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Par Augustin Bourleaud
17 oct. · 5 mn à lire
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L’Union divisée sur la Palestine

Mais aussi — Elargissement, France-Allemagne, Pologne, DMA, CMA

Bonjour. Nous sommes le lundi 16 octobre 2023 et voici votre condensé utile d’actualité européenne. Suivez-nous également sur Twitter et LinkedIn


En partenariat avec l’Institut Goethe de Paris et EURALIA, société de conseil en affaires publiques franco-européennes, nous somme très heureux de vous inviter à un petit déjeuner consacré aux élections européennes dans le cadre du cycle de petit-déjeuners “l’Europe à Paris” dont nous sommes partenaires. 

Nous vous donnons le mercredi 25 octobre à 8h30 au 17 avenue d’Iéna, 75116, Paris (Institut Goethe). Pour s’inscrire, c’est ici (inscription obligatoire).


Le Briefing

Le 14 octobre, la Commission a déclaré tripler son aide humanitaire à Gaza. Cette annonce intervient après une semaine de déclarations pour le moins contradictoires entre Etats Membres et — fait moins anodin — au sein même des institutions de l’UE.

Roberta Metsola, Isaac Herzog (président d’Israel) et Ursula von der Leyen à Tel-Aviv © Commission européenneRoberta Metsola, Isaac Herzog (président d’Israel) et Ursula von der Leyen à Tel-Aviv © Commission européenne 

CAFOUILLAGE •  Les attentats du Hamas du 7 octobre dernier ont été suivis de signaux contradictoires — sinon d’un cafouillage — quant à la position des 27 sur le conflit israélo-palestinien.

Le Commissaire européen chargé de la politique de voisinage Oliver Varhelyi avait ainsi déclaré lundi dernier la suspension générale de l’aide européenne à Gaza, soit près d’1 milliard d’euros sur la période 2021-2024, avant d’être démenti par un communiqué officiel évoquant plutôt un “réexamen urgent de l’aide de l’UE” visant à s’assurer que l’Union ne finance aucune activité terroriste implantée en Palestine.

DIVISION DES 27 • Cette décision unilatérale a suscité de nombreuses critiques. De la part des Etats-membres tout d’abord, historiquement divisés sur le conflit israélo-palestinien, et dont les diplomates se sont émus de ne pas avoir été prévenus en amont.

Le ministère des affaires étrangères irlandais a ainsi déclaré ne pas soutenir la suspension de l’aide, estimant qu’il “n’y a pas de base juridique pour une décision unilatérale de ce type”, tandis que d’autres ont approuvé l’initiative à l’instar du Premier ministre tchèque Petr Fiala.

Le président du Conseil européen Charles Michel a finalement assuré que “la suspension et le réexamen de l’aide au développement en faveur du peuple palestinien ne pouvaient être décidés sans le soutien des Etats Membres ou du Conseil”, rassurant le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres, inquiet de cette initiative.

TRIANGLE DIVISÉ Des critiques ont également vu le jour au sein même de la Commission, notamment de la part du Haut représentant aux affaires étrangères Josep Borrell : “La suspension des paiements — qui punit l’ensemble du peuple palestinien — aurait nui aux intérêts de l’UE dans la région et n’aurait fait qu’enhardir les terroristes” a-t-il déclaré sur X (ex-Twitter).

Des tensions similaires se sont faites sentir sur la question du respect, par Israël, du droit international dans la conduite de ses opérations de riposte. Le chef de la diplomatie européenne s’est démarqué des positions d’Ursula von der Leyen ou de Roberta Metsola par une position ferme en la matière, ces dernières ayant manifesté un soutien sans faille à l’Etat hébreu lors de leur visite vendredi dernier.

Alors qu’un porte-parole de la Commission annonçait que les civils de Gaza avaient été alertés par Israël des opérations à venir afin de leur laisser le temps de se mettre à l’abri, Josep Borrell a qualifié “d’irréaliste” l’idée selon laquelle un million de personnes pouvaient évacuer le nord de Gaza en 24 heures — le délai donné par Tel Aviv.

Ces divisions illustrent à merveille le positionnement institutionnel singulier du Haut représentant, doté depuis le Traité de Lisbonne, d’une “double casquette” : membre de la Commission, il rapporte également au Conseil de l’UE, dont il préside la formation Affaires étrangères. 

