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Par Augustin Bourleaud
28 juin · 6 mn à lire
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Dîner à couteaux tirés

Négociations tendues sur les top jobs • Mais aussi — Déficits excessifs, Règlement sur la restauration de la nature, OTAN


Bonjour. Nous sommes le 24 juin et voici votre condensé utile d’actualité européenne. Suivez-nous également sur Twitter et LinkedIn


Si vous l’aviez manqué : 

  • Apple a décidé de retarder le lancement de certaines de ses nouvelles fonctionnalités d’intelligence artificielle sur l’iPhone en Europe, en raison d’incertitudes liées au Digital Markets Act (DMA).

  • Les ambassadeurs des Etats membres ont adopté un 14e paquet de sanctions contre la Russie. Pour la première fois, le gaz naturel liquéfié russe est visé.

  • Le logo de la présidence hongroise du Conseil de l’UE est un Rubik’s cube, jeu inventé par un Hongrois en 1974. Le slogan ? Make Europe Great Again. Le ton est donné.

  • Les négociations d’adhésion à l’UE de l’Ukraine et de la Moldavie commencent ce mardi.

  • L’Allemand Manfred Weber est reconduit à la tête du Parti populaire européen (PPE, centre-droit). François-Xavier Bellamy sera l’un de ses vice-présidents. Chez les Verts, le Néerlandais Bas Eickhout a été élu vice-président, aux côtés de l'Allemande Terry Reintke (qui est reconduite).

Le Briefing

Pour certains, c’était déjà une affaire conclue. Pourtant, lors de leur dîner du 17 juin, les chefs d’Etat et de gouvernements européens n’ont pas réussi à s’accorder sur une répartition des rôles les plus importants (“top jobs”) au sein des institutions européennes. 

Une image vaut parfois mille mots : Giorgia Meloni n’était pas satisfaite des négociations © Dave Keating, X

INDIGESTION • Lundi dernier, le Conseil européen — qui rassemble les chefs d’Etat et de gouvernement des Etats membres — a tenté de s’accorder sur la répartition des tops jobs lors d’un dîner informel. 

Avant ce dîner, un consensus semblait avoir émergé au sein de la coalition majoritaire du Parti populaire européen (PPE, centre-droit) des sociaux-démocrates (S&D, centre-gauche) et des libéraux (Renew) : Ursula von der Leyen (PPE) à la tête de la Commission européenne, l’ancien premier ministre António Costa (S&D) pour la présidence du Conseil européen, la maltaise Roberta Metsola (PPE) à la tête du Parlement européen, et l’estonienne Kaja Kallas (Renew) en tant que cheffe de la diplomatie européenne.

Deux facteurs ont empêché un accord de voir le jour : 

  • Un PPE qui, enhardi par ses résultats aux élections, a revu ses ambitions à la hausse en demandant une part encore plus grande des top jobs, ce qui n’a pas plu à ses partenaires.

  • La frustration de Giorgia Meloni, dont le groupe politique (les Conservateurs et réformistes européens, “ECR”, à droite du PPE) a fait un bon score aux européennes mais a été exclu des négociations. 

MENU IMPOSÉ • L’expression sur le visage de Giorgia Meloni au sortir du dîner en dit long : la première ministre italienne n’a pas apprécié la manière dont les discussions se sont déroulées.

Et pour cause, des négociations à huis-clos ont eu lieu sans elle avant la réunion. Les dirigeants les plus influents de la coalition majoritaire au Parlement européen — entre autres : Emmanuel Macron (Renew), le chancelier allemand Olaf Scholz (S&D) et le premier ministre polonais Donald Tusk (PPE) — se sont entretenus à part, faisant attendre leurs homologues, à qui ils ont ensuite présenté une liste de top jobs (voir plus haut) comme un fait accompli.

Au-delà de la méthode peu délicate, Giorgia Meloni n’a pas apprécié que la performance de son groupe politique aux élections n’ait pas été prise en compte dans l’attribution des top jobs. 

Certes, l’ECR a fait un bon score, mais la coalition PPE-S&D-Renew maintient sa majorité, ce qui limite considérablement l’influence du groupe de la première ministre italienne dans ces discussions.

EXTRAS • Les négociations ont aussi déraillé à cause des demandes du PPE, jugées excessives par certains.

