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Par What's up EU
27 févr. · 5 mn à lire
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Ursula von der Leyen se positionne pour un second mandat

Ursula von der Leyen officiellement candidate • Mais aussi — Industrie & aides d'État, Orange & MasMóvil, Pologne, Ukraine, Connectivity Package


Bonjour. Nous sommes mardi 27 février 2024 et voici votre condensé utile d’actualité européenne. Suivez-nous également sur Twitter et LinkedIn


Le Briefing

Le 19 février, la présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen a officialisé sans surprise qu’elle était “candidate” à sa propre succession à la tête de l’institution. Bien que probable, sa réélection après les élections européennes du 6-9 juin n’est pas encore acquise.

Ursula von der Leyen © Commission européenne, 2024Ursula von der Leyen © Commission européenne, 2024

ANNONCE • "Je me suis présentée en 2019 parce que je crois fermement en l'Europe. (...) Lorsque la question s'est posée de savoir si je pouvais imaginer devenir président de la Commission européenne, j'ai immédiatement répondu oui de manière intuitive. Aujourd'hui, cinq ans plus tard, c’est une décision très consciente que je prends.”

Voici les mots choisis par Ursula von der Leyen pour annoncer qu’elle souhaite briguer un second mandat en tant que présidente de la Commission européenne. 

L’ex-ministre de la défense d’Angela Merkel a fait cette annonce le 19 février lors d’une réunion de l’Union chrétienne-démocrate d’Allemagne (CDU), parti politique allemand appartenant au Parti populaire européen (PPE), le groupe politique de centre-droit au Parlement européen. 

Pour rappel, le PPE est actuellement le premier groupe politique au Parlement européen et il est attendu qu’il conserve cette position au sortir des élections.

La CDU a par ailleurs formellement annoncé son soutien à la candidature de von der Leyen.

PROCESSUS • Si le processus de sélection pour devenir président de la Commission européenne est plutôt simple sur le papier, il est devenu controversé suite aux élections européennes de 2019.

La règle est la suivante : le président de la Commission européenne doit être proposé par le Conseil européen — c’est-à-dire, les dirigeants des États membres — à la majorité qualifiée. Il ou elle doit ensuite recueillir le soutien de la majorité des membres du Parlement européen. 

En 2009, le traité de Lisbonne a apporté une précision. Le Conseil européen doit à présent proposer un candidat en “prenant en compte” (élément nouveau) le résultat des élections européennes. 

Lors des premières élections européennes post-Lisbonne en 2014, le Parlement s’est appuyé sur cet élément pour renforcer son influence dans le processus de sélection. Les eurodéputés ont ainsi introduit le principe du Spitzenkandidat (“tête de liste” en Allemand), selon lequel c’est le leader du groupe politique au Parlement européen qui arrive en tête aux élections qui doit être proposé par les États membres. 

Si l’on en croit ce nouveau système, les citoyens européens choisissent donc indirectement le président de la Commission européenne via leur vote aux élections.

Pourtant, si Jean-Claude Juncker était bien le Spitzenkandidat du PPE en 2014, il considère avoir été le “premier et dernier”. En effet, en 2019, la tête de liste du PPE aux élections européennes Manfred Weber a été écartée au profit d’Ursula von der Leyen. 

SPITZENKANDIDAT • La désignation d’Ursula von der Leyen en 2019 a donc montré qu’il n’était pas nécessaire d’être une “tête de liste”.

Le concept du Spitzenkandidat est-il donc de l’histoire ancienne ? Pour les députés européens, la réponse semble être non. Plusieurs groupes politiques — dont les Verts et le Parti de la gauche européenne — ont déjà choisi leur tête de liste pour l’élection à venir.

Il est attendu que le PPE fasse de même lors d’un congrès qui aura lieu du 6 au 9 mars pendant lequel Ursula von der Leyen sera de toute évidence sélectionnée.

“Moi-même et le PPE croyons profondément en l'idée des Spitzenkandidat et de les présenter avant les élections (...). Il est essentiel de donner aux citoyens une voix pour décider de l'avenir de l'Europe”, a d’ailleurs déclaré Manfred Weber, l’actuel président du PPE au Parlement européen.

Pourtant, nombreux sont ceux qui considèrent que ce processus est au mieux illusoire, au pire hypocrite. Martin Schulz, l’ex-président du Parlement européen derrière l’idée du Spitzenkandidat, a déclaré qu’Ursula von der Leyen était selon lui une “fausse” tête de liste. 

