What’s up EU s’est entretenu avec Pieyre-Alexandre Anglade, candidat à sa réélection au sein de la 4e circonscription des Français établis à l’étranger (Benelux) pour la majorité présidentielle. Nous avons discuté de la place de la France dans l’UE après les européennes, et des scénarios possibles après les législatives.
Le groupe Renew a perdu 28 sièges au Parlement européen au lendemain des élections européennes. Ne vous inquiétez-vous pas d’une baisse de l’influence des libéraux — et par extension, de la France — en Europe ? Ces résultats vont-ils avoir un impact sur la manière dont vous comptez influencer les politiques européennes ?
Pieyre-Alexandre Anglade : Renew Europe reste le faiseur de roi au Parlement européen.
C’est la force centrale sans laquelle aucune majorité n’est possible. Renew Europe jouera pleinement son rôle pour défendre le projet européen et faire valoir ses propositions.
La délégation française étant la plus importante au sein du groupe Renew, notre influence restera totale dans cette législature. Ce qui m’inquiète en revanche c’est la place prépondérante des députés de l’extrême-droite qui de fait affaiblissent l’influence de la France en Europe.
Vous étiez directeur de la campagne de Valérie Hayer. Selon vous, qu’est-ce qui a fonctionné durant cette campagne ? Qu’est-ce qui a moins fonctionné ? Et comment faites-vous le lien avec les résultats décevants de la majorité présidentielle ?
Pieyre-Alexandre Anglade : Nous avons tenté tout au long de la campagne de parler du fond et de l’Europe. Mais nous avons été rattrapé par le contexte politique national qui a fait passer la campagne européenne au second plan.
Celle-ci s’est jouée sur des thèmes quasi exclusivement nationaux alors que le seul enjeu devait être européen. Je le regrette.
Par ailleurs, ce qui nous a fait défaut dans cette campagne est la non-mobilisation de notre électorat qui pour beaucoup s’est abstenu. Alors que les élections législatives sont en approche je les appelle au sursaut car les enjeux n’ont jamais été aussi importants pour la France et pour l’Europe
Dans cette campagne les candidats de Ensemble pour la République sont les seuls à ne pas s’être fourvoyés dans des alliances contre nature avec des partis eurosceptiques. Ce bloc central c’est celui des pro-européens.
Je déplore à cet effet que Raphaël Glucksmann se soit allié avec Jean-Luc Mélenchon et la France insoumise, lui qui avait su parler avec conviction de l’avenir de l’Europe. Quand on est humaniste et pro-européen on ne s’allie pas avec ceux qui ont toujours soutenu la Russie contre l’Ukraine et qui proposent toujours de sortir des règles européennes.
On ne s’allie pas non plus avec un parti (LFI) qui veut mettre à bas nos institutions, alimente l’antisémitiste et menace la place de la France au sein de l'architecture européenne. C’est une trahison des pro-européens.
Comment avez-vous vécu le fait de devoir commencer une nouvelle campagne — la vôtre — au lendemain des élections européennes ?
Pieyre-Alexandre Anglade : C’est un moment de clarification.
J’entends les incompréhensions et parfois la colère, mais depuis deux ans, le parlement est devenu, sous l’influence de la NUPES et du RN, un lieu de conflictualité exacerbé où il était de plus en plus difficile de constituer des majorités. Le parlement qui est d’ordinaire le lieu de vifs débats est devenu sous les coups de boutoir de La France Insoumise le lieu du chaos.
Par ailleurs on ne peut rester indifférent et inactif face aux près de 40% de l'extrême droite au soir de l'élection européenne. Dans ce contexte, les élections qui sont devant nous doivent permettre la clarification.
Il existe une réponse progressiste, pro européenne, que je porte et que nous incarnons avec le Premier ministre, Gabriel Attal.
Comment se passe cette campagne si courte ? Quels défis avez-vous rencontrés ?
Pieyre-Alexandre Anglade : Bien. Une campagne électorale est toujours un moment opportun pour renouer avec les Français, écouter leurs attentes, leurs espoirs, parfois leurs colères.
Je sens une inquiétude pour l’avenir du pays et celui de l’Europe.
Et en même temps un grand sursaut des démocrates, des progressistes, des pro européens qui ne se retrouvent pas dans les alliances contre nature qui ont été faites à droite comme à gauche.
Notre plus grand défi est de mobiliser les Français pour que les extrêmes ne passent pas en France.
Quel est le principal message que vous souhaitez faire passer aux Français du Benelux ?
Pieyre-Alexandre Anglade : Face à l'extrême droite de Jordan Bardella il existe une autre réponse que celle de l'extrême gauche de Jean-Luc Mélenchon.
Depuis le début de ma campagne, partout où je passe, les Français que je rencontre me disent leur attachement viscéral à la République et à ses libertés, à la puissance de la France et à sa place en Europe. Ils me répètent aussi leur refus des projets qui entraînerait la division des Français, le déclin économique de notre pays et le démantèlement de l’Europe.
