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Le Briefing
Kiev, Moscou, Pékin et Mar-a-Lago. En seulement deux semaines de présidence hongroise du Conseil de l’UE, le premier ministre hongrois Viktor Orbán s’est déjà rendu sur trois continents afin de mener une “mission de paix” visant à promouvoir un cessez-le-feu entre la Russie et l’Ukraine.
Problème : Orbán n’a pas prévenu les autres leaders européens. Et la présidence du Conseil de l’UE ne lui confère aucun rôle diplomatique.
Viktor Orbán © Conseil européen
JET-SET • Le deuxième jour de la présidence hongroise du Conseil de l’UE, Viktor Orbán était déjà dans l’avion, direction Kiev, où il a rencontré le président ukrainien Volodymyr Zelensky.
La raison de cette venue ? S’entretenir avec Zelensky pour l’encourager à choisir la voie de la paix avec la Russie. Le premier ministre hongrois a suggéré au président ukrainien un cessez-le-feu “intermédiaire” visant à accélérer des négociations de paix (pour l’instant inexistantes). Zelensky n’a pas réagi publiquement à cette proposition.
Jusqu’ici, rien de nouveau sous le soleil : ces deux dernières années, Viktor Orbán n’a cessé de marteler qu’il était en faveur d’un processus de paix entre l’Ukraine et la Russie. Le premier ministre hongrois s’est par ailleurs opposé aux sanctions européennes contre Moscou, et bloque encore l’envoi de plusieurs milliards d’euros à l’Ukraine.
Pour autant, la visite du Hongrois en Ukraine a crispé Bruxelles : Orbán a laissé entendre qu’il la réalisait dans la cadre de la présidence tournante du Conseil de l’UE, que la Hongrie a pris le 1er juillet pour une durée de 6 mois. Mais ce rôle se limite à présider les réunions et organiser les activités du Conseil : il n’a donc aucune dimension diplomatique.
RUS(S)E • La situation s’est envenimée lorsque, seulement deux jours après sa visite en Ukraine, Viktor Orbán a atterri à Moscou, sans prévenir ses homologues européens. Il s’agissait de la première visite d’un dirigeant de l’UE en Russie depuis le début de l’invasion de l’Ukraine en février 2022.
Encore une fois, le dirigeant hongrois a semé le doute. S’il n’a pas déclaré qu’il visitait la Russie en sa capacité de dirigeant du pays tenant la présidence du Conseil de l’UE, le logo de la présidence hongroise du Conseil de l’UE — un rubik's cube — figure sur les vidéos du voyage postées sur les réseaux sociaux.
Jugeons l'arbre à ses fruits : Vladimir Poutine a interprété la venue d’Orbán comme celle d’un leader représentant l’UE. “Je comprends que vous êtes venu ici non seulement en tant que notre partenaire, mais aussi en tant que président du Conseil de l'Union européenne”, a-t-il déclaré au Hongrois.
Cette visite a déclenché une série de réactions à Bruxelles. “La visite du Premier ministre Viktor Orbán à Moscou s'inscrit exclusivement dans le cadre des relations bilatérales entre la Hongrie et la Russie”, a clarifié Josep Borrell, le chef de la diplomatie européenne.
Selon le service juridique du Conseil, le comportement de Viktor Orbán viole les traités européens :
Les États membres sont tenus de “faciliter l'accomplissement par l'Union de sa mission et s'abstiennent de toute mesure susceptible de mettre en péril la réalisation des objectifs de l'Union” (Article 4 du Traité sur l’Union européenne, TUE).
Ils doivent également appuyer “activement et sans réserve la politique extérieure et de sécurité de l'Union dans un esprit de loyauté et de solidarité mutuelle” (Article 24 du TUE).
Ce n’est pas tout : au retour de son voyage, Viktor Orbán a écrit une lettre — vue par Politico — à Charles Michel et d’autres membres du Conseil européen, dans laquelle il reprend les éléments de langage du président russe et appelle l’UE à prendre les devants pour que des négociations de paix puissent avoir lieu.
