Bonjour. Nous sommes le 1er juillet et voici votre condensé utile d’actualité européenne. Avant toute chose, What’s up EU vous souhaite un bon début de présidence hongroise du Conseil de l’UE. Suivez-nous également sur Twitter et LinkedIn.
Le Briefing
C’est fait. Lors du Conseil européen des 27 et 28 juin, les chefs d’Etat et de gouvernement européens ont trouvé un accord sur l’allocation des postes les plus importants au sein des institutions européennes (ou “top jobs”).
Pendant le sommet, Emmanuel Macron a fait part de son souhait que Thierry Breton soit reconduit pour 5 ans comme commissaire européen — ce que le RN conteste.
Le casting : António Costa, Ursula von der Leyen et Kaja Kallas © Conseil européen
TRIO • Ce Conseil européen s'est conclu plus rapidement qu'anticipé. Les candidats qui étaient pressentis pour les différents postes ont été nommés. Les négociateurs des Etats membres ont travaillé d’arrache-pied, si bien qu’un accord était en réalité scellé avant le début du sommet.
Présidence du Conseil européen : c’est l’ancien premier ministre socialiste portugais (2015-2023) António Costa qui a été nommé pour remplacer Charles Michel. Le principal obstacle à sa nomination était un scandale de corruption qui l’a contraint à la démission en fin d’année dernière. Des enquêtes le concernant sont toujours en cours, mais Costa n’a pas été formellement mis en cause, contrairement à de nombreux anciens membres du gouvernement portugais. Le Parti populaire européen (PPE, centre-droit) avait utilisé cette affaire pour remettre en question sa nomination et faire monter les enchères sur l’attribution des top jobs.
Présidence de la Commission européenne : les chefs d’Etat et de gouvernement européens octroient leur confiance à Ursula von der Leyen pour un second mandat. La nomination de l’ancienne ministre de la défense allemande (PPE) était pressentie depuis des mois. En choisissant von der Leyen, les dirigeants européens font le choix de la stabilité.
Haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité : c’est l’actuelle première ministre libérale estonienne Kaja Kallas qui a été nommée à ce poste de chef de la diplomatie européenne. Peu connue en dehors de l’Estonie jusqu’en 2022, l’éclatement de la guerre en Ukraine a propulsé cette dirigeante anti-Poutine sur le devant de la scène internationale. Sa nomination est un signal puissant vis-à-vis de la Russie — où elle est persona non grata — et de l’Ukraine — “indéfectible” est l’adjectif utilisé par le premier ministre Volodymyr Zelensky pour qualifier le soutien de Kaja Kallas.
OUI MAIS • Pour António Costa, l’affaire est déjà réglée : les autres institutions n’ont pas leur mot à dire sur le choix du président du Conseil européen. Sa nomination équivaut donc à son élection. Costa prendra ses fonctions le 1er décembre pour un mandat de deux ans et demi qui sera probablement reconduit, à l’image de celui de ses prédécesseurs.
Les nominations d’Ursula von der Leyen et Kaja Kallas devront être approuvées par le Parlement européen.
L’ensemble du collège des commissaires (qui comprend Kaja Kallas) sera approuvé lors d’un vote unique après des auditions au Parlement européen.
Ursula von der Leyen doit obtenir l’approbation du Parlement (majorité simple) durant un vote qui devrait avoir lieu le 18 juillet. C’est loin d’être chose faite : ce nouveau Parlement européen lui est plus hostile que le précédent. La coalition entre le PPE, les sociaux-démocrates (S&D, centre-gauche) et les libéraux (Renew Europe), qui l’avait soutenue en 2019, est affaiblie. En 2019, le vote s'est joué à 9 voix.
MELONI • Le trio n’a pas obtenu l’aval de l’ensemble des chefs d’Etat et de gouvernement européens — les trois candidats n’avaient besoin que de la majorité qualifiée pour être nommés.
Giorgia Meloni s’est abstenue de voter pour Ursula von der Leyen et a voté contre les nominations d’António Costa et de Kaja Kallas.
