Mais Aussi — Budget, Lagarde, Géorgie
Bonjour. Nous sommes le 3 décembre et voici votre condensé utile d’actualité européenne. Suivez-nous également sur Twitter et LinkedIn.
Le 27 novembre, le Parlement européen a voté pour l’approbation de la seconde Commission von der Leyen avec 54% des voix. Le vote n’étant pas à bulletin secret, vous pouvez voir ici (à partir de la page 14) qui a voté pour (370), contre (282) ou s’est abstenu (36).
VOTE • Les tensions de ces dernières semaines entre groupes politiques au Parlement n’auront finalement pas fait dérailler le calendrier, permettant à la nouvelle Commission de prendre ses fonctions le 1er décembre.
Pour rappel, le Parlement vote deux fois : une première pour la présidence de la Commission à la suite des élections européennes, cette élection s’est tenue le 18 juillet ; une seconde pour l’ensemble du collège des commissaires à l’issue d’auditions des commissaires désignés qui se sont tenues du 4 au 12 novembre.
La machine s’était grippée à la toute fin des auditions parlementaires des commissaires désignés. Le Parti populaire européen (PPE), et notamment sa délégation espagnole, s’opposait à la nomination de la socialiste Teresa Ribera. Les Socialistes & Démocrates (S&D) rechigneraient quant à eux à donner leur feu vert à Raffaele Fitto, le candidat poussé par Giorgia Meloni et le groupe des conservateurs et réformistes (ECR).
Ces désaccords entre groupes ont été surmontés grâce à un accord de coopération entre le PPE, S&D, et les centristes de Renew, le 20 novembre. Von der Leyen a également fait un geste envers les Verts en nommant le 25 novembre l’ex co-président du groupe au Parlement Philippe Lamberts comme conseiller chargé de la transition écologique.
ETAT DES LIEUX • Le paysage politique est émietté. Le Parlement issu des élections de juin 2024 reste dominé par la coalition traditionnelle composée du PPE, S&D et Renew. Mais au sein même de ces groupes — qui ont soutenu la candidature d’Ursula von der Leyen en juillet — la discipline de parti est loin d’être parfaite.
Lors du vote de la semaine dernière, le PPE n’a voté qu’à 80% (151 voix) pour la nouvelle Commission, à 66% (90 voix) chez S&D, et à 87% (67 voix) chez Renew. Ursula von der Leyen s’est aussi appuyée dans les urnes sur une très courte majorité (52%, 27 voix) des Verts et une minorité (42%, 33 voix) du groupe ECR.
Avec 54% des votes exprimés, la Commission a obtenu la majorité la plus courte depuis la première élection organisée devant le Parlement en 1995. Jamais une Commission n’avait réuni moins de 61% des suffrages (Commission Juncker en 2014).
La Commission devra donc compter sur des majorités par texte pour faire passer ses propositions législatives, ce qui ne sera pas sans susciter de tensions. Notamment en raison de la possibilité pour le PPE de changer de camp en fonction des circonstances, s’appuyant soit sur ses partenaires traditionnels soit en en s’alliant avec la droite de l’hémicycle et en rompant le “cordon sanitaire”.
Fait marquant, le PPE a obtenu le 14 novembre un report du règlement sur la déforestation avec le soutien des groupes ECR (présidé par Giorgia Meloni), Patriots for Europe (PfE, créé par Viktor Orbán,et présidé par Jordan Bardella), et Europe des nations souveraines (ESN, qui comprend l’AfD allemand et Reconquête).
Cette rupture du cordon sanitaire par le PPE était un véritable casus belli pour de nombreux eurodéputés centristes et de gauche. Mais l’accord de coopération conclu entre le PPE, S&D, et Renew le 20 novembre n’oblige qu’à la coopération et à la discussion constructive.
Le président du groupe PPE Manfred Weber parle d’une “majorité étendue” allant des Verts à l’ECR. Cela confirme l’impression que le PPE, arrivé en tête des élections de juin 2024, se voit comme un parti pivot au Parlement. Cela reflète aussi la poussée de la droite et de l’extrême droite lors de ces élections.
Il va sans dire que les changements d’alliances du PPE auront un coût — l’alliance avec l’extrême droite menaçant d’éroder le capital politique dont le PPE dispose avec Renew, le S&D, et les Verts. La présidente du groupe S&D Iratxe García Pérez a déclaré que le vote de son groupe en faveur de la Commission n’était pas un “chèque en blanc”.
AMBIANCE • Les enjeux sont considérables pour cette nouvelle Commission, sur fond d’émiettement au Parlement européen, d’instabilité politique des deux côtés du Rhin, de menace de décrochage économique face aux Etats-Unis et à la Chine, et d’une résolution désordonnée de la guerre en Ukraine.
Les divisions politiques au Parlement et au Conseil de l’UE ne faciliteront pas la tâche d’une Commission qui devra jouer les équilibristes pour obtenir leur assentiment sur des propositions législatives.
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Souveraineté alimentaire, Mercosur, politique agricole commune, changement climatique. Les sujets ne manquent pas pour les filières agricoles.
Le site Agriculture Circulaire entend laisser la parole aux agriculteurs, éleveurs, géographes, sociologues, historiens qui font et pensent l’agriculture de demain en plaçant l’élevage herbager au cœur de la réflexion.
