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Par What's up EU
11 févr. · 5 mn à lire
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Viktor Orbán cède sur l'aide à l'Ukraine

Viktor Orbán cède sur l'aide à l'Ukraine • Mais aussi — Agriculture, Mer Rouge, Croissance, Inflation, UNRWA, MoDem


Bonjour. Nous sommes le 6 février 2024 et voici votre condensé utile d’actualité européenne. Suivez-nous également sur Twitter et LinkedIn


Le Briefing

Viktor Orbán a fini par céder. Le 1er février, le Conseil européen a approuvé une rallonge au budget à long terme de l’UE (aussi connu sous le nom de cadre financier pluriannuel) pour la période 2021-2027 contenant une aide financière supplémentaire de 50 milliards d’euros pour l’Ukraine.

Des négociations resserrées entre Charles Michel (à gauche), Giorgia Meloni, Emmanuel Macron et Viktor Orbán (à droite) sont à la base de l’accord © Conseil européen Des négociations resserrées entre Charles Michel (à gauche), Giorgia Meloni, Emmanuel Macron et Viktor Orbán (à droite) sont à la base de l’accord © Conseil européen

L’ACCORD • La facilité pour l'Ukraine comprend 33 milliards d’euros de prêts et 17 milliards d’euros de subventions destinés à soutenir le redressement, la reconstruction et la modernisation du pays sur la période 2024-2027. 

Contre toute attente, cet accord a été annoncé à peine une demi-heure après le début du sommet européen extraordinaire, qui réunissait les dirigeants de l’UE suite au blocage par la Hongrie de la révision du budget de long terme de l’UE le 14 décembre dernier. 

Mises en balance avec le risque d’un deuxième veto sur l’aide financière à l’Ukraine qui planait sur le Conseil européen, les concessions faites à Viktor Orbán semblent légères. Deux paragraphes des conclusions du sommet contiennent les conditions ayant permis l’accord. Ainsi, le compromis trouvé avec Viktor Orbán pour débloquer les fonds comprend : 

  • une disposition permettant aux dirigeants de l’UE d’organiser une discussion annuelle sur la mise en oeuvre de la facilité ;

  • l’élaboration par la Commission d’un rapport annuel sur la mise en oeuvre de l’aide ;

  • la possibilité laissée au Conseil européen de solliciter, par un vote à l’unanimité dans deux ans, la Commission à faire une proposition de révision du programme d’aide dans le cadre du prochain cadre financier pluriannuel ;

  • une “garantie” — selon les mots de Viktor Orbán — concernant l’évaluation du blocage des 6,3 milliards d'euros des fonds de cohésion pour la Hongrie. Cette garantie se traduit par l’ajout, dans les conclusions des discussions sur le budget du sommet européen de décembre, d’une ligne mettant l’accent sur le fait que cet examen devrait être fait par la Commission de manière “objective, juste, impartiale et basée sur des faits”, et assurant que les mécanismes de blocage des fonds européens se font de manière “non-discriminatoire”. Si certains y voient le signe d’un futur déblocage des fonds retenus en raison des atteintes à l’Etat de droit en Hongrie, il reste peu probable que Viktor Orbán voit cet argent de sitôt. 

Cet accord représente un échec pour Viktor Orbán, qui voulait à l’origine que l’aide à l’Ukraine soit décidée de manière annuelle, avec donc la possibilité pour le dirigeant hongrois de bloquer les fonds tous les ans.

MUNITIONS Dans leur déclaration, les dirigeants européens ont appelé les Etats membres à accélérer l’envoi des munitions et missiles promis à l’Ukraine, et cela alors que l’UE a reconnu la veille du Conseil européen que (1) seule la moitié du million de munitions promises serait fournie à l’Ukraine pour mars et (2) que les 1,1 million d’obus d’artillerie ne seraient pas envoyés avant fin 2024.

PRESSIONS • La conclusion de l’accord a été le fruit d’un long travail diplomatique de la part des homologues européens de Viktor Orbán.

La veille du sommet, le Parlement européen avait appelé les dirigeants européens à approuver cette aide financière, par une large majorité allant des socialistes aux réformistes conservateurs européens, à l’exception du groupe Identité et Démocratie et de la Gauche (GUE/NGL).