Ils me disent enfin leur déception des alliances de la honte à gauche et à droite.
Je les comprends et je partage entièrement leur sentiment.
C’est pourquoi j’en appelle à leur mobilisation et je leur dis que face aux deux extrêmes il existe une réponse progressiste, humaniste, pro européenne et écologiste. Et que je porte pour demain à l’Assemblée nationale le rassemblement de toutes ces sensibilités et une nouvelle manière de gouverner dans une nouvelle majorité.
C’est cette troisième voie que je porte auprès de vous.
Qu'y a-t-il de particulier à représenter les Français de l’étranger à l’Assemblée Nationale ? En quoi votre travail diffère-t-il de celui des députés de circonscriptions situées en France ?
Pieyre-Alexandre Anglade : Les Français de l’étranger sont des Français à part entière. Ils votent, et prennent part à la vie politique française comme les autres.
Les Français de l’étranger ont aussi des problématiques qui leurs sont propres. Notre majorité présidentielle a porté à un niveau record l’investissement dans les politiques publiques à destination Français de l’étranger : plus d’un demi-milliard d’euros chaque année. Très concrètement, ce sont des investissements dans notre réseau d’enseignement du Français à l’étranger, des aides à notre tissu associatif, des aides sociales.
Grâce à notre majorité, les Français de l’étranger sont certainement les électeurs français les plus modernes. Aujourd’hui, ils peuvent voter en ligne. Nous portons aussi la dématérialisation des copies et extraits d’acte d’état civil, par exemple. En un mot, nous rapprochons les services publics des Français où qu’ils soient.
Selon vous, quelles pourraient être les conséquences de ces élections anticipées sur la place de la France au sein de l’Union européenne ? Dans les cas de figure suivants :
(i) En cas de cohabitation, si un premier ministre issu de l’alliance entre le Rassemblement National et Les Républicains accède au pouvoir.
Pieyre-Alexandre Anglade : La France serait mise au ban de l’Europe. Elle serait diminuée, isolée et absente, à l’image du RN au Parlement européen. Nous n’en voulons pas.
(ii) En cas de cohabitation, si un premier ministre issu du Nouveau Front Populaire accède au pouvoir.
Pieyre-Alexandre Anglade : Ce serait la confusion à tous les étages car La France Insoumise domine le Nouveau Front Populaire. C’est un parti nationaliste qui ne dit pas son nom et qui propose encore une sortie des règles européennes.
Sans le dire, il y a dans ce projet européen du Nouveau Front Populaire une forme d'ambiguïté vis-à-vis de la construction européenne. Les pro européens ne peuvent pas se retrouver dans cette alliance.
(iii) Une situation où le bloc central aurait la majorité.
Pieyre-Alexandre Anglade : C’est le meilleur cas de figure pour la France et l’Europe. Une majorité qui reste résolument pro européenne où la France continue de faire avancer le projet européen, de manière active, et en lien avec ses partenaires européens.
Dans ces temps confus nous avons besoin de clarté.
Dans sa lettre aux Français, Emmanuel Macron a déclaré : “Je ne suis pas aveugle : je mesure le malaise démocratique. Cette fracture entre le peuple et ceux qui dirigent le pays que nous n’avons pas réussi à résorber. Oui, la manière de gouverner doit changer profondément.” Qu’est-ce qui doit changer ? Y a-t-il également un malaise démocratique au niveau européen ? Si oui, qu’est-ce qui doit changer à cette échelle ?
Pieyre-Alexandre Anglade : Il existe un sentiment de dépossession et d'éloignement au sein de la population française, de manque de prise sur les évolutions du monde et les décisions prises par les responsables politiques.
Il faut y répondre en incorporant des respirations démocratiques tout au long d’un mandat. Les conventions citoyennes, les grands débats sont une inspiration. Ils doivent être repensés dans leur organisation afin de mieux associer les citoyens.
Il faut par ailleurs faire évoluer la culture politique et celle des partis et avancer comme le font beaucoup de nos partenaires européens à travers des coalitions.
C’est ce que nous portons aussi dans cette campagne des législatives. Derrière le bloc central que nous incarnons, nous devons construire une nouvelle majorité parlementaire : un bloc des républicains et des démocrates attachés à la République et à la construction européenne.
Quels sont les politiques qui vous paraissent cruciales pour les 5 années à venir, aux niveaux français et européens ?
Pieyre-Alexandre Anglade : Il y a 4 enjeux majeurs auxquels nous devons faire face : la défense de notre continent, l’atteinte de la neutralité climatique, le pouvoir d’achat et la participation démocratique. Au fond tout ce qui doit permettre à la France et à l'Europe d’être plus puissante, plus souveraine, plus écologique et plus démocratique.