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Par Augustin Bourleaud
17 déc. · 4 mn à lire
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Deux nouveaux membres pour un espace Schengen en crise

Mais aussi — Allemagne, Sanctions, BCE

Bonjour. Nous sommes le 17 décembre et voici votre condensé utile d’actualité européenne. Le briefing de la semaine vous est proposé par Mathieu Solal, journaliste européen et cofondateur de BLOCS

A la rentrée, What’s up EU va proposer des évènements pour donner la parole à ceux qui font et pensent l’Union européenne. Mais avant ça, on vous donne la parole. Répondez à notre rapide questionnaire ici.  


Le Briefing

Après plus d’une décennie d’attente, Sofia et Bucarest rejoignent l’espace Schengen. Le plus grand espace de libre-circulation du monde n’en reste pas moins en crise, comme en témoignent les contrôles aux frontières intérieures mis en place par de nombreux Etats membres, sur fond d’inquiétude migratoire.

Plusieurs pays non-membres de l'UE sont membres à part entière de l'espace Schengen (en jaune). L'Irlande et Chypre n'appliquent pas l'ensemble des règles (c) Conseil de l'UEPlusieurs pays non-membres de l'UE sont membres à part entière de l'espace Schengen (en jaune). L'Irlande et Chypre n'appliquent pas l'ensemble des règles (c) Conseil de l'UE

RETOURNEMENT AUTRICHIEN • Après de longues années d’attente, le Conseil de l’UE a entériné l’adhésion pleine et entière de la Bulgarie à l’espace Schengen. 

L’espace Schengen regroupe 27 autres pays, dont 23 États membres de l’UE plus l’Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse. Il comptera 29 membres à partir du 1er janvier 2025.

Sofia et Bucarest espéraient leur intégration à Schengen depuis leur adhésion en 2007 et la Commission européenne avait estimé qu’ils y étaient prêts dès 2011. Mais le Conseil, préoccupé par la corruption et la vulnérabilité à la migration irrégulière des deux pays, avait laissé la requête sans réponse pendant des années.

C’est finalement la levée du veto de l’Autriche qui a fait la différence. Le renforcement de la protection des frontières extérieures de l’espace Schengen a permis “une réduction massive des passages clandestins de migrants”, selon son ministre de l’Intérieur Gerhard Karner.

SIGNAL BIENVENU Le signal politique est plus que bienvenu pour ces deux pays englués dans des situations politiques inquiétantes. 

La Bulgarie est en crise politique depuis trois ans, incapable de dégager une majorité stable après les 7 dernières élections.

De son côté, la Roumanie est gouvernée par une majorité fragile, après avoir enregistré une augmentation importante du vote d’extrême-droite lors de l’élection qui a eu lieu ce mois-ci. 

Surtout, son élection présidentielle a été annulée après la qualification surprise d’un candidat pro-russe, grâce à une cyber-attaque et une campagne de propagande massive organisées depuis Moscou. Un nouveau scrutin se tiendra l’année prochaine.

L’adhésion à Schengen s’accompagne néanmoins d’une réserve : l’introduction de contrôles aux frontières terrestres entre la Hongrie et la Roumanie et entre la Roumanie et la Bulgarie pendant au moins six mois. 

Concrètement, les attentes de plusieurs heures auxquelles sont confrontés quotidiennement camionneurs et travailleurs frontaliers, devraient continuer encore un moment.

CONTRÔLES EN CASCADE • Les atteintes à la libre-circulation se sont multipliées au sein de l’espace Schengen ces dernières années, sur fond de pandémie et de lutte contre la migration clandestine. 

Pas moins de huit États membres de l’espace Schengen ont mis en place des contrôles aux frontières cette année : l’Allemagne, l’Autriche, le Danemark, la France, l’Italie, la Norvège, la Slovénie et la Suède. 

L’Allemagne, très critiquée pour la remise en place de contrôles à ses frontières en septembre, a annoncé jeudi qu’elle les prolongerait d’un mois supplémentaire.

La réforme du code Schengen adoptée en février permet d’étendre les contrôles temporaires, censés être justifiés par une menace grave à la sécurité de l’Etat qui les met en place, à deux ans, avec une prolongation possible d’un an.

Une disposition qui illustre bien la raideur des Vingt-Sept en matière migratoire. 

En octobre, le Conseil européen a demandé à la Commission de faire une proposition législative en urgence afin d’accélérer le retour de migrants irréguliers dans leur pays d’origine.

En creux, cette demande des Vingt-Sept, qui n’a pour l’heure pas été honorée par la Commission, montre le peu de foi qu’ils ont dans le Pacte asile et migration adopté en mai, censé constituer un couteau suisse face aux problèmes migratoires de l’UE.

OFFSHORING • Seul vrai consensus : la nécessité d’externaliser le plus possible la gestion des demandes d’asile. Parmi les pays tiers en charge de cette gestion, les pays du Maghreb, et surtout la Turquie, avec laquelle un accord en la matière a été conclu en 2016 et reconduit en 2021. 

L’Italie tente même de renvoyer vers l’Albanie les migrants arrivés sur son territoire pour que leurs demandes d’asile soient traitées sur place, mais se heurte à des obstacles judiciaires.

Les dispositifs d’externalisation permettent certes d’éviter un certain nombre d’arrivées, mais créent une dépendance vis-à-vis de ces Etats et ne suffisent pas à faire baisser la tension migratoire. L’immigration illégale vers l’UE a doublé entre 2018 et 2023, de 137 000 personnes à 275 000. 