Le premier ministre hongrois Viktor Orbán a voté contre von der Leyen, en faveur de Costa, et s’est abstenu pour Kallas.
C’est un vote de protestation de la part de la première ministre italienne, qui n’est pas satisfaite que le bon score de son groupe politique aux européennes ne lui permette pas de remporter l’un des “top jobs”. Contrairement à Viktor Orbán, dont le soutien n’est pas vital, Ursula von der Leyen ne peut pas ignorer l’avertissement qui lui est adressé par Giorgia Meloni.
Il est aussi possible que l’abstention de Meloni soit en réalité une mise en scène visant à éviter que la première ministre italienne ne perde la face. Il n’est donc pas improbable que Giorgia Meloni se range progressivement derrière von der Leyen.
FRANCE • Pendant le sommet, Emmanuel Macron a annoncé son intention de proposer Thierry Breton pour un second mandat de commissaire européen. “C’est mon souhait et je pense qu’il a l’expérience et les qualités pour”, a-t-il expliqué.
Marine Le Pen n’est pas du même avis. “Emmanuel Macron se projette dans une victoire qu’il ne peut pas obtenir, donc il ne pourra pas nommer monsieur Breton”, a-t-elle rétorqué sur CNews.
Dans l’éventualité où Jordan Bardella deviendrait premier ministre, Marine Le Pen considère que ce dernier sera en mesure de peser dans la nomination du commissaire français.
Chacun des 27 Etats membres dispose d’un commissaire au sein de la Commission européenne. Chaque Etat propose un candidat, et c’est ensuite au président de la Commission européenne de répartir les portefeuilles — en pratique, cette répartition est le résultat d’intenses négociations avec les dirigeants des 27.
Après des auditions parlementaires (réputées difficiles), le Parlement vote à la majorité simple pour approuver ou rejeter les candidats, un par un. La France n’a écopé d’un refus du Parlement européen qu’en 2019 : Sylvie Goulard avait dû se retirer au profit de Thierry Breton. La liste finale des commissaires est ensuite validée par le Conseil européen, qui vote à la majorité qualifiée.
Revient-il au chef de l’Etat ou au premier ministre de proposer le commissaire français ?
Lors des trois précédentes cohabitations, certains “grands” Etats membres pouvaient encore avoir deux commissaires européens.
Par exemple, au sein de la Commission Prodi (1999-2004), Pascal Lamy (commissaire au commerce) avait été proposé par Lionel Jospin et Michel Barnier (commissaire à la politique régionale) par Jacques Chirac.
Les élargissements successifs ont mis fin à cette pratique, qui a été définitivement enterrée avec le Traité de Lisbonne. Les précédents ne nous donnent donc aucune réponse.
La perspective de Sébastien Maillard, ancien directeur de l’Institut Jacques Delors, nous semble intéressante : “Hiérarchiquement, il [Emmanuel Macron] a le dernier mot, et il aurait tout intérêt à marquer dès le début son territoire (...) Il pourra faire valoir qu’un candidat macroniste aurait à la fois plus de chance de se voir attribuer un portefeuille d’envergure par Ursula von der Leyen, et de passer le filtre du Parlement. Ou bien, de manière plus politicienne, il pourrait choisir de laisser le candidat du Premier ministre s’y brûler les ailes.”
Inter Alia
NOUVELLE ALLIANCE • Le premier ministre hongrois Viktor Orbán a annoncé la création d’une nouvelle alliance politique au Parlement européen entre son parti Fidesz, le Parti de la liberté (FPÖ) autrichien et le mouvement tchèque Action des citoyens mécontents (ANO) — ce dernier avait quitté Renew il y a quelques jours. Son nom ? Les Patriotes de l’Europe.
Les trois partis atteignent le seuil 23 membres requis pour former un nouveau groupe au Parlement. Cependant, ils doivent encore attirer des eurodéputés d’au moins 4 autres Etats membres s’ils veulent pouvoir former un véritable groupe politique (ce qui leur permettra d’obtenir des financements supplémentaires et de prétendre à des postes de présidents de commissions parlementaires, entre autres).
