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Par What's up EU
26 mars · 5 mn à lire
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Comment financer une “économie de guerre” au niveau européen ?

Conseil européen : les 27 s'accordent sur l'utilisation des avoirs russes • Mais aussi — Renew, DSA, DMA, Gaza, Egypte


Bonjour. Nous sommes le mardi 26 mars 2024 et voici votre condensé utile d’actualité européenne. Suivez-nous également sur Twitter et LinkedIn


Le Briefing

A l’occasion du Conseil européen des 21 et 22 mars, les Vingt-Sept ont évoqué la question du soutien militaire à l’Ukraine et du renforcement de l’industrie européenne de défense. “Nous devons donc être bien préparés en matière de défense et passer en mode ‘économie de guerre’”, a déclaré Charles Michel en amont du Conseil.

Charles Michel, président du Conseil européen © Conseil européenCharles Michel, président du Conseil européen © Conseil européen

AVOIRS RUSSES • Le Conseil européen donne sa bénédiction à l'utilisation d’avoirs gelés pour aider l’Ukraine. 

  • Les Etats membres se sont accordés pour verser 3 milliards d’euros par an à l’Ukraine en ponctionnant les revenus issus des avoirs gelés de la banque centrale russe et situés en Europe. 

  • S'ajoutent à cela environ 1,7 milliard d’euros issus de la taxe imposée par le gouvernement belge à la société détentrice des actifs gelés, Euroclear.

Cette somme de 3 milliards sera consacrée à 90% à l’achat de matériel militaire pour l’Ukraine, principalement via la Facilité européenne pour la paix (FEP). Les 10% restants seront fléchés pour  l’aide à la reconstruction du pays. 

Le président ukrainien a appelé les dirigeants européens à utiliser les avoirs eux-mêmes. 

  • Cette initiative suscite l’opposition de la Hongrie et de la Slovaquie, qui craignent une escalade militaire avec la Russie. 

  • L'Autriche, Malte et l’Irlande avancent quant à eux les limites posées par leurs politiques de neutralité.

Les actifs de la Banque centrale russe gelés dans le cadre de sanctions représentent 260 milliards d’euros, et sont localisés aux deux tiers en Europe. 

  • Ces mesures ne touchent pas au capital lui-même, mais aux revenus et intérêts produits. 

  • La possibilité d’une confiscation de ces actifs n’est pas sur la table à ce stade. 

BEI • La Banque européenne d’investissement (BEI) ne peut investir dans du matériel militaire, et ne peut financer des équipements à double usage civil et militaire que s’ils ont une dominante civile. 

  • En amont du Conseil, 14 dirigeants européens, dont la France, l’Allemagne, les pays baltes, la Finlande et la Pologne, ont demandé dans une lettre ouverte à ce que le mandat de la BEI soit élargi. 

  • A l’issue du Conseil des 21-22 mars, les Etats membres demandent à la BEI d’“adapter sa politique de prêt à l’industrie de la défense et sa définition actuelle des biens à double usage”.

EUROBONDS • Face au mur de dépenses publiques requis pour réarmer l’Europe et financer la guerre en Ukraine, la France, l’Estonie et la Pologne ont proposé d’utiliser le levier obligataire par le biais d’obligations européennes de défense (eurobonds). 

  • La proposition vise à répliquer NextGenEU pour financer le développement de la base industrielle et de défense européenne. L’Allemagne, l’Autriche, les Pays-Bas, la Suède, le Danemark ou encore la République tchèque s’y opposent.

  • Les traités européens interdisent cependant le financement par le budget de l’Union d’ opérations “ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense”. La Facilité européenne pour la paix (FEP) est un outil multilatéral — les fonds ne transitent pas par le budget de l’Union. 

La Commission pourrait cependant présenter une proposition législative reprenant l’idée d’eurobonds d’ici juin. 

SANCTIONS • Les dirigeants européens ont également demandé à la Commission européenne de préparer de nouvelles sanctions contre la Biélorussie, la Corée du Nord et l’Iran. Ces pays sont accusés de contribuer au contournement des sanctions adressées à la Russie, et de participer à son armement.


Inter Alia

RENEW • Le 20 mars, le groupe parlementaire Renew a officiellement lancé sa campagne électorale en présentant non pas une mais trois de liste qui incarnent les trois factions du groupe : l’allemande Marie-Agnes Strack-Zimmermann (Parti de l'Alliance des libéraux et des démocrates pour l'Europe, ALDE), et les français Sandro Gozi (Parti démocrate européen, PDE) et Valérie Hayer (Renaissance).

