What's up EU

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Par Augustin Bourleaud
4 sept. · 5 mn à lire
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Rentrée des classes à Bruxelles

Tout savoir sur la formation de la nouvelle Commission européenne • Mais aussi — Musk et Durov, Commerce international, Inflation


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On espère que vous avez passé de meilleures vacances que Thierry Breton, Valdis Dombrovskis, Elisa Ferreira et Věra Jourová : ces quatres commissaires européens étaient de garde à Bruxelles pendant tout le mois d’août.

La reprise est plutôt tranquille ? Sachez que vous pouvez à présent jouer à Fortnite sur votre iPhone ou votre Android, grâce à… l’Union européenne. Il y a 4 ans, le jeu avait été retiré de l’App Store et du Play Store par son développeur, Epic Games. 

Avec le Digital Markets Act (DMA), Google et la marque à la pomme sont à présent dans l’obligation de laisser les développeurs proposer leurs applications sur leurs propres “magasins d’applications” en Europe. 


Le Briefing

À Bruxelles, les institutions européennes s’apprêtent à reprendre leur rythme habituel. Pourtant, le mandat 2024-2029 ne commencera véritablement que lorsque l’ensemble des commissaires européens (et leurs portefeuilles) aura été déterminé, à l’issue d’un processus semé d’embûches.Le collège des commissaires en novembre 2023 : une chose est sûre, Ursula von der Leyen sera sur la prochaine photo © Commission européenneLe collège des commissaires en novembre 2023 : une chose est sûre, Ursula von der Leyen sera sur la prochaine photo © Commission européenne

RENTRÉE • Les fonctionnaires et députés européens retrouvent progressivement leurs quartiers à Bruxelles.

—Le collège des commissaires fait sa réunion de rentrée le 4 septembre.

—Le première plénière du Parlement a lieu du 16 au 19 septembre (une plénière constitutive a eu lieu en juillet). Les commissions parlementaires commencent à se réunir à partir du 4 septembre.

—Le Conseil a repris son activité à la fin août avec des réunions informelles entre les ministres des Etats membres. Le Conseil européen (qui réunit les chefs d’Etat ou de gouvernement des 27) se réunit le 17 et 18 octobre.

Les groupes politiques et commissions parlementaires du Parlement européen ont été constitués avant la pause estivale. 

C’est donc vers la Commission que tous les regards sont tournés. Ursula von der Leyen a été reconduite comme présidente de l’exécutif européen en juillet, mais il reste à déterminer l’identité et le portefeuille des 26 autres commissaires (1 commissaire par Etat membre).

PARITÉ • Les capitales avaient jusqu’à fin août pour proposer à Ursula von der Leyen des noms. Tous ont respecté la date limite, sauf la Belgique, où d’âpres négociations pour former une coalition gouvernementale se superposent avec cette échéance.

Dans sa lettre adressée aux Etats membres en juillet, la présidente de la Commission européenne a demandé à ce que deux noms lui soient proposés par Etat : celui d’un homme et d’une femme. L’objectif de von der Leyen est d’atteindre la parité au sein du collège des commissaires.

Problème : seule la Bulgarie a respecté le souhait de l’ancienne ministre allemande. Les autres Etats n’ont proposé qu’un candidat. 

À l’aune de son premier mandat, von der Leyen était parvenue à convaincre plusieurs Etats membres de proposer une femme à la place d’un homme. Résultat : le collège était presque paritaire, avec 12 femmes et 15 hommes. 

Cette fois-ci, les Etats ont proposé deux fois moins de femmes que d’hommes. Si la Belgique propose un homme, le collège des commissaires pourrait être le moins paritaire depuis le milieu/fin des années 2000 (voir infographie ci-dessous). Historiquement, le nombre d’hommes commissaires a toujours été supérieur au nombre de femmes.