Dans le dernier article disponible sur le site Agriculture Circulaire, Jean-Claude Duclos et Patrick Fabre reviennent sur le passé et le futur de la transhumance, pratique millénaire inscrite au patrimoine immatériel de l’Unesco.
A lire ici.
BUDGET • Le 26 novembre, la Commission a présenté le paquet d'automne du semestre européen, qui comprend entre autres son opinion sur le projet de plan budgétaire de la France et ses recommandations aux 8 pays placés en procédure pour déficit excessif.
Les Etats membres doivent soumettre leurs projets de budgets dans le cadre du paquet d’automne du semestre européen, un exercice de coordination des politiques budgétaires. La Commission peut demander la présentation d’un projet révisé en cas de non-respect grave des obligations au titre du Pacte de stabilité et de croissance.
Malgré les considérables incertitudes politiques au Palais Bourbon, la Commission juge crédible la budget 2025 et la trajectoire budgétaire française à moyen terme, qui verrait le déficit revenir sous les 3% en 2029.
“Je suis satisfait de constater que la Commission européenne fait une évaluation positive du plan structurel et budgétaire à moyen terme de la France, trajectoire pluriannuelle dont le budget pour 2025 constitue une première étape”, s’est félicité le ministre de l’économie Antoine Armand.
En plein brouillard avant les élections de février 2025, l’Allemagne se fait taper sur les doigts. Son projet de budget pour 2025 n’est pas en phase avec les recommandations formulées par la Commission en matière de dépense publique.
Ce sont les désaccords budgétaires entre le ministre des finances Christian Lindner et le chancelier Olaf Scholz qui ont provoqué la chute de la coalition au pouvoir depuis 2021, sur fond de débat sur le frein constitutionnel à l’endettement (schuldenbremse) mis en place en 2009.
Les Pays-Bas sont le seul pays dont la trajectoire budgétaire à moyen terme a été retoquée par la Commission, qui conclut au non-respect de ses recommandations en matière de dépenses.
L’Autriche, la Belgique et l’Espagne n’ont pas envoyé de projet de plan budgétaire pour 2025, aucun budget n’ayant été soumis à leurs parlements nationaux à ce jour.
LAGARDE • Dans une interview au Financial Times, la présidente de la BCE Christine Lagarde exhorte l’UE à privilégier la négociation pour prévenir une guerre commerciale avec les États-Unis.
Face aux menaces protectionnistes de Donald Trump, futur président américain, qui envisage des droits de douane globaux d’au moins 10 %, Christine Lagarde recommande une “stratégie du carnet de chèques”.
Cette approche impliquerait d’augmenter les importations de gaz naturel liquéfié (GNL) et de matériel de défense américains, non produits en Europe, afin d’apaiser les tensions transatlantiques.
Elle avertit qu’une escalade tarifaire nuirait à la croissance européenne, déjà fragile, et pourrait obliger la BCE à agir pour limiter l’impact économique, notamment sur l’euro.
Bien que l’inflation soit stabilisée à 2 %, la BCE s’inquiète des risques d’un ralentissement, la croissance ayant atteint 0,4 % au dernier trimestre, son meilleur niveau en deux ans.
GEORGIE • Le 28 novembre, le premier ministre géorgien Irakli Kobakhidze annonçait le report des négociations d’adhésion à l’UE.
Membre du parti pro-russe “Rêve géorgien” qui a remporté les élections du 26 octobre, le premier ministre défend que ce report permettra une adhésion plus “mieux préparée […] à devenir un Etat membre en 2030” et le présente comme une réponse à la résolution du Parlement européen qui jugeait les élections exigeant un nouveau scrutin sous supervision d’observateurs internationaux.
Irakli Kobakhidze s’est toujours refusé à toute clarification des ambiguïtés de ses positions vis-à-vis de l’adhésion à l’UE, alors que les électeurs y sont résolument favorables, notamment en posant en défenseur des valeurs « traditionnelles » et garant de la paix.
Des manifestations spontanées, soutenues par la présidente Salomé Zourabichvili et l’opposition, ont éclaté dans les grandes villes du pays, menant à 224 arrestations et 113 blessés parmi les forces de l’ordre.
Le pays devrait prochainement élire son président au moyen d’un collège électoral dominé par le parti au pouvoir, dans ce qui serait le dernier acte en date de lutte d’influence entre l’UE et la Russie.
L’actuelle présidente a refusé de reconnaître le résultat des élections et a donc annoncé ne pas céder sa place à la fin de son mandat ainsi qu’avoir mis en place un « conseil national » pour assurer la stabilité du pays.
Zselyke Csaky, du CER, alerte sur la situation de l’état de droit dans les pays candidats à l'adhésion à l'UE.
Dans un billet publié sur EUROPP, le blog de la LSE consacré aux affaires européennes, Mareike Kleine et Samuel Huntington montrent l'importance des pauses déjeuner pour les négociations sensibles au niveau de l'UE et soulignent la nécessité de trouver un équilibre entre transparence et confidentialité.
Cette édition a été préparée par Augustin Bourleaud, Antoine Ognibene, Edgar Carpentier-Charléty et Maxence de La Rochère. À la semaine prochaine !