article du site Agriculture-circulaire

Le chroniqueur gastronomique revient sur la “rencontre entre l’homme et le paysage” au coeur du patrimoine gastronomique français. Légasse fait appel à des figures telles qu’Edmond Saillant — père de la critique gastronomique — et Jacques Puisais — fondateur de l’Institut Français du Goût en 1975 — pour souligner l’importance du respect du produit, de son origine et de ses paysages. 

“Le plat doit restituer le paysage dont provient le produit, il est l’aboutissement du geste agricole et raconte le potager, le champ, le pâturage, la forêt, le verger et le coin de mer où la main de l’homme s’est posée”, écrit-il. 

Pour découvrir les perspectives éclairées du chroniqueur gastronomique, c’est ici..


Inter alia

POLOGNE • En Pologne, les manœuvres politiques du président Andrzej Duda (PiS) représentent une menace grandissante pour l’agenda pro-européen du premier ministre Donald Tusk (Plateforme civique).

Depuis les élections parlementaires d’octobre 2023 — remportées par la Plateforme civique de Donald Tusk — le duel entre les deux dirigeants divise le pays. Le président Andrzej Duda a d’abord retardé la nomination de Donald Tusk comme premier ministre, avant d’utiliser son droit de véto sur une loi portant sur le budget de la Pologne pour 2024.

La semaine dernière, le président polonais a déclaré que deux anciens ministres du PiS condamnés pour abus de pouvoir étaient des “prisonniers politiques” et a demandé leur libération. Duda est même allé jusqu’à dire que les mesures prises par Donald Tusk violaient l’état de droit.

C’est une situation délicate pour Donald Tusk. L’ancien président du Conseil européen doit prendre des mesures ambitieuses pour rétablir l’état de droit affaibli par le PiS pendant les 8 dernières années : 111 milliards d’euros destinés à la Pologne sont actuellement gelés pour atteinte à l’état de droit (35,4 milliards d’euros du plan de relance NextGenerationEU et 76,5 milliards d’euros du Fonds de cohésion). 

Cependant, Donald Tusk doit agir avec retenue et dans le cadre du droit, afin que son action ne puisse en aucun cas être comparable aux pratiques du PiS avant lui, note le FT

Le premier ministre polonais fait également face à une société très divisée entre les partisans et opposants du PiS. Jusqu’à présent, le premier ministre a préféré maintenir la ligne du gouvernement précédent sur plusieurs sujets, y compris l’immigration et les échanges agricoles avec l’Ukraine. 

Donald Tusk a en ligne de mire les élections locales en avril et les élections européennes en juin : pour le moment, sa stratégie est de rester le plus consensuel possible, que ce soit vis-à-vis des citoyens pro-PiS ou au sein même de sa coalition.

GAZA • Le 22 janvier, les ministres des affaires étrangères européens se sont réunis à Bruxelles pour discuter de la guerre à Gaza. Le ministre des affaires étrangères israélien Israel Katz a pris part à une partie de la discussion.

Lors d’une conférence de presse, Josep Borrell a déclaré : “Tout le monde s'accorde à dire que le nombre de morts parmi les civils est excessif, que la situation est désastreuse, que la famine est très répandue et que l'acheminement de l'aide humanitaire et l'accès à cette aide sont très insuffisants”.

“Aujourd'hui, la priorité (...) c'est l'aspect humanitaire du problème”, a-t-il ajouté. “Moins de 100 camions par jour, c'est inacceptable. De nombreux États membres se sont adressés directement au ministre israélien en lui disant : ‘Vous devez assurer une entrée plus rapide des camions pour apporter un soutien humanitaire à la population de Gaza’. Avant la guerre, il y avait plus de 500 camions par jour qui avaient accès à Gaza.”

“La majorité des États membres ont rappelé que leur position est de défendre un accord basé sur la solution à deux États”, a expliqué Josep Borrell.

Interrogé sur la position de la Belgique — qui demande à présent un cessez-le-feu permanent — Josep Borrell a rappelé la distinction entre les positions communes de l'Union et les positions individuelles des États membres : “La position commune est celle des ‘pauses humanitaires’. Il n'y a pas eu d'accord pour soutenir au niveau du Conseil européen la position commune en faveur d'un cessez-le-feu, c'est-à-dire la suspension indéfinie des opérations militaires.” 

Pour rappel, les décisions sur des sujets concernant la politique étrangère requièrent l’unanimité au Conseil.

Du côté du Parlement européen, les députés ont adopté le 18 janvier une résolution dans laquelle ils demandent un cessez-le-feu immédiat sous deux conditions : que les otages soient immédiatement libérés et que le Hamas soit démantelé. Les députés du Parti populaire européen (PPE, centre-droit) et du reste des groupes de droite ont insisté pour que ces deux conditions soient attachées à la demande de cessez-le-feu.

Jusqu’à présent, le Parlement en tant qu’institution avait seulement appelé à ce qu’il y ait une pause humanitaire, lors d’un vote en octobre dernier.

SANTÉ • Le 16 janvier, l’Autorité européenne de préparation et de réaction en cas d'urgence sanitaire (HERA) de la Commission européenne a lancé une alliance pour les médicaments critiques.

Cette alliance avait été annoncée dans une communication d’octobre 2023, dans laquelle la Commission explique sa stratégie pour lutter contre les pénuries de médicaments au sein de l’UE.

Durant l’hiver 2022-2023, l’UE a traversé une pénurie de médicaments essentiels (comme les antibiotiques). Celle-ci était due à plusieurs facteurs : une hausse de la demande, une faible capacité de production, ainsi que des pénuries de matières premières et des chaînes d’approvisionnement perturbées.

La Commission présente l’alliance pour les médicaments critiques comme le futur “levier industriel d'une Union européenne de la santé forte”. Cette alliance — ouverte à tous, des entreprises aux collectivités territoriales, en passant par les patients — élaborera des recommandations visant à diversifier les chaînes d’approvisionnement, constituer des stocks de médicaments et renforcer la production européenne.

CLIMAT • Le 18 janvier, la European Scientific Advisory Board on Climate Change (ESABCC), organe indépendant composé de quinze experts scientifiques, a publié un rapport sur l’alignement des politiques climatiques de l’UE avec l’objectif de neutralité carbone fixé par le Green New Deal pour 2050.

Le rapport est sans équivoque : la baisse des émissions de gaz à effet de serre devrait se faire deux fois plus rapidement pour atteindre l’objectif d’une baisse de 55% en 2030 par rapport aux niveaux de 1990.

"Nous ne pouvons pas nous permettre de reculer maintenant", explique Ottmar Edenhofer, l’économiste allemand qui dirige le comité.

Parmi les treize recommandations qu’il adresse aux décideurs européens, le comité appelle les gouvernements à implémenter les politiques du paquet Fit for 55 dans leur législation nationale au plus vite.

Le rapport met également en avant plusieurs domaines qui nécessitent davantage d’efforts et d’initiatives législatives. Ainsi, la prochaine Commission devrait accélérer la révision des règles européennes de taxation de l’énergie — au point mort depuis la montée des prix de l’énergie — qui devraient inclure une augmentation des taux minimaux d’imposition des énergies fossiles et mettre un terme aux exceptions accordées à certains secteurs tels que l’aviation. 


Nos lectures de la semaine

  • “Can anybody stop Ursula von der Leyen?”, interrogent plusieurs journalistes de Politico.

  • Pour le CER, Luigi Scazzieri fait le point sur les politiques de défense de l'UE.


Cette édition a été préparée par Augustin Bourleaud, Luna Ricci et Maxence de La Rochère. À la semaine prochaine !