Dernier symptôme en date : la suspension des dossiers de demandeurs d’asile syriens, décidée par plusieurs Etats membres dont la France, suite à la chute du régime de Bachar el-Assad.

Si en France, on justifie cette décision par l’incertitude de la situation syrienne, d’autres pays, comme l’Autriche, paraissent vouloir profiter de la situation pour éloigner le plus de Syriens possible de leurs territoire. 

Vienne prépare ainsi un “programme de retour et d'expulsion” des demandeurs d’asiles syriens. De son côté, l'extrême droite suédoise a évoqué la révocation des titres de séjour des réfugiés syriens.


Partenariat commercial avec APRR

Les transports représentent 30% des émissions de gaz à effet de serre. Le péage en flux libre (i.e. des portiques au-dessus de l’autoroute) est un moyen de fluidifier le trafic et de réduire à la fois l’empreinte carbone des trajets autoroutiers et de supprimer des barrières de péage. 

APRR, deuxième groupe autoroutier en France (> 2 500 km exploités) a lancé en 2024 sa page web Le Péage Réinventé. Sur l’autoroute A79, l’introduction du flux libre a éliminé les embouteillages et permis de restituer 16 hectares à la nature. 


Inter Alia

BERLIN EN BERNE La Bundesbank a revu ses prévisions économiques à la baisse : la croissance allemande atteindrait seulement 0,2% en 2025.

La dépendance de l’économie allemande aux exportations pourrait empirer les choses : si Donald Trump venait à réaliser ses ambitions en matière de droits de douane, la Bundesbank estime que la croissance allemande pourrait se transformer en une contraction économique atteignant potentiellement 0,5%.

En 2024, le PIB allemand avait déjà reculé de 0,2%.

Au-delà de la conjoncture, les difficultés de l’économie allemande sont liées à des problèmes structurels, a récemment souligné le président de la Bundesbank, Joachim Nigel. 

Le marché du travail, épargné depuis la reprise post-Covid, fait maintenant partie de la liste des problèmes : en 2025, le taux de chômage devrait atteindre son niveau le plus élevé depuis une décennie. En octobre, Volkswagen a annoncé la fermeture d’au moins trois usines en Allemagne, supprimant des dizaines de milliers d’emplois.  

Le pays va entrer dans l’année 2025 sans budget fédéral, le marasme économique s’étant mué en crise politique. En novembre, la coalition menée par Olaf Scholz avec les Verts et les Libéraux a volé en éclat à la suite de désaccords sur le budget. 

Comme attendu, Olaf Scholz a perdu hier la confiance du Bundestag. Des élections législatives anticipées se tiendront le 23 février prochain.

La CDU/CSU est largement en tête dans les sondages (32,4%), suivie par l’AfD (18,1%) et le SPD (15,8%). Une alliance entre la CDU/CSU et le SPD ou les Verts est l’issue la plus probable au lendemain des élections.

SANCTIONS • Le Conseil a adopté un nouveau paquet de sanctions contre la Russie, le quinzième depuis le début de la guerre en Ukraine.

Pour la première fois, sept entités chinoises font l’objet de véritables sanctions — les paquets de sanctions précédents contenaient seulement des restrictions d’exportation à l’égard d’entités chinoises — incluant l’interdiction d’entrée sur le territoire européen et le gel des avoirs.

Les sanctions visent également 52 nouveaux navires de la “flotte fantôme” utilisés par Moscou pour contourner les sanctions. 

BCE • La Banque centrale européenne (BCE) a abaissé ses taux directeurs pour la quatrième fois depuis le mois de juin. 

Les trois taux d’intérêts directeurs — taux d’intérêt de la facilité de dépôt, des opérations principales de refinancement et de la facilité de prêt marginal — vont être abaissés de 25 points de base et seront ramenés respectivement à 3,00%, 3,15% et 3,40% le 18 décembre.

Le principal taux directeur, le taux de la facilité de dépôt, va donc atteindre son niveau le plus bas depuis mars 2023. 

Les dernières estimations de la BCE indiquent que l’inflation devrait baisser plus rapidement que prévu : elle devrait atteindre 2,4% cette année, 2,1% en 2025 et 1,9% en 2026.

La présidente de la BCE, Christine Lagarde, a déclaré que la trajectoire était “claire”, suggérant que de nouvelles baisses de taux sont à venir dans les mois qui arrivent. Elle a toutefois souligné — comme à son habitude — que le rythme de baisse des taux serait déterminé en temps réel, réunion après réunion. 

Un élément qui entre en considération dans la baisse des taux est le niveau de croissance de la zone euro. En la matière, la BCE a récemment revu ses projections à la baisse : la croissance devrait atteindre seulement 1,1% en 2025 et 1,4% en 2026 et 1,3% en 2027.


Nos lectures de la semaine

  • Dans le Financial Times, Chris Giles loue la performance économique des pays dits “périphériques” — la Grèce, l’Italie, l’Espagne, le Portugal et l’Irlande — plus d’une décennie après la crise de la dette souveraine.

  • Dans leur dernière édition, BLOCS vous guide sur les traces de la refonte du système douanier européen et, plus particulièrement, de son projet phare : la création d’un EU data hub.

  • Dans une note pour Bruegel, Rebecca Christie soutient qu’inciter les citoyens à investir sur les marchés financiers devrait être une priorité pour l'UE.


Cette édition a été préparée par Augustin Bourleaud, Mathieu Solal, Théotime Beau, Matteo Matuszewski, et Maxence de La Rochère. À la semaine prochaine !