Plusieurs leaders européens ont de la même manière rappelé la nécessité pour Israël de respecter le droit international, comme le belge Alexander de Croo ou l’Espagnol Pedro Sanchez.

SOMMET  •  Cette frange des 27 a pu bénéficier du soutien d’Antonio Guterres, qui s’est entretenu samedi avec Ursula von der Leyen pour que l’UE fasse pression sur Israël afin d’éviter l’envenimement du conflit. 

Malgré le triplement de l’aide humanitaire européenne, qui passe de 25 à 75 millions d’euros de crédits de la Commission, la position commune de l’Union reste à fixer. C’est tout l’objet du sommet extraordinaire convoqué par Charles Michel ce mardi 17 octobre afin d’établir, avec les leaders européens, “a clear unified course of action that reflects the complexity of the unfolding situation.”

THIERRY S’EN MÊLE  • En plus de la situation tendue au sein des institutions, l’attitude du commissaire européen Thierry Breton sur les réseaux sociaux en a étonné plus d’un.

Ce dernier a apostrophé Elon Musk sur X (ex-Twitter) concernant des contenus de désinformation circulant sur la plateforme au sujet de l’attaque du Hamas contre Israël et des élections en Slovaquie. 

Dans le cadre du Digital Services Act (DSA), qui vise à ce que ce qui est illégal hors ligne soit également illégal en ligne, les grandes plateformes et moteurs de recherches comme Twitter ou Google doivent, depuis août 2023, prendre un certain nombre de mesures afin de limiter la prolifération de contenus illicites. 

Plusieurs experts ont jugé que le contenu et le ton de la lettre de Breton à Musk n’étaient pas alignés avec l’esprit du DSA. En exigeant le retrait de certains contenus de la plateforme, Breton s’éloignerait en effet de la logique du DSA, basée sur le respect de certains principes.

“Les grandes plateformes doivent mettre en place des systèmes et des ressources pour atténuer les risques liés à ce type de contenu. Cela ne signifie pas nécessairement qu'il faille les retirer. Pourquoi ? Parce que cela équivaudrait à de la censure” a jugé Zach Meyers, du Center for European Reform, sur X (notre traduction). 

Avant d’ajouter : “Cela signifie que la Commission doit faire respecter la DSA en examinant l'approche globale d'une plateforme et ses systèmes” (notre traduction). Ainsi, le sujet ici ne serait donc pas vraiment la présence de contenus individuels illicites en ligne, mais plutôt la manière dont la plateforme s’organise pour faire face à ces contenus. 

Sur ce point là, “Must ne joue manifestement pas son rôle. Mais en appliquant le DSA de cette manière, Breton non plus” conclut Zach Meyers (notre traduction). En parallèle de cette lettre, la Commission européenne a ouvert une demande d’informations à X afin d’en savoir plus sur les conditions qui ont permis la circulation de ces contenus illicites.

Si Mark Zuckerberg (Meta), Shou Zi Chew (TikTok) et Sundar Pichai (Youtube) ont été également apostrophés par Thierry Breton sur Twitter, ils n’ont pas — encore — fait l’objet d’une demande d’informations. 


Inter alia

ELARGISSEMENT • L’Estonie serait prête à perdre son accès à des fonds européens si l’Ukraine rejoignait l’UE. C’est en tout cas ce que la première ministre estonienne Kaja Kallas a déclaré au FT lors de la récente réunion informelle du Conseil européen à Grenade. À long terme, “cela finira par arriver”, a-t-elle expliqué. 

Révélée par le FT, une étude interne du Conseil de l’UE prévoit que l’Ukraine pourrait recevoir 186 milliards d’euros en fonds européens si elle rejoint l’UE, dont 61 milliards de fonds de cohésion et 96 milliards de fonds alloués dans le cadre de la Politique Agricole Commune (PAC).

Selon cette étude, l’accession de neuf nouveaux Etats Membres ferait perdre l’accès aux fonds de cohésion à l’Estonie, la République Tchèque, la Lituanie, la Slovénie, Chypre et Malte. Pour rappel, le Fonds de cohésion sert à soutenir les Etats Membres dont le revenu national brut par habitant est inférieur à 90 % de la moyenne de l’UE.