Après ses escapades ukrainiennes et russes, Viktor Orbán s’est rendu à Pékin puis à Mar-a-Lago — la résidence de Donald Trump en Floride — toujours dans le cadre de sa “mission de paix”. Comme à Kiev et à Moscou, le premier ministre hongrois a fait preuve d'ambiguïté sur la nature de sa venue.
Ces visites ne risquent pas de déboucher sur des développements tangibles. En revanche, l’attitude de Viktor Orbán donne à voir une UE désunie au reste du monde. “Orbán veut montrer qu'il n'y a aucune conséquence à enfreindre de manière répétée les règles et à saper les positions de l'UE. Cela ridiculise le bloc, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur”, estime Daniel Hegedüs du German Marshall Fund.
QUE FAIRE • À part dénoncer le comportement de Viktor Orbán et rappeler à l’ordre ce dernier, les dirigeants européens n’ont pour le moment pas pris de mesures plus drastiques. Quelles sont leurs options ?
Mettre un terme à la présidence ? L’option de retirer à la Hongrie sa présidence a été discutée plusieurs fois ces derniers mois — un cabinet d’avocat aurait même trouvé un moyen légal de le faire. L’idée serait d’avancer le début de la présidence polonaise (à l’origine prévue pour le premier semestre 2025). Mais les dirigeants européens craignent (i) que cela crée un précédent et (ii) que cela antagonise la Hongrie, dont les autres dirigeants européens ne peuvent pas se passer pour les votes qui requièrent l’unanimité.
Suspendre le droit de vote de la Hongrie ? L’article 7 du TUE permet au Conseil européen de constater une violation d’une ou plusieurs des valeurs de l’UE par un Etat membre (l’unanimité est requise). Le Conseil de l’UE peut ensuite adopter, à la majorité qualifiée, la suspension du droit de vote de l'État membre en question au Conseil. Le Parlement européen a appelé plusieurs fois à l’utilisation de cet article, mais son utilisation reste taboue au sein des dirigeants européens, pour les mêmes raisons évoquées au précédent paragraphe.
Pour le moment, l’option la plus réaliste reste celle des représailles politiques. Le 15 juillet, Ursula von der Leyen a appelé les commissaires européens à ne pas assister aux réunions informelles du Conseil organisées pendant la présidence hongroise. Des dirigeants européens pourraient en faire autant et de ne pas envoyer leurs ministres à ces réunions informelles.
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PLÉNIÈRE • La plénière constitutive du Parlement européen commence aujourd’hui. Au programme, l’élection du président du Parlement européen (pas de suspense : ce sera très probablement Roberta Metsola), de son vice-président et de questeurs, et surtout : le vote visant à approuver ou rejeter Ursula von der Leyen pour le poste de président de la Commission européenne (programmé pour jeudi en début d’après-midi).
Afin d’être choisie pour un second mandat, von der Leyen doit rassembler 361 votes favorables (sur 720). Elle n’a qu’une seule chance : si elle est rejetée, le Conseil européen devra proposer un autre nom.
L’ancienne ministre de la défense allemande a passé ces dernières semaines à négocier à droite et à gauche (littéralement) afin de convaincre les eurodéputés de la soutenir. Bien qu’elle soit soutenue par la coalition majoritaire entre les sociaux-démocrates (S&D, centre-gauche), les libéraux (Renew Europe) et son groupe politique, le Parti populaire européen (PPE, centre-droit), rien n’est gagné.
En 2019, elle est passée à seulement 9 voix près. Certains membres de la coalition majoritaire ne l’avaient pas soutenu (environ 10%), si bien qu’elle a probablement — le vote est à bulletin secret — dû compter sur des soutiens extérieurs. Au sein de sa coalition, plusieurs partis ont déjà annoncé qu’ils ne la soutiendraient pas. Parmi eux, les Républicains (PPE) et le FDP allemand (Renew Europe), entre autres.