  • Les européennes ont permis au PPE de renforcer sa position de premier groupe politique au Parlement européen : le groupe gagne 13 sièges, avec un total de 189 sièges. 

  • La montée des groupes ECR et ID, tous deux à droite du PPE, font du groupe de centre-droit une force politique au centre (au sens propre et figuré) de la mandature à venir.

  • Les élections n’ont pas autant réussi aux deux autres membres de la coalition pro-européenne : S&D perd 3 sièges et passe à 136, Renew en perd 28 et dégringole à 74 sièges.

Le PPE s'appuie sur ce constat pour demander une part encore plus grande du gâteau : en plus du poste de président de la Commission européenne et de président du Parlement européen, le groupe politique aurait demandé la moitié du rôle de président du Conseil européen.

Explication : le président du Conseil européen est élu pour deux ans et demi. En pratique, le mandat a toujours été renouvelé une fois, si bien que les anciens présidents du Conseil européen ont tous fait des mandats de 5 ans.

Le PPE remet en question cette convention et souhaite amputer aux socialistes la moitié du poste de président du Conseil européen attribué aux socialistes. Inutile de préciser que cela n’a pas plu au chancelier allemand Olaf Scholz (S&D).

L’ADDITION • Bilan : rien n’a été décidé durant cette réunion informelle. Celle-ci a par ailleurs contribué à tendre les relations entre les dirigeants européens. 

En théorie, les chefs d’Etat et de gouvernement de la majorité pro-européenne pourraient faire sans le soutien de Meloni, et ce en raison du mode de scrutin : le président de la Commission européenne est proposé par le Conseil européen à la majorité qualifiée, et le président du Conseil européen élu à travers le même mode de scrutin.

Mais ignorer totalement les demandes de Giorgia Meloni pourrait se retourner contre les leaders de la coalition pro-européenne, à au moins deux titres :  

  • Ursula von der Leyen doit recevoir le soutien de la majorité au Parlement européen pour être approuvée, et la majorité PPE-S&D-Renew est fragile. Ne pas négocier avec Meloni, c’est se priver d’un potentiel soutien de députés du groupe ECR. 

  • Par le futur, la première ministre italienne pourrait se montrer peu coopérative sur d’autres sujets.

EN CUISINE • Giorgia Meloni dispose peut-être d’un nouvel argument pour peser dans ces négociations.

Le 19 juin, soit deux jours après la réunion informelle du Conseil européen, l’ECR a déclaré être devenu la troisième force politique au Parlement, après une deuxième vague d’admissions au sein du groupe.

Cela signifie que Renew, le groupe d’Emmanuel Macron, passe provisoirement à la quatrième place. La semaine dernière, les libéraux ont connu d’autres revers : 5 députés du parti Volt ont décidé de rejoindre les Verts après avoir hésité avec Renew, et l’ancien premier ministre tchèque Andrej Babiš a annoncé que les députés de son parti (ANO) quittaient le groupe.

Pour autant, le fait que l’ECR dépasse Renew est plus symbolique qu’autre chose, et ne devrait pas avoir d’effet sur l’allocation des top jobs (la coalition pro-européenne reste majoritaire). L’affaiblissement de Renew au niveau européen, est cependant bien réel.

DIGESTIF • Si les négociations sur les top jobs semblent tendues, elles demeurent cependant moins complexes qu’en 2019. Il est probable que la liste actuelle soit celle retenue par le Conseil européen, même si des surprises sont possibles.

Les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE se rassembleront à nouveau le 27 et 28 juin. S'ils trouvent un accord, le Parlement pourrait voter pour approuver/rejeter Ursula von der Leyen à la mi-juillet. 


Collaboration commerciale avec Peugeot

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Inter Alia

DÉFICITS EXCESSIFS • Le 19 juin, la Commission européenne à dévoilé ses orientations stratégiques dans le cadre du paquet de printemps du semestre européen. 

La Commission considère que “l’ouverture d’une procédure pour déficit excessif est justifiée” pour 7 pays : la France, l’Italie, la Belgique, la Hongrie, Malte, la Pologne et la Slovaquie. Ces gouvernements sont épinglés pour leur non-respect des règles de dette (60%) et de déficit public (3%). 

La procédure pour déficit excessif prévoit des recommandations assorties de sanctions pécuniaires pour pousser les Etats membres à mettre leurs finances publiques en ordre. Le déficit de la France s’établit à 5,5% du PIB en 2023. 

