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Par Augustin Bourleaud
31 oct. · 5 mn à lire
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Les 27 haussent le ton sur l’immigration

L'immigration au coeur du dernier Conseil européen • Mais aussi — Moldavie, Inflation, Google, Eau


Bonjour. Nous sommes le 21 octobre 2024 et voici votre condensé utile d’actualité européenne. Suivez-nous également sur Twitter et LinkedIn


Le Briefing 

Les questions migratoires étaient au premier plan du Conseil européen de la semaine dernière. Les chefs d’État et de gouvernement européens ont demandé à la Commission européenne de faire une proposition législative en urgence afin d’accélérer le retour de migrants irréguliers dans leur pays d’origine.

Table ronde © Conseil européen

IMMIGRATION • La question migratoire est revenue sur le devant la scène depuis la fin de l’épidémie de Covid-19. En mai, le pacte sur la migration et l’asile a été adopté. Ce pacte est la conclusion de huit ans de réflexions sur la manière dont l’UE doit gérer ses flux migratoires. Il prévoit, entre autres, le renforcement des contrôles aux frontières et la répartition des efforts au niveau européen en matière d’asile. 

Le pacte ne s’appliquera qu’à partir de 2026 — trop tard, selon plusieurs gouvernements européens : 

  • En 2023, le nombre de franchissements irréguliers des frontières extérieures de l’UE atteignait 380 000, un record depuis 2016. 

  • Selon les résultats d’un sondage Ipsos publié en mars 2024, plus de la moitié des citoyens européens ont une perception négative des politiques européennes en matière de migration, et plus de deux tiers estiment que le renforcement des frontières devrait être la principale priorité des années à venir.

L’augmentation du nombre de migrants irréguliers, combinée à la pression exercée par les partis de droite et d’extrême droite, a conduit neuf pays européens à établir des contrôles aux frontières en 2024 : l’Allemagne, l’Autriche, le Danemark, la France, l’Italie, la Norvège, la Slovénie et la Suède. Selon Frontex, le nombre de franchissements irréguliers a baissé de 40% en 2024. 

CENTRES • Les débats se sont intensifiés ces dernières semaines. Dans une lettre adressée aux dirigeants européens la semaine dernière, Ursula von der Leyen a suggéré la mise en place de “centres de retour” (return hubs) dans les pays tiers. Deux options sont sur la table : 

  • Traiter les demandes d’asile depuis ces centres localisés à l’étranger : Ursula von der Leyen appelle les États membres à s’inspirer de l’Italie, qui a conclu en novembre 2023 un accord avec l’Albanie pour y construire des centres de retours et y traiter les demandes d’asile des hommes (les femmes, enfants et personnes vulnérables ne sont pas concernées). Du point de vue du droit européen, difficile d’affirmer que les protections auxquels les demandeurs d’asile peuvent prétendre seront garanties — l’Italie réfute, expliquant que les centres en Albanie sont établis sous juridiction italienne. Le 18 septembre, un tribunal italien a cependant refusé l’examen en Albanie des demandes d'asile d’un premier groupe de migrants venus d’Egypte et du Bangladesh.

  • Expulser les migrants irréguliers (et à qui l’asile n’a pas été accordé) vers ces centres, en attendant qu’ils puissent rejoindre leur pays d’origine. En 2023, sur 484 000 migrants qui ont reçu l’ordre de quitter l’UE, seulement 20% ont quitté le territoire européen.

Plusieurs dirigeants européens s’opposent à la mise en place de ces centres, en particulier le premier ministre espagnol socialiste Pedro Sánchez. Le gouvernement néerlandais, auquel le PVV (parti de Geert Wilders) participe, est favorable à l’idée. La ministre du commerce et du développement néerlandaise a même évoqué l'Ouganda comme possible pays partenaire, malgré les violations des droits humains qui y persistent.

Dans les conclusions du Conseil européen du 17 octobre, les chefs d’Etat et de gouvernement européens appellent la Commission “à présenter d'urgence une nouvelle proposition législative” visant à “faciliter, accroître et accélérer les retours depuis l'Union européenne”. Cette proposition pourrait contenir des éléments sur la mise en place des centres de retour. 

FRANCE • Côté français, Michel Barnier estime que l’accord entre l’Italie et l’Albanie n’est “pas transposable (...) pour des raisons juridiques et institutionnelles”. Il ajoute : “Nous allons coopérer encore plus avec les pays de transit ou les pays de départ. C'est ce que fait d'ailleurs l'Italie avec le soutien de l'Union européenne, avec la Libye ou avec la Tunisie.”

Le premier ministre fait notamment référence aux accords conclus par la Commission européenne avec des pays tiers, à travers lesquels l’UE apporte un soutien économique en l’échange d’un contrôle renforcé des flux migratoires directement à leur source — avant qu’ils n’atteignent l’UE. Ces accords sont controversés : la Commission est accusée par plusieurs ONG d’exposer les migrants au traitement de pays qui ne respectent pas les droits de l’homme.

POLOGNE • Quelques jours avant le Conseil européen, le premier ministre polonais Donald Tusk a annoncé qu’il comptait suspendre temporairement le droit d’asile pour les individus qui traversent la frontière polonaise depuis la Biélorussie. Il accuse la Russie d’instrumentaliser les flux migratoires — via son allié biélorusse — afin de déstabiliser le pays. 