Le journaliste européen Dave Keating va même jusqu’à qualifier le processus des Spitzenkandidaten d’un “système fictif où l'on ment aux électeurs en leur disant que leur vote déterminera qui sera le président, alors qu'au mieux, tout ce qu'il fait, c'est d'influencer la position du candidat nominé sur l'échiquier politique.”

SOUTIEN • Spitzenkandidat ou pas, une chose est certaine : Ursula von der Leyen aura besoin du soutien des États membres et du Parlement pour être reconduite à la tête de la Commission européenne.

Du côté du Conseil européen, il est attendu que la grande majorité des dirigeants des États membres soutiennent la candidature de von der Leyen. 

Les choses se corsent si l’on regarde du côté du Parlement européen. En 2019, la nomination d’Ursula von der Leyen avait été approuvée par le Parlement à seulement 9 voix près grâce à une coalition entre le PPE, les sociaux-démocrates (S&D) et les libéraux de Renew. 

Le bilan d’Ursula von der Leyen est critiqué par une partie des députés européens qui ont soutenu la candidate en 2019. Du côté du PPE et de certains libéraux, elle est accusée d’avoir affaibli la compétitivité des entreprises européennes et d’avoir augmenté leur fardeau administratif, notamment à travers des initiatives du Green Deal.

Ces derniers mois, elle a pris en compte ces critiques en ralentissant la cadence sur le Green Deal et en annonçant des initiatives visant à renforcer la compétitivité européenne. Ce tournant vise probablement à convaincre également des membres des Conservateurs et réformistes européens (ECR), situés à droite du PPE dans l’échiquier politique européen, de la soutenir.

Pas certain que tout cela soit suffisant : la semaine dernière, le député européen François-Xavier Bellamy a par exemple annoncé que les Républicains (PPE) ne soutiendront pas la candidate allemande, estimant que l’UE pendant le mandat d’Ursula von der Leyen a été marquée par un agenda “de contraintes, de complexité et de contrôle”.

Dans le même temps, von der Leyen doit éviter de s’aliéner les Verts et les sociaux-démocrates, pour qui une pause réglementaire sur l’environnement n’est pas envisageable. 

PROGRAMME • Si le Green Deal était la colonne vertébrale du programme de von der Leyen en 2019, les priorités de la candidate pour les cinq années à venir semblent plus larges et consensuelles.

“Nous devons adapter notre compétitivité aux nouvelles conditions, atteindre nos objectifs climatiques en collaboration avec les entreprises, exploiter les possibilités offertes par l'IA, faire progresser la numérisation, mettre en œuvre le pacte sur les migrations et développer les capacités de défense de l'Europe”, a-t-elle déclaré à Berlin la semaine dernière.

Elle a par ailleurs annoncé qu’un poste de commissaire à la défense serait créé si elle est reconduite pour un second mandat. Cette déclaration fait suite à d’autres annonces concernant le financement de la défense européenne.

WHAT NEXT • L’Allemande continuera son travail en tant que présidente de la Commission durant la campagne. Pour autant, elle devra respecter certaines règles éthiques qu’elle a elle-même conçues. 

Ainsi, chaque commissaire candidat pour le Parlement européen (ou candidat pour devenir président de la Commission européenne) devra bien distinguer son travail de sa campagne, en créant des comptes de réseaux sociaux séparés et en veillant à ne pas utiliser des ressources de la Commission à des fins électorales.


Inter Alia

INDUSTRIE & AIDES D’ÉTAT • Le port d’Anvers, premier centre pétrochimique d’Europe, accueillait le 20 février 73 PDG de grands groupes industriels européens à l’invitation du Premier ministre belge Alexander De Croo et du Conseil européen de l’industrie chimique (CEFIC). 

Le sommet s’est clôturé par la signature d’un plan d’action en dix points, destiné à restaurer la compétitivité du secteur industriel européen. Tout comme le Pacte Vert a été le fleuron de la Commission actuelle, la Déclaration d’Anvers insiste sur la nécessité de faire de la compétitivité industrielle une pièce maîtresse de l’échiquier politique de la prochaine Commission.

Le même jour, le ministre de l’Industrie danois annonçait à son homologue allemand à Berlin qu’il faut arrêter de relâcher les règles européennes en matière d’aides d’État. L’annonce du ministre danois avait été précédée d’une lettre adressée à la Commission et signée par onze États Membres, qui exprimait la crainte que ce relâchement ne bénéficie indûment aux États Membres plus riches (en d’autres termes, l’Allemagne et la France).