Les têtes de liste — aussi appelés Spitzenkandidaten — sont les candidats des groupes politiques du Parlement pour la présidence de la Commission européenne. Il y a quelques semaines, nous étions revenus sur ce concept controversé : consultez notre Briefing sur le sujet ici.

Pour rappel, le président de la Commission européenne doit être proposé par le Conseil européen — c’est-à-dire, les dirigeants des États membres — à la majorité qualifiée. Il ou elle doit ensuite recueillir le soutien de la majorité des membres du Parlement européen. 

Ce n’est pas la première fois que Renew propose plusieurs candidats : en 2019, sept Spitzenkandidaten avaient été annoncés, dans le but de montrer l’aspect transnational du groupe parlementaire. Pour ces élections, Renew lance sa campagne avec une couleur franco-allemande. 

Marie-Agnes Strack-Zimmermann est connue en Allemagne pour sa position très critique vis-à-vis des hésitations d’Olaf Scholz sur l’envoi d’équipement militaire à l’Ukraine. Sandro Gozi est le secrétaire général du PDE (plus petite faction du groupe Renew) tandis que Valérie Hayer est à la tête du groupe Renew depuis le départ de Stéphane Séjourné.

Les trois têtes de listes ont dévoilé un manifesto en 10 points qui reflète les priorités des libéraux. Le groupe politique se positionne en faveur du soutien de l’industrie de la défense, souhaite réduire les charges administratives des entreprises pour renforcer leur compétitivité ou encore mettre les freins sur la création de nouvelles normes environnementales tout en s’assurant de l’implémentation de celles qui ont été adoptées depuis 2019.

Pour Renew, les sondages ne sont pas favorables : le groupe politique pourrait passer de 102 sièges à 85, au coude à coude avec Identité et Démocratie (81 sièges) auquel le Rassemblement National (RN) appartient.

DSA La Commission européenne a présenté des lignes directrices sur les mesures recommandées à l’égard des très grandes plateformes en lignes et des très grands moteurs de recherche en ligne — les deux cibles du Digital Services Act (DSA) — afin d’atténuer les risques de désinformation en vue des élections européennes, notamment ceux alimentés par l'intelligence artificielle et les deepfakes.

Ces lignes directrices ne sont pas juridiquement contraignantes, les entreprises restant libres de choisir les moyens d’action qu’elles souhaitent mettre en place. Cependant l’absence de mesures prises sera sanctionnée par des amendes pouvant atteindre jusqu’à 6% de leur chiffre d'affaires annuel mondial dans le cadre du Digital Service Act (DSA). 

Ces plateformes — qui comprennent par exemple Google, Facebook ou encore X — devront, pendant la période électorale, constituer des équipes internes chargées d'examiner les risques de désinformation en ligne dans 23 langues différentes, ou encore collaborer étroitement “avec les autorités nationales et de l'UE, les experts indépendants et les organisations de la société civile”.

La publicité politique devra aussi être clairement étiquetée comme telle, en prévision  du nouveau règlement sur la transparence et le ciblage de la publicité à caractère politique (qui n’entrera pas en vigueur à temps pour les élections).

DMA • Surprise. Le 25 mars, la Commission a ouvert des enquêtes pour non-conformité avec le Digital Markets Act (DMA) contre Alphabet, Appel et Meta. Pour rappel, depuis le 7 mars, les “gatekeepers” doivent respecter un certain nombre d’obligations dans le cadre du DMA, un règlement qui vise à rendre les marchés dans le secteur du numérique plus “équitables” et “contestables”.

Les enquêtes ouvertes par la Commission concernent les sujets suivants : 

Pour Alphabet, il s’agit des règles relatives à l’orientation dans Google Play et aux pratiques d’autofavoritisme dans Google Search. Le DMA impose aux gatekeepers de permettre aux développeurs d'applications “d’orienter” sans frais les consommateurs vers des offres en dehors des boutiques d'applications des contrôleurs d'accès, et la Commission soupçonne qu’Alphabet n’est pas conforme aux règles. 

Concernant l'autofavoritisme de Google Search, la Commission exige que les services de recherche verticale concurrents (comme Kayak) soient traités de manière équitable et non-discriminatoire par rapport à ceux de Google (comme Google Flights) — elle craint que les mesures mises en oeuvre par Alphabet pour atteindre cet objectif ne remplissent pas cet objectif.