Sa décision fait polémique. Elle est en partie motivée par l’approche des élections présidentielles, qui se dérouleront au printemps 2025. L’actuel président Duda, issu du parti PiS, utilise son droit de véto pour empêcher plusieurs réformes, notamment en ce qui concerne le système judiciaire.

Pour autant, les chefs d’État et de gouvernement européens ont apporté leur soutien à la Pologne : “Le Conseil européen exprime sa solidarité avec la Pologne et avec les États membres confrontés à ces défis. Les situations exceptionnelles appellent des mesures appropriées.”

Les conclusions du Conseil européen ne mentionnent pas l’idée d'accélérer l’application de certaines dispositions pacte asile et migration — même si plusieurs États membres, dont l’Allemagne, la France et l’Espagne, y sont favorables — notamment car la Pologne craint qu’une entrée en application plus rapide de ces règles ne lui empêche de mettre en place les mesures précitées.


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Inter Alia

MOLDAVIE • Des élections présidentielles et un référendum sur l’inscription de l’adhésion à l’UE comme objectif dans la constitution ont eu lieu hier en Moldavie.

Bien que la présidente sortante pro-européenne Maia Sandu soit arrivée en tête, les résultats du référendum sont pour le moment incertains — ce lundi matin, après le dépouillement de 96,3% des bulletins, le “non” semble l’emporter très légèrement — reflétant des divisions sur l’intégration européenne.

Des accusations d’ingérence russe ont marqué ce vote. En conférence de presse, Maia Sandu a accusé “des groupes criminels, travaillant avec des forces étrangères” d’avoir dépensé des “dizaines de millions d’euros” dans le but d’influencer l’issue du scrutin.

Les négociations d'adhésion de la Moldavie à l’UE ont été ouvertes en juin.

INFLATION • Le 15 octobre, le conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE) a décidé de réduire ses trois principaux taux directeurs de 25 points de base (0,25%). 

À partir du 23 octobre, le taux de la facilité de dépôt sera fixé à 3,25%, celui des opérations de refinancement à 3,40%, et celui de la facilité de prêt marginal à 3,65%. Cette baisse attendue — après deux réductions similaires en juin et septembre — intervient alors que l’inflation en zone euro a reculé à 1,7% en septembre en glissement annuel. 

Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a indiqué que l’objectif de ramener l’inflation à 2% pourrait être atteint plus tôt que prévu dans l’année 2025. En France, malgré la baisse de l'inflation, le taux d’épargne des ménages reste élevé, avec un niveau trois points supérieur à celui de 2019 à la mi-2024, selon l'Insee

L’équilibre économique est fragile. Certaines composantes de l’inflation, notamment dans les services, se maintiennent à 4% d’inflation, d’où la prudence de la BCE. Mais certains craignent que des taux encore trop élevés ne pénalisent une croissance moribonde (notamment en Allemagne) et ne viennent freiner les investissements dont l’UE a besoin.

La BCE n'a donné aucune indication sur de nouvelles baisses de taux à venir.

GOOGLE • Le département de la justice (DoJ) américain envisage de demander au juge Amit Mehta d’ordonner à Google de céder des parties de son activité, dans l’affaire Google Search.

Une scission de Google en plusieurs entités viserait à éviter que des produits tels que Chrome, le Play store ou Android ne favorisent la position de Google dans les moteurs de recherche. Google a immédiatement réagi par voie de communiqué. Aux États-Unis, le régulateur doit convaincre un juge que sa solution est viable et de nature à corriger le problème de concurrence identifié. 

Le procès doit se conclure à l’été 2025. Mais la position radicale prise par le DoJ rassure la Commission dans ses propres entreprises. La DG Concurrence songe elle aussi à des remèdes structurels (une scission) dans l’enquête en cours visant Google pour sa position dans les technologies de publicité en ligne (ad tech). 

H2O • Le stress hydrique — lorsque la demande d’eau dépasse l’offre — touche 20% du territoire et 30% de la population européenne, selon le dernier rapport de l’Agence européenne de l'environnement (EEA). Il ne frappe pas que les pays du sud. Le Benelux, par exemple, est aussi impacté que le sud de l’Espagne. 

La qualité de l’eau laisse également à désirer en Europe. Près des deux tiers des eaux sont jugées en mauvais état. Parmi les principales causes identifiées, on retrouve la pollution au mercure due à la production d’énergie au charbon, les retardateurs de flamme (des additifs ajoutés dans les produits pour les rendre moins inflammables) et les pesticides agricoles. La Suède, l’Allemagne et la Pologne figurent parmi les pays les plus concernés par cette pollution.

Les secteurs de l’énergie et de l’agriculture sont les plus grands consommateurs d’eau en Europe. Selon le rapport, l'agriculture, première consommatrice d’eau en Europe, doit changer ses pratiques: “L'évolution des pratiques agricoles et les nouvelles technologies peuvent contribuer à maintenir la productivité tout en permettant à l'agriculture de réduire la pollution et de s'adapter à une moindre utilisation de l'eau.”


Notre lecture de la semaine

  • Owen Walker, du Financial Times, analyse les perspectives de consolidation du secteur bancaire européen.


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Cette édition a été préparée par Augustin Bourleaud, Léopold Ringuenet, Antoine Ognibene, Lidia Bilali et Maxence de La Rochère. À la semaine prochaine !