Surtout, un petit groupe de dirigeants européens se sont réunis en amont du sommet avec le Premier ministre hongrois afin de lui demander de renoncer à son véto. La première ministre italienne Giorgia Meloni, le président français Emmanuel Macron et le président du Conseil européen Charles Michel ont joué un rôle central dans cet accord en échangeant régulièrement avec Viktor Orbán au cours de ces dernières semaines. 

Lors des négociations, les chefs d’Etat et de gouvernement ont fait front uni face à Orbán et lui auraient dit “qu'il n'y aurait plus de concessions.” “Certains d'entre eux ont ouvertement discuté de la suppression des droits de vote de la Hongrie ou du gel des fonds supplémentaires, et cela semble avoir fonctionné”, explique l’eurodéputé Daniel Freund (les Verts) à Euractiv.

WHAT NEXT? • La réforme du budget de long terme de l’UE doit maintenant être approuvée par le Parlement européen. En plus des 50 milliards d’euros pour l’Ukraine, cette révision comprend environ 15 milliards d’euros additionnels alloués à différents domaines.

Au total, la révision du budget de long terme de l’UE couvre donc 65 milliards d’euros. Parmi ces 65 milliards d’euros, 10 milliards sont sont des redéploiements, ce qui signifie qu’ils sont redistribués d’un domaine à un autre (en d’autres termes, ce sont des des coupes budgétaires) — ce qui ne plaît pas au Parlement européen.

Le Parlement votera à la fin du mois de février sur ce budget révisé. Globalement, les eurodéputés demandent que davantage d’argent soit injectée dans ce budget de long terme, notamment à destination (1) de l’instrument de financement “STEP” visant à soutenir les technologies liées au numérique et à la transition énergétique et (2) d’un fonds dédié aux inondations et autres urgences.

Pour autant, la présidente du Parlement européen Roberta Metsola considère que l’Ukraine “a besoin de cet argent hier” (“Ukraine needs the money yesterday”). Elle espère que le budget pourra être approuvé dès la fin février, ce qui permettrait des premiers versements à l’Ukraine au cours des mois de mars et avril.


Inter Alia

AGRI • La Commission a proposé, le 31 janvier, plusieurs mesures visant à répondre à la colère des agriculteurs qui s’exprime depuis plusieurs mois à travers toute l’Europe. Une première proposition concerne la mise en place d’un “un mécanisme de sauvegarde renforcé” permettant, en cas “d’effets néfastes dans certains Etats membres, de plafonner les importations de produits alimentaires ukrainiens. 

La Commission s’est également laissée convaincre par l’idée, portée par la France et 22 autres pays, d’une nouvelle dérogation à l’obligation de maintenir 4 % de jachères pour les grandes exploitations, prévue dans la nouvelle PAC, qui serait remplacée par le conditionnement de certaines subventions à 7 % d’éléments favorables à la biodiversité avec des cultures intermédiaires ou fixatrices d’azote.

MER ROUGE • La mission de l'Union européenne pour protéger les navires commerciaux des attaques des rebelles houthis soutenus par l'Iran en mer Rouge pourrait débuter mi-février, a annoncé mercredi le chef de la politique étrangère de l'UE, Josep Borrell. L’opération sera strictement défensive, ne mènera aucune forme d'attaque et se concentrera uniquement sur la protection des navires commerciaux et de leurs biens. 

Le plan de l'UE entend donc se différencier de l'opération américano-britannique "Prosperity Guardian", qui a mené des frappes aériennes contre des cibles houthies au Yémen. Josep Borrell, qui a qualifié la mission de bouclier, a précisé qu’elle sera déployée seulement en mer et qu’aucune opération terrestre ne sera menée. 

L’action européenne Aspides, signifiant “protecteur”, devrait se préciser à la suite d’une réunion du conseil des affaires étrangères, le 19 février.

ECONOMIE • Durant les trois derniers mois de 2023, l’économie de l’UE a stagné. C’est ce qu’indiquent les derniers chiffres d’Eurostat, le bras armé de la Commission européenne sur les statistiques et l’économie européenne.