Kaja Kallas et le Premier Ministre de l’Irlande Leo Varadkar ont tenu des propos similaires concernant cette question budgétaire. “C’est très important de ne pas regarder cette question de l’élargissement seulement comme un calcul financier”, a déclaré le Taoiseach.

FRANCE-ALLEMAGNE • Les gouvernements français et allemand se sont retrouvés le 9 et 10 octobre pour un séminaire commun visant à redonner un coup de boost à la relation franco-allemande, affaiblie depuis plusieurs mois par des désaccords répétés. La rencontre se voulait informelle et orientée vers le dialogue, sans obligation d’aboutir à un accord. 

Les deux gouvernements se sont retrouvés à Hambourg, où le chancelier allemand Olaf Scholz a été maire pendant sept ans entre 2011 et 2018. Malgré une visite réjouissante à l’usine Airbus de Hambourg, une balade en bateau et la dégustation de Fischbrötchen — le populaire sandwich au poisson du nord de l’Allemagne — les sujets d’entente entre Olaf Scholz et Emmanuel Macron restent rares.

Au niveau européen, les principaux sujets de désaccord entre Paris et Berlin résident dans la réforme du marché de l’électricité européen, la réforme des règles budgétaires européennes, et la place à accorder au nucléaire dans la politique industrielle verte de l’UE.

“Si la France et l'Allemagne ne savent pas s'entendre, l'Europe est bloquée”, a déclaré Emmanuel Macron à la fin de la visite, affirmant que les “graines semées” à Hambourg donneront des “fruits”. La qualité de ces derniers reste cependant à déterminer.

POLOGNE • Selon un sondage de sortie des urnes, les trois partis d’opposition candidats aux élections parlementaires polonaises seraient majoritaires face au parti Droit et Justice (PiS), jusqu’alors au pouvoir. Les élections se sont déroulées hier, dimanche 15 octobre.

Si le compte des voies valide ce résultat, l’issue de l’élection serait une bonne nouvelle pour Bruxelles. Depuis l’arrivée du PiS au pouvoir en 2015, les institutions européennes ont eu des relations pour le moins compliquées avec la Pologne, notamment au sujet de l’Etat de droit.

La Coalition civique — dirigée par Donald Tusk, ex-président du Conseil européen —, parti à la tête de l’opposition, présente une ligne beaucoup plus pro-européenne.

DMA •  La Commission européenne a publié le modèle (“template”) du rapport de conformité que les contrôleurs d’accès (“gatekeepers”) désignés le 6 Septembre devront soumettre dans le cadre du Digital Markets Act (DMA).

Pour rappel, le DMA vise à réglementer le pouvoir des plus grandes entreprises numériques — les gatekeepers — afin de rendre les marchés du secteur numérique plus équitables et plus contestables.

Les rapports de conformité devront contenir toutes les informations pertinentes dont la Commission a besoin pour évaluer le respect des dispositions du DMA par les entités désignées.

Les gatekeepers devront soumettre ces rapports de conformité dans les six mois suivant leur désignation et les mettre à jour au moins une fois par an. Les gatekeepers désignés le 6 septembre 2023 devront soumettre les premiers rapports au plus tard le 7 mars 2024. 

La Commission publiera un résumé non confidentiel de chaque rapport de conformité.

CMA • L'Autorité Britannique de la Concurrence (CMA) a adopté de nouvelles orientations visant à admettre des accords entre entreprises sous réserve que ces derniers aient un impact positif sur l’environnement. 

Les entreprises devront prouver que les avantages que les consommateurs tirent d’un accord — par exemple, l’atténuation du changement climatique — l'emportent sur le préjudice causé par l'accord — comme un prix plus élevé.

La CMA est une figure de proue en la matière parmi les autorités de la concurrence au niveau mondial. 

La Commission européenne a également assoupli ses orientations en matière d’antitrust pour les accords avec un objectif de durabilité. Toutefois, celle-ci s’est voulue moins claire et ambitieuse que le Royaume-Uni sur la nature des accords qu’elle autorisera.


Notre lecture de la semaine

  • Dans un rapport pour le Peterson Institute, Chad P. Bown et Kimberly A. Clausing mettent en avant la nécessité pour la Chine, les États-unis et l’Union Européenne de s’entendre sur une évolution des règles régissant le commerce international afin de les adaptater aux mesures résultants des politiques climatiques.


Cette édition