MARGE DE MANOEUVRE • Ursula von der Leyen peut-elle refuser les noms proposés par les Etats membres ? C’est ce qu’elle laissait entendre en 2019 :

“Je veillerai à l'égalité intégrale entre les hommes et les femmes parmi les commissaires. Si les États membres ne proposent pas suffisamment de femmes aux postes de commissaire, je n'hésiterai pas à leur demander de nouveaux noms. Depuis 1958, il y a eu 183 commissaires, dont 35 femmes seulement, soit moins de 20 %.”

Pourtant, rien dans les traités n’oblige les Etats membres à proposer plus d’un nom. Aucune disposition non plus sur le genre des commissaires. 

Le traité sur l’Union européenne (TUE) prévoit cependant que “le Conseil, d'un commun accord avec le président élu, adopte la liste des autres personnalités qu'il propose de nommer membres de la Commission” (Art 17). Par ailleurs, les noms proposés par les Etats membres ne sont que des “suggestions”. Von der Leyen aurait donc une marge de manœuvre, au moins en théorie.

En pratique, il semble peu probable qu’elle fasse un affront aux Etats membres — leur soutien lui est précieux, et il est peu probable qu’elle utilise du capital politique sur ce sujet-là. Pourtant, un déséquilibre homme-femme trop important pourrait potentiellement mettre en péril l’approbation du collège par les eurodéputés.

En effet, une fois qu’Ursula von der Leyen aura tranché sur la répartition des portefeuilles, les commissaires devront passer un par un à la casserole, lors d’auditions parlementaires réputées difficiles.

Le Parlement se prononcera ensuite sur l’ensemble du collège des commissaires, à la majorité simple. Le manque de parité pourrait constituer un sujet de friction, le règlement intérieur du Parlement européen incitant les eurodéputés à prendre cet aspect en compte dans l’évaluation des candidats.

LES NOMS • La liste complète des personnalités proposées par les Etats membres est disponible ici

Les commissaires qui pourraient être reconduits sont Thierry Breton (France) ; Valdis Dombrovskis (Lettonie), pour un 3e mandat ; Maroš Šefčovič (Slovaquie), qui est commissaire européen depuis 2009 ; Wopke Hoekstra (Pays-Bas) ; Olivér Várhelyi (Hongrie) ; et Dubravka Šuica (Croatie).

Comme attendu, Margrethe Vestager n’a pas été proposée par Copenhague, le parti social-libéral ne faisant plus partie de la coalition au pouvoir au Danemark. Après 10 années comme tête de proue de la politique de concurrence, celle qui aurait inspiré le personnage principal de la série Borgen quitte l’exécutif européen.

De concert avec les Etats membres, Ursula von der Leyen va devoir à présent répartir les portefeuilles. Cette répartition doit non seulement satisfaire les capitales, mais aussi les différentes familles politiques, dont le soutien sera crucial au Parlement. Notons que les commissaires, une fois en poste, sont censés être neutres.

TIMING • Si le Parlement ne rejette aucun candidat, la Commission prêtera serment le 1er novembre. Ce scénario est cependant peu probable : les fois précédentes, 2 à 3 candidats ont été rejetés par les eurodéputés. Le calendrier pourrait donc facilement glisser au 1er décembre, voire au 1er janvier. 

Une chose est sûre : le travail des futurs commissaires européens commencera véritablement en 2025.


Inter Alia

TECHLASH • Le PDG de l’application de messagerie Telegram, Pavel Durov, a été arrêté à Paris le 24 août. Les autorités françaises reprochent à Telegram des faits de cybercriminalité, en raison de l’absence de modération de contenus illicites tels que de la pédopornographie ou le trafic de drogues. 

Cette arrestation intervient alors la Commission européenne s’interroge sur les chiffres fournis dans le cadre du Digital Services Act (DSA). Le DSA impose aux très plateformes en ligne avec plus de 45 millions d’utilisateurs actifs mensuels de l’UE (TikTok, Instragram, X, entre autres) une série d'obligations strictes, notamment en matière de modération et de lutte contre les contenus illicites. 

Les très grandes plateformes en ligne sont directement supervisées par les services de Thierry Breton à la Commission européenne. Telegram a déclaré 41 millions d’utilisateurs mensuels actifs au sein de l'UE en février, et n’a pas fourni de chiffres actualisés à la Commission en août. La Commission serait en train d’enquêter sur le nombre d’utilisateurs ainsi que la méthodologie utilisée par Télégram, selon les informations du FT.

