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Par Augustin Bourleaud
23 juil. · 6 mn à lire
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Ursula von der Leyen réélue dans un fauteuil

Confortable majorité pour von der Leyen • Mais aussi — Vaccins, Hongrie, BCE, PSC, Israël, TikTok, Hydrogène


Bonjour. Nous sommes le 22 juillet et voici votre condensé utile d’actualité européenne. 

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Le Briefing

Jeudi dernier, en début d’après-midi, l’ensemble de la bulle européenne retenait son souffle : au Parlement européen avait lieu le vote visant à accepter ou rejeter la nomination d’Ursula von der Leyen comme présidente de la Commission européenne. L’ancienne ministre allemande a obtenu une confortable majorité et signe donc pour 5 années supplémentaires.
Ursula von der Leyen à l’annonce des résultats © Parlement européenUrsula von der Leyen à l’annonce des résultats © Parlement européen

401 • Après sa nomination par le Conseil européen, il ne restait plus qu’une étape à Ursula von der Leyen pour obtenir un second mandat à la tête de la Commission européenne : récolter le soutien de la majorité des eurodéputés.

En 2019, Ursula von der Leyen avait été élue à seulement 9 voix près au Parlement européen. Cette fois-ci, elle a obtenu 41 voix de plus que la majorité requise (360 voix), avec un total de 401 voix en sa faveur.

Pourtant, rien n’était gagné d’avance pour l’ancienne ministre allemande. Certes, Ursula von der Leyen est soutenue par la coalition majoritaire entre les sociaux-démocrates (S&D), les libéraux (Renew Europe) et le Parti populaire européen (PPE, auquel elle appartient), mais cela ne lui garantissait pas une majorité le jour du vote.

Plusieurs partis politiques membres de la coalition — comme les libéraux allemands (Renew) — avaient déjà annoncé qu’ils ne voteraient pas en sa faveur (Les Républicains, eux, se seraient rétractés). Par ailleurs, le vote est à bulletin secret, ce qui permet aux eurodéputés secrètement opposés à sa réélection de s’exprimer librement. Lors des années précédentes, on estime que 10% de la coalition centriste n’a pas soutenu son candidat.

En bref : Ursula von der Leyen ne pouvait pas uniquement compter sur ses alliés centristes. Elle avait besoin d’autres soutiens, et elle les a trouvés.

FEU VERT • “Le Groupe des Verts a formellement décidé de soutenir Ursula von der Leyen pour la présidence de l'Union européenne”, a déclaré le groupe quelques minutes avant le vote. Cette déclaration a mis fin à des semaines de spéculation sur la stratégie de von der Leyen. Deux options s’offraient à l’ancienne ministre allemande :

  • Aller chercher du soutien à droite du PPE, du côté du groupe des Conservateurs et réformistes (ECR), en particulier auprès des eurodéputés proches de Giorgia Meloni. Risque : aliéner le S&D, qui s’oppose à toute forme d’alliance avec le groupe ECR.

  • Obtenir le soutien des Verts, affaiblis dans ce nouveau Parlement européen et donc déterminés à faire des compromis pour conserver leur influence. Risque : s’aliéner une partie du PPE, qui dénonce un trop-plein réglementaire sur les questions environnementales.

L’actuelle présidente de la Commission a choisi la deuxième option. “Nous avons obtenu des engagements [de la part d’Ursula von der Leyen] sur le Green Deal, la justice sociale européenne et la protection de la démocratie (…) Et nous faisons en sorte que l’extrême droite n’accède pas au pouvoir”, a expliqué le groupe des Verts.

Le groupe ECR n’a pas rendu publique sa position à l’approche du vote. Après les résultats, Giorgia Meloni a cependant déclaré que son parti (les Frères d’Italie) n’avait pas voté pour la candidate, probablement car il était clair que cette dernière avait choisi de s’allier avec les Verts. 

La frange du groupe ECR proche de la première ministre italienne était la plus susceptible de soutenir von der Leyen, ce qui laisse penser que le groupe a très majoritairement voté contre la candidate (ou s’est abstenu). 

Ursula von der Leyen doit donc probablement sa réélection au soutien des Verts. Le groupe compte 53 eurodéputés, mais tous n’ont pas voté pour von der Leyen : les Français se sont désolidarisés du reste du groupe.

ORIENTATIONS • Le matin du vote, la présidente de la Commission a présenté ses orientations politiques — un document qui détaille ses propositions et priorités pour les 5 années à venir. Elle a ensuite prononcé un discours devant les eurodéputés.