Pour Apple, ce sont également les règles relatives à l’orientation dont il est question, mais également la mise en conformité avec les obligations liées au choix de l’utilisateur. Apple est soupçonnée de ne pas permettre aux utilisateurs de choisir réellement leur liberté de choix entre les services Apple et les autres (par exemple, en permettant aux utilisateurs de désinstaller facilement toute application logicielle sur iOS).

Enfin, pour Meta, l’enquête concerne le modèle “Pay or consent”, c’est-à-dire le choix pour les utilisateurs de consentir à ce que leur données soient utilisées à des fins publicitaires ou alors payer pour une expérience sans publicité. La Commission craint que le choix qui est offert aux utilisateurs n’en soit pas réellement un, et qu’il pousse à outrance les utilisateurs à consentir à l’utilisation de leurs données personnelles.

Les procédures ouvertes seront closes dans un délai de 12 mois. Si les enquêtes le justifient, la Commission informera les gatekeepers des mesures qu'elle envisage de prendre ou que les contrôleurs d'accès devraient prendre. En cas d'infraction, des amendes pouvant aller jusqu'à 10 % du chiffre d'affaires mondial total de l'entreprise peuvent être infligées par la Commission. Ces amendes peuvent être portées jusqu'à 20 % en cas de récidive. 

GAZA • La semaine dernière, les ministres des affaires étrangères de l’Union se sont mis d’accord pour imposer des sanctions contre les colons israéliens ayant fait preuve de violence contre les Palestiniens, tout en renforçant celles déjà mises en place contre le Hamas. L’accord de principe trouvé par les ministres des affaires étrangères de l’Union devra être adopté pour être effectif. 

Cet accord mettrait en place des sanctions individuelles contre les colons identifiés comme ayant perpétré des actes de violence contre des Palestiniens. Ces sanctions prendraient la forme d’interdiction de voyage et de gel des avoirs sur le territoire européen. 

Par ailleurs, en fin de semaine dernière, le Conseil européen a appelé à “une trêve humanitaire immédiate conduisant à un cessez-le-feu durable” dans la bande de Gaza. C’est la première fois que les dirigeants européens appellent tous explicitement à un cessez-le-feu. 

Malgré ces deux accords, des divisions à l’égard de la politique d’Israël sont toujours visibles au sein de l’UE. Plusieurs Etats membres — l’Allemagne, la Hongrie ou encore l’Italie — sont contre le “débat d’orientation politique” voulu par Josep Borrell afin de discuter de l’accord d’association UE-Israël (en vigueur depuis 2000), alors que d’autres États membres comme l’Espagne et l’Irlande demandent une révision de cet accord au plus vite.

EGYPTE • Un nouvel accord entre Bruxelles et Le Caire a été conclu ce 17 mars dans le cadre de la politique européenne de voisinage. Cet accord représente 7,4 milliards d'euros  qui seront attribués à l’Egypte sous la forme de prêts, subventions et investissements. 

Si l’accord concerne la stabilité économique, l’énergie ou encore la lutte contre le terrorisme, l’enjeu clé pour l’UE reste la question migratoire. 

Dans la ligne du pacte conclu avec la Tunisie l’année dernière, l’accord avec l’Egypte est un moyen pour l’Union de déléguer la gestion de la crise migratoire aux pays tiers en échange de prêts et de subventions. 200 millions d’euros de subventions seront d’ailleurs versées à l’Egypte à ce titre. 

Ce “modèle” d’accord est pour autant fortement critiqué, notamment car des pays comme l’Egypte et la Tunisie sont très loin d’être irréprochables en matière de droits de l’homme.


Nos lectures de la semaine

  • La création d’une agence de régulation européenne est la prochaine étape de la construction de l’union des marchés de capitaux, explique Nicolas Véron dans une chronique pour Bruegel qui résume le rapport qu'il a rédigé pour le Parlement européen.

  • Pour le European Policy Centre (EPC), Lena Düpont analyse les mesures du Nouveau Pacte Asile et Migration sur lequel le Conseil et le Parlement se sont accordés en décembre dernier.


Cette édition a été préparée par Augustin Bourleaud, Thomas Blanda, Gianni Gaboret, Luna Ricci, Marwan Ben Moussa et Maxence de La Rochère. À la semaine prochaine !

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