Début août, Thierry Breton tentait de sortir Bruxelles de sa torpeur estivale en adressant une lettre à Elon Musk. Le commissaire au marché intérieur mettait en garde le propriétaire de X (Twitter) — qui a interviewé Donald Trump en direct sur la plateforme — du risque de dissémination de contenus dangereux. 

Son intervention n’a pas été appréciée par la Commission qui s’est désolidarisée d’un chevalier blanc du net auquel on reproche de trop souvent faire cavalier seul.

DROITS ANTI DUMP(L)ING • Le 20 août, dans le cadre de son enquête anti-subventions sur les véhicules électriques produits en Chine, la Commission a communiqué aux parties intéressées le projet de conclusions définitives instituant des droits antidumping.

Il s’agit d’une étape procédurale en matière de droits antidumping : celle-ci permet aux constructeurs automobiles visés par l’enquête de présenter leurs observations. À l’issue de cette phase, la Commission présentera un projet de décision aux Etats membres et les mesures seront adoptées sauf si une majorité qualifiée s’oppose à la proposition de la Commission. La décision sera définitive au plus tard le 30 octobre.  

À ce stade, les droits antidumping sont fixés pour SAIC (36,3%), Geely (19,3%), BYD (17%), et Tesla (9%). Les autres constructeurs qui ont coopéré à l’enquête seront frappés d’un taux de 21,3%. Ceux qui n’ont pas coopéré devront s’acquitter de droits de douanes de 36,3%.

Sans surprise, la Chine s’insurge contre les résultats de cette enquête. Pékin a déclenché une enquête sur les importations de produits laitiers le lendemain de la publication du projet de conclusions (21 août). La Chine souhaite faire payer à la France son soutien à l’imposition de mesures contre les véhicules électriques produits en Chine. 

INFLATION Le taux d’inflation annuel de la zone euro est passé de 2,6% (juillet, en hausse par rapport à juin) à 2.2% (août), son niveau le plus bas depuis 3 ans. L’inflation se rapproche donc de l’objectif de 2% de la Banque centrale européenne (BCE).

Cela laisse entrevoir une possible nouvelle baisse des taux directeurs de la BCE (à 3.5%) lors de la réunion du Conseil des gouverneurs du 12 septembre, la dernière baisse datant de juin 2024.

Philip Lane, économiste en chef à la BCE, a déclaré que de futures baisses des taux étaient probables. Lane estime qu’une trajectoire de taux trop élevée pendant une trop longue période pourrait avoir pour conséquence, à moyen-terme, une inflation chroniquement inférieure à l’objectif de 2%. L’économiste irlandais estime toutefois qu’un retour à 2% n’est pas encore certain. 

La baisse de l’inflation en août est surtout due à une forte baisse des prix de l’énergie ainsi qu’à des effets de base (raisons conjoncturelles). Si l’on regarde l’inflation sous-jacente, qui exclut les variations des produits dont les prix sont très volatiles (énergie, alimentation, alcool et tabac), la baisse est nettement moins prononcée : on passe de 2,9% à 2,8% en glissement annuel, de juillet à août.

La prudence demeure donc de mise, d’autant que les services connaissent une inflation en glissement annuel en augmentation : 4,2% en août, comparé à 4,0% en juillet. De nombreux économistes attribuent cette hausse aux JO.


Nos lectures de la semaine

  • Dans une chronique pour Project Syndicate, Jean Pisani-Ferry s'interroge sur la capacité des dirigeants européens à mettre en œuvre les réformes nécessaires pour l'avenir de l'UE.

  • Dans Politico, Carlo Martuscelli, Kathryn Carlson et Hanne Cokelaere rappellent les enjeux de l'ambitieux projet d'union des marchés de capitaux européen.


Cette édition a été préparée par Augustin Bourleaud, Elisa Zevio et Maxence de La Rochère. À la semaine prochaine !