Ce qui pourrait laisser penser que von der Leyen sera “approuvée” par le Parlement :
Elle pourrait compter sur le soutien des Verts : ces derniers ont vu leurs effectifs considérablement réduits au sortir des élections européennes. Ils sont déterminés à faire des compromis pour conserver une influence sur le Parlement européen.
Elle pourrait également compter sur le soutien de certains membres du groupe des Conservateurs et réformistes (CRE) de Giorgia Meloni. Bien que cette dernière n’ait pas aimé être exclue des négociations sur les “top jobs”, Ursula von der Leyen a signalé qu’elle était prête à travailler avec la première ministre italienne.
Le fait que le vote soit à bulletin secret pourrait jouer en faveur de von der Leyen. Le contexte géopolitique (guerre en Ukraine, potentielle arrivée de Donald Trump à la Maison blanche dans quelques mois) pourrait conduire les eurodéputés — y compris ceux qui ne la soutiennent pas officiellement — à faire le choix de la stabilité en la soutenant.
“Il n’y a pas de plan B”, a déclaré le commissaire grec Margaritis Schinas à Politico. Si d’autres noms ont été évoqués ces derniers mois, la candidate la plus consensuelle reste de loin Ursula von der Leyen.
GROUPES POLITIQUES • C’est officiel : le groupe des Patriotes de l’Europe devient la troisième force politique au Parlement européen, avec 83 eurodéputés issus de 13 partis nationaux. Le groupe a été officiellement rejoint par le Rassemblement national le 8 juillet.
Jordan Bardella a été élu président du groupe, et le Hongrois Kinga Gál (Fidesz) vice-président.
ELON VS. THIERRY • La Commission s’attaque à X (ex-Twitter). L’entreprise rachetée par Elon Musk en 2022 a reçu des constatations préliminaires dans le cadre du Digital Services Act (DSA). La décision a donné lieu à un échange de tweets savoureux entre Thierry Breton et Elon Musk.
La Commission a ouvert une enquête en décembre 2023 pour déterminer si X contribue à disséminer des contenus illégaux et a pris les mesures adéquates pour combattre la désinformation en ligne.
Le badge bleu, qui permet de distinguer les “comptes vérifiés”, est dans le viseur de la Commission. N’importe quel utilisateur peut désormais acheter ce badge bleu, qui empêche les utilisateurs (selon la Commission ) de déterminer la fiabilité de ces comptes.
La Commission considère également que X ne respecte pas les règles de transparence en matière de publicité et n’a pas donné accès à ses données publiques aux chercheurs, conformément au DSA.
L’envoi de constatations préliminaires ne préjuge pas de l’issue de l’enquête — X peut désormais se défendre et avoir accès aux pièces du dossier. X risque une amende qui peut grimper jusqu’à 6% de son chiffre d’affaires annuel mondial.
APPLE • La Commission a accepté les engagements proposés par Apple concernant Apple Pay et Apple Wallet.
L’enquête de la Commission a commencé en 2020. Apple refusait de fournir l’accès à la technologie NFC (near field communication) sur le système d’exploitation iOS (celui d’Apple) à des développeurs de portefeuilles mobiles concurrents.
La Commission considérait que ce refus d’accès constituait un abus par Apple de sa position dominante sur le marché des portefeuilles mobiles sur iOS. Les engagements permettent de clore le dossier contre une série de promesses qu’Apple doit respecter pour 10 ans dans l’espace économique européen.
Apple s’engage à donner accès gratuitement à la technologie NFC à ses concurrents pour développer des applications de paiement sans passer par Apple Pay ou Apple Wallet. Cela concerne aussi d’autres transactions sans contact tels des tickets, les clés digitales ou encore les cartes de fidélité.
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Cette édition a été préparée par l’équipe de What’s up EU. À la semaine prochaine !