CONCURRENCE • La DG concurrence ne chôme pas. Les 24 et 25 juin, les services de Margrethe Vestager ont lancé des procédures vis-à-vis d’Apple et de Microsoft.
La DG concurrence a adressé des constatations préliminaires à Apple, lui reprochant d'empêcher les développeurs d’applications d’orienter librement les utilisateurs vers des canaux tiers sur l'App Store.
Il s’agit d’une première dans le cadre du DMA. Les constatations préliminaires sont une étape préparatoire à l’ouverture d’une procédure formelle.
Le Digital Markets Act (DMA) impose aux contrôleurs d’accès tels qu’Apple de permettre aux développeurs d’applications de faire gratuitement la promotion (sur l'App Store d’Apple) de possibilités d’achat autres que via l’App Store.
La Commission considère à titre préliminaire qu’Apple ne respecte pas cette obligation issue du DMA. En l’état, les développeurs font face à de nombreuses barrières pour faire la promotion d’offres tierces et Apple prélève un commission (jugée excessive) sur les ventes générées via ce canal.
Toujours concernant Apple, la Commission a ouvert une enquête pour non-respect du DMA concernant les nouvelles conditions contractuelles d’Apple pour les développeurs. Les objections de la DG concurrence concernent :
La commission de 50 centimes par installation prélevée par Apple sur les téléchargements d'applications à partir d’1 million d'utilisateurs
Les nombreuses étapes nécessaires à l’installation de boutiques d’applications concurrentes de l’App Store d’Apple sur les appareils iPhone
Les conditions d’éligibilité applicables aux développeurs pour être autorisés à proposer une distribution alternative à l’App Store.
Enfin, la Commission a adressé une communication des griefs à Microsoft, une étape préparatoire à l’adoption d’une décision formelle (ou non).
La Commission considère que les ventes liées de Teams d’une part et de Office 365 et Microsoft 365 d’autre part pourraient constituer un abus de position dominante.
Après l’ouverture de la procédure par la Commission en juillet 2023, Microsoft a changé son modèle de distribution pour Teams, en offrant des suites Windows sans Teams. La Commission considère que ces changements ne sont pas suffisants.
Cette procédure n’est pas basée sur le DMA mais sur le droit de la concurrence classique.
UKRAINE • L’Ukraine et la Moldavie ont officiellement entamé leurs négociations d’adhésion à l’UE, près de deux ans et demi après l’invasion russe en Ukraine. Les ministres des affaires étrangères européens se sont réunis mardi dernier avec des responsables ukrainiens et moldaves afin de lancer le processus.
Cependant, le chemin de l’Ukraine vers l’adhésion risque d’être ardu.
Selon le FT, l’UE s’apprête à réintroduire des droits de douane sur certains produits agricoles ukrainiens en utilisant pour la deuxième fois le “frein d’urgence”, qui permet à l’UE de limiter les importations de certains produits agricoles en provenance d’Ukraine lorsque celles-ci dépassent certains seuils. Après l’avoine, le sucre et les œufs sont dans le viseur. Ces mesures — qui visent à apaiser les agriculteurs européens — laissent présager une difficile intégration de l’Ukraine au marché unique.
Le Premier ministre hongrois Viktor Orbán représente également un obstacle important à l’avancée des négociations. Alors que la Hongrie prend la présidence tournante du Conseil de l’UE, les dirigeants européens cherchent des manières de contourner le premier ministre hongrois afin de continuer à soutenir l’Ukraine dans son effort de guerre. Viktor Orbán bloque actuellement 7 décisions de l’UE qui pourraient permettre d’envoyer 6,6 milliards d'euros à l’Ukraine.
Malgré ces obstacles, la ministre ukrainienne Olha Stefanishyna reste optimiste et espère “un processus d’adhésion dynamique dès 2025”.
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Cette édition a été préparée par l’équipe de What’s up EU, y compris Lidia Bilali, Maxence de La Rochère et Marwan Ben Moussa. À la semaine prochaine !