La simultanéité entre l’annonce du ministre danois et la Déclaration d’Anvers dont le second point inclut explicitement un “régime d’aides d’État simplifié” laisse présager un débat politique majeur qui va se cristalliser pendant les prochains mois de campagne électorale.

ORANGE & MÁSMÓVIL • Le 20 février, la Commission européenne a donné son feu vert à une fusion d’un montant de 18.6 milliards d’euros entre les opérateurs de télécommunication Orange et MásMóvil. 

Cette autorisation s’accompagne de mesures correctives visant à s’assurer que la concurrence sur ce marché ne soit pas réduite en Espagne. Ainsi, les deux opérateurs devront — entre autres — céder à Digi, l’opérateur de téléphonie mobile roumain, certaines fréquences.

Le vent semble avoir tourné du côté des fusions dans le domaine des télécommunications. Jusqu’à présent, la commissaire à la concurrence Margrethe Vestager n’avait pas autorisé de fusion menant à une réduction de 4 à 3 opérateurs de téléphonie mobile sur un même territoire national.

Selon un document de travail de la Commission consulté par le FT, l’autorisation de cette fusion semble avoir été facilitée par les nécessités actuelles d’accélération des investissements dans le domaine des réseaux de télécommunications et de consolidation de l’autonomie stratégique européenne. 

Thierry Breton, commissaire au marché intérieur et PDG de France Télécom (devenue Orange) de 2002 à 2005, a longtemps fait campagne pour que la Commission soit moins stricte sur le contrôle des concentrations dans le domaine des télécommunications, afin de renforcer la position des entreprises européennes et de favoriser les investissements.

POLOGNE • Lors d’une conférence de presse à Varsovie, Ursula von der Leyen a annoncé que la Commission européenne allait commencer à dégeler 137 milliards d’euros de fonds européens destinés à la Pologne — mais gelés pour non-respect de l’état de droit dans l’État membre.

"La Commission présentera deux décisions sur les fonds européens qui sont actuellement bloqués pour la Pologne (...). Ces décisions libéreront jusqu'à 137 milliards d'euros pour la Pologne”, a-t-elle déclaré.

Ces décisions font suite aux efforts de Donald Tusk, le nouveau premier ministre polonais, visant à rétablir l’état de droit dans son pays.

UKRAINE • Le 24 février a marqué les deux ans de l’invasion russe en Ukraine. À la veille du deuxième anniversaire du début du conflit, le Conseil de l’UE a adopté le 13e paquet de sanctions contre la Russie. Il avait auparavant été bloqué par la Hongrie.

Ce nouveau paquet de sanctions fait monter le nombre d’entités et de personnes visées par des sanctions à plus de 2000. Pour la première fois, des entreprises de Chine continentale et d’Inde sont visées par des sanctions. 

Jusqu’à présent, les sanctions n’avaient pas touché d’entreprises de Chine continentale, à la suite de pressions de plusieurs États membres dont l’Allemagne, craignant la réponse de Pékin.

CONNECTIVITY PACKAGE • Le 21 février, la Commission européenne lance une série d’initiatives formant un “connectivity package” qui vise à actualiser et harmoniser la réglementation européenne sur les infrastructures numériques, encourager les investissements et renforcer leur sécurité et leur résilience.

Elle a annoncé une consultation sur le marché des télécommunications de l'UE, ouverte jusqu'en juin, basée sur douze propositions qu’elle développe dans so livre blanc présenté le même jour, "Comment maîtriser les besoins de l'Europe en matière d'infrastructures numériques”. 

Ce livre blanc et cette consultation indiquent que la Commission est à l’écoute des revendications des opérateurs télécoms, qui expliquent depuis des années avoir des difficulté à maintenir leur modèle économique et investir durablement dans les infrastructure de réseaux.

La Commission a également dévoilé une recommandation sur la sécurité et la résilience des infrastructures de câbles sous-marins, dans laquelle elle suggère notamment la création d’un groupe d’experts pour améliorer la coordination des initiatives à l’échelle européenne et examiner les évaluations de risques des États membres et leur mise en œuvre de la législation de l'UE.

Par ailleurs, elle s'est engagée à adopter une recommandation sur la cryptographie post-quantique d’ici 2025.


Nos lectures de la semaine

  • Dans une analyse pour Bruegel, Ben McWilliams, Giovanni Sgaravatti, Simone Tagliapietra et Georg Zachmann montrent que l’UE a encore du chemin à parcourir pour limiter sa dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie.


Cette édition a été préparée par Augustin Bourleaud, Luna Ricci, Guillaume Renée, Maxence de La Rochère et Matthieu Coget. À la semaine prochaine !

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