La procédure n’a pas encore été formellement déclenchée. La Commission entend proposer au Conseil de l’UE d’ouvrir formellement la procédure en juillet. Ce sera alors au Conseil d’adopter (majorité qualifiée) des recommandations adressées aux Etats membres pour mettre fin aux déficits excessifs. Si vous êtes perdus sur la procédure, jetez un coup d'œil à ce schéma.  

À noter — le Parlement européen et le Conseil sont parvenus en février 2024 à un accord sur la réforme des règles budgétaires européennes, après le double choc du Covid-19 et de la guerre en Ukraine.

La nouvelle mouture du Pacte, qui s’applique à partir de 2025, introduit plus de flexibilité dans les trajectoires de réduction de la dette et du déficit publics. Ces trajectoires prennent mieux en compte les réformes structurelles entreprises par les Etats membres.

Indépendamment de la procédure pour déficit excessif, le gouvernement français doit au plus tard le 20 septembre 2024 présenter son projet de plan budgétaire à moyen terme, qui prend compte des recommandations de la Commission prises dans le cadre du Semestre européen. 

Le calendrier sera là aussi très politique en cas de premier projet de loi de finances (PLF) présenté par un potentiel gouvernement de cohabitation en France. 

ENVIRONNEMENT • Coup de théâtre au Conseil de l’UE. Le 17 juin, les ministres de l’environnement des 27 ont donné leur feu vert définitif au règlement sur la restauration de nature, qui vise à restaurer 20% des zones terrestres et maritimes de l’UE d’ici 2030. 

L’adoption a été rendue possible par l’Autriche et la Slovaquie, qui ont décidé de voter en faveur du texte à la dernière minute (sans l’un des deux pays, le texte n’aurait pas été adopté). 

Problème : le chancelier autrichien Karl Nehammer accuse sa ministre Leonore Gewessler (parti des Verts autrichiens) a voté sans l’accord de la coalition au pouvoir, qui comprend les Verts et le Parti populaire autrichien (ÖVP). Il a écrit une lettre à la Belgique — qui tient la présidence tournante du Conseil de l’UE — pour demander une annulation du vote.

Le ministre de l’environnement belge a déclaré que le vote était définitif. “La controverse interne en Autriche n'est pas mon problème”, a-t-il clarifié. Le secrétaire général de l’ÖVP, Christian Stocker, a déclaré dans un communiqué que le parti a déposé une plainte au pénal contre la ministre pour abus de pouvoir.

OTAN • Le premier ministre néerlandais Mark Rutte a réussi à obtenir l’ensemble des soutiens des 32 membres de l’OTAN pour remplacer le norvégien Jens Stoltenberg comme Secrétaire général de l’alliance militaire.

Après 7 mois de campagne, le soutien de la Hongrie, de la Slovaquie et de la Roumanie manquaient toujours au Néerlandais. 

  • C’est lors de la réunion informelle du Conseil européen du 17 juin que Mark Rutte aurait convaincu Viktor Orbán en lui proposant de permettre à Budapest de ne pas participer aux activités de l’organisation concernant le soutien à l’Ukraine.

  • Au lendemain de l’accord entre Mark Rutte et Viktor Orbán, le président slovaque Peter Pelligrini a lui aussi informé qu’il soutenait le Néerlandais. 

  • Il ne restait alors que le soutien de la Roumanie, qui lui a été accordé jeudi lorsque le président roumain Klaus Iohannis a retiré sa candidature — il était également candidat — au profit de Mark Rutte.

L’organisation célèbrera son 75ème anniversaire le mois prochain à Washington. Mark Rutte prendra ses fonctions le 2 octobre, un mois avant les élections américaines. 


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Nos lectures de la semaine

  • Une note de Zsolt Darvas, Lennard Welslau et Jeromin Zettelmeyer publiée par Bruegel propose un résumé critique du nouveau cadre de gouvernance économique de l’UE.

  • Pour le Peterson Institute, Jacob Funk Kirkegaard partage son appréciation de la décision de l'UE d'imposer des droits de douane provisoires sur les véhicules électriques produits en Chine.


Cette édition a été préparée par l’équipe de What’s up EU, notamment Maxence de La Rochère et Thomas Blanda. À la semaine prochaine !