De début octobre à fin décembre 2023, le PIB désaisonnalisé (c’est-à-dire sans les variations saisonnières) est resté stable dans la zone euro, signe d’une stagnation. Entre juillet et septembre, il avait baissé de 0.1%. 

Eurostat estime pour le moment que l’année 2023 aura vu un taux de croissance de 0.5% au sein de la zone euro.

Après être légèrement remontée à 2.9% en décembre, l’inflation au sein de la zone euro est tombée à 2.8% en janvier. Pour autant, l’inflation du prix des services se maintient à 4.0%, ce qui pourrait conforter les experts qui considèrent que la banque centrale européenne (BCE) devrait s’assurer qu’une baisse de l’augmentation des salaires est à l'œuvre avant de baisser les taux d’intérêts.

UNRWA • “La suspension du financement de l'UNRWA (Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient) serait à la fois disproportionnée et dangereuse.” C’est ce qu’a indiqué le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell le 4 février. 

Selon Israël, 12 membres de l’UNRWA auraient participé aux attaques du 7 octobre, ce qui légitimerait un arrêt du financement. “Il est choquant de voir une suspension des fonds alloués à l'agence en réaction à des allégations concernant un petit groupe de membres du personnel”, a déclaré Philippe Lazzarini, Commissaire général de l’UNRWA, en réaction, assurant que les contrats de l’UNRWA avec 9 des individus identifiés ont été depuis rompus.

Philippe Lazzarini a également ouvert une enquête pour faire la lumière sur les liens éventuels entre l’UNRWA et le Hamas.

En réaction à ces accusations, les Etats-Unis ont annoncé le 26 janvier qu’ils suspendaient leur financement de l’UNRWA (le plus élevé). Plusieurs États membres de l’UE ont emboîté le pas aux Etats-Unis : l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas, la Finlande, l’Autriche, l’Estonie et la Roumanie. 

La déclaration de Borrell prend le contre-pied de ces décisions, appelant à ne pas agir dans la précipitation et insistant sur l’importance de l’aide humanitaire apportée par l’UNRWA : “Cela reviendrait à punir en premier lieu les personnes qui bénéficient de ces services. La faute d'un individu ne devrait jamais conduire à la punition collective d'une population entière.”

De son côté, la Commission européenne a déclaré “qu’aucun financement supplémentaire n'est prévu pour l'UNRWA avant la fin du mois de février”. Les décisions à venir sur le financement seront basées sur les résultats de l'enquête des Nations Unies concernant l’implication d’agents de l’UNRWA dans les attaques du 7 octobre.

MODEM • En “l’absence de toute preuve”, François Bayrou a été relaxé en première instance dans l’affaire des assistants parlementaires européens du MoDem, le 5 février.

“Pour moi c'est un cauchemar de sept années qui vient de s'achever par une décision sans contestation du tribunal”, a déclaré le président du MoDem.

Si deux autres prévenus ont été relaxés, huit autres (comprenant cinq ex-eurodéputés) ont écopé de peines allant de 10 à 18 mois de prison avec sursis, d’amendes de 10 000 à 50 000 euros et de deux ans d'inéligibilité avec sursis. Le parti Union pour la démocratie française (UDF) a été condamné à 150 000 euros d’amende, dont 100 000 euros ferme, et le MoDem à 350 000 euros, dont 300 000 euros ferme.

François Bayrou était accusé d’avoir été le “principal décideur” dans un système ayant consisté à utiliser des fonds européens dédiés à la rémunération des assistants parlementaires européens pour rémunérer des individus travaillant en réalité en France pour le MoDem et l’UDF.


Nos lectures de la semaine

  • Jacques Pelkmans du CEPS a un plan pour “relancer et approfondir” le marché unique.

  • À l'occasion de son 25e anniversaire, Marco Buti et Giancarlo Corsetti exposent leurs recommandations pour l'euro dans une colonne pour VoxEU.


Cette édition a été préparée par Luna Ricci, Lucie Ronchewski, Maxence de La Rochère et Augustin Bourleaud. À la semaine prochaine !