Le discours de von der Leyen reflète des arbitrages visant à obtenir le soutien des Verts tout en répondant aux attentes de son groupe politique, le PPE. Les propositions de von der Leyen sur les questions environnementales et climatiques sont nettement plus orientées vers la compétitivité et le pouvoir d’achat qu’il y a 5 ans. “Une Europe qui s'en tient aux objectifs du Pacte vert de manière pragmatique” : telle est la vision d’Ursula von der Leyen.

Quelques propositions notables : 

  • La création d’un poste de Vice-Président de la Commission chargé de la réduction des charges administratives des entreprises.

  • Une proposition de Pacte pour une industrie propre (Clean Industrial Deal) au cours des premiers 100 jours de la nouvelle Commission. 

  • L’inscription de l’objectif de réduction des émissions de 90 % à l'horizon 2040 dans la Loi européenne sur le climat.

  • La création d’un Fonds européen pour la compétitivité.

  • La construction d’une Union européenne de la défense (Bouclier aérien européen, accélération des investissements, création d’un Commissaire européen à la défense).

  • Le triplement des effectifs de gardes-frontières et garde-côtes européens, pour atteindre un total de 30 000 individus.

  • La création d’un poste de Commissaire pour la Méditerranée.

  • Une nouvelle stratégie européenne pour l’agriculture et le secteur alimentaire, ainsi qu’une stratégie d’adaptation du secteur agricole au changement climatique.

  • La création d’un poste de Commissaire au logement.

LE RESTE • Ce n’est pas tout ! La plénière constitutive était également l’occasion d’élire le nouveau bureau du Parlement européen. La maltaise Roberta Metsola (PPE) a été reconduite à la présidence du Parlement européen, avec une écrasante majorité.

Le Parlement a également dévoilé la liste des membres des différentes commissions parlementaires. Ces dernières tiendront leurs réunions constitutives le 23 juillet, date à laquelle seront élus les présidents et vice-présidents de chaque commission.


Collaboration commerciale avec Interbev

Cette semaine, avec le site Agriculture-circulaire, nous vous proposons de découvrir le travail de Mathieu Bessière, l’ingénieur agricole derrière le développement du pâturage tournant dynamique. Bessière explique que les bilans carbones réalisés dans le domaine agricole ignorent souvent les services écosystémiques rendus par les herbivores dans les prairies où ils se nourrissent.

Le sujet est complexe : nous vous proposons donc de plonger dans cet article qui explore les différentes alternatives aux animaux d’élevage dans les prairies et ce qu’il se passerait d’un point de vue environnemental si ceux-ci venaient à disparaître.


Inter Alia

VACCINS • La veille du vote du Parlement européen sur Ursula von der Leyen, le Tribunal de l’UE a rendu deux arrêts concernant des affaires portant sur l'accès aux contrats d'achat de vaccins contre la Covid-19. Le Tribunal considère que la Commission européenne n’a pas donné au public un accès suffisamment large à ces contrats.

En 2020 et 2021, la Commission a conclu plusieurs contrats avec des entreprises pharmaceutiques (notamment : Pfizer, AstraZeneca et Morderna) afin de commander plus d’un milliard de doses de vaccin, pour un total d’environ 2,7 milliards d’euros. 

En 2021, des députés européens ont demandé à accéder à ces contrats, mais la Commission n’a donné qu’un accès partiel aux documents, conduisant notamment plusieurs députés des Verts à saisir la Cour de justice de l’UE (CJUE) pour demander un accès à l’entièreté des contrats.

Le Tribunal fait partiellement droit aux deux recours et annule les décisions de la Commission. Le Tribunal estime notamment que certaines informations liées aux conflits d’intérêts des personnes impliquées dans la négociation de ces contrats auraient dû être divulguées. Le groupe de la Gauche au Parlement européen a utilisé cet argument pour tenter de repousser le vote sur la réélection de von der Leyen.

L’Allemande est impliquée dans une autre affaire concernant son refus de divulguer les sms qu'elle a échangés avec le directeur général de Pfizer, Albert Bourla — c’est le New York Times qui a saisi la CJUE au début de l’année 2023.

MAKE MEDIA GREAT AGAIN • C’est un début de présidence du Conseil de l’UE qui restera dans les annales. Après le très controversé voyage de son premier ministre à Moscou, le gouvernement hongrois conteste le Media Freedom Act devant la Cour de justice de l’UE. Le recours a été déposé le 10 juillet.

La Hongrie reproche au Conseil et au Parlement (co législateurs) d’avoir outrepassé ses compétences pour adopter ce règlement qui vise à garantir le pluralisme et l’indépendance des médias en Europe. 

Le Media Freedom Act donnera à l’UE des outils (à partir de 2025) pour combattre les ingérences et les nominations politiques dans les médias publics, encadrer l’utilisation contre des journalistes de logiciels espions tels que Pegasus, et contrôler le degré de concentration dans le secteur. 

L’érosion de la liberté de la presse dans la Hongrie de Viktor Orban est bien documentée. En plus d’obstacles réglementaires de plus en plus nombreux, les médias d’opposition se retrouvent privés de subventions ou d’annonceurs publicitaires.

Le Media Freedom Act prévoit notamment que les subventions doivent être accordées de façon transparente, proportionnée et non discriminatoire. 

La Hongrie n’est pas la seule à avoir exprimé des inquiétudes quant à la répartition des compétences entre l’UE et les Etats membres. Les lander allemands se sont également montrés critiques de la base juridique du texte. 

Le droit de la presse est traditionnellement une compétence nationale. Le règlement a cependant pris pour base juridique l’article 114 du TFUE, c’est-à-dire l’harmonisation des règles au sein du marché intérieur. 

CPE • Le 18 juillet avait lieu la quatrième réunion de la Communauté politique européenne (CPE) à Blenheim palace, près d’Oxford. La CPE a été créée à l’initiative de la France après le début de l’invasion russe en Ukraine, dans l’objectif de rassembler les chefs d’Etat et de gouvernement du continent européen (au-delà de l’UE) afin de renforcer le dialogue et la coopération.

Cette édition a eu lieu peu après l’arrivée au pouvoir de Keir Starmer, qui souhaite une réinitialisation des relations entre l’UE et le Royaume-Uni. Les sujets au cœur de ce sommet ont été les migrations, la sécurité énergétique, le soutien à l’Ukraine et la menace de la Russie sur le continent européen. 

Une ombre au tableau : l’absence du président turque Erdogan, pour la troisième fois d’affilée. Dans un entretien à paraître cette semaine, nous discutons avec Sébastien Maillard, ancien président de l’Institut Jacques Delors, de l’utilité et de l’avenir de la CPE.

BCE • La Banque centrale européenne a maintenu ses taux directeurs inchangés à l’issue de sa réunion de politique monétaire du 18 juillet. La facilité de dépôt demeure à 3,75%.  

Les incertitudes géopolitiques et la persistance d’une inflation des salaires relativement élevée dans la zone euro justifie cette pause dans les baisses de taux. La première baisse des taux (-0,25%) est intervenue en juin, après 11 hausse successives depuis l’été 2022. 

La prochaine réunion de politique monétaire est prévue en septembre. Une nouvelle baisse des taux ne sera à l’ordre du jour que si la BCE obtient des preuves robustes d’un reflux de l’inflation. 

PSC • Le Financial Times a pu consulter le projet d’orientations budgétaires fourni par la Commission européenne au gouvernement français fin juin dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance (PSC). 

Les règles européennes requièrent un effort fiscal de 15,4 milliards d’euros par an sur les sept prochaines années, soit 0,6% du PIB. La Commission a transmis au Conseil sa proposition de décision constatant l’existence d’un déficit excessif en France le 8 juillet.

ISRAËL • Le 15 juillet, le Conseil de l’UE a approuvé des sanctions (mesures restrictives) à l’encontre de 5 individus et 3 entités pour leur rôle dans des “violations graves et systématiques” des droits de l’homme en Cisjordanie. 

Parmi les sanctionnés figure l’organisation Tzav 9, qui a bloqué des convois humanitaires vers la bande de Gaza. Les sanctions comportent une interdiction de voyager au sein de l’UE et le gel de leurs avoirs. 

TIKTOK • Le Tribunal de l’UE a confirmé que ByteDance (propriétaire de TikTok) est bien un contrôleur d’accès (gatekeeper) au sens du Digital Markets Act (DMA). 

ByteDance avait fait appel de la décision de désignation prise par la Commission européenne en novembre 2023 – elle niait avoir un pouvoir de marché important en Europe. 

La décision du Tribunal vient valider la méthodologie utilisée par la Commission européenne. 

HYDROGÈNE • La Cour des comptes européennes a publié un rapport dans lequel elle reproche à la Commission européenne d’avoir fixé des objectifs inatteignables en matière de production et d’importation d'hydrogène à l’horizon 2030. 

“La Commission n’a pas procédé à des analyses rigoureuses avant de fixer les objectifs de l’UE en matière de production et d’importation d’hydrogène”, notent les auteurs du rapport, qui estiment qu’une “vérification à l’épreuve de la réalité” est nécessaire.


     

Nos lectures de la semaine

  • Le Financial Times se penche sur les réactions suscitées par deux nouvelles initiatives réglementaires majeures de l'Union européenne. Javier Espinoza fait part des inquiétudes concernant l’impact de l’AI Act sur l'innovation. Alan Beattie rend compte des réactions de nombreux pays émergents aux exigences du règlement européen contre la déforestation.


Cette édition a été préparée par l’équipe de What’s up EU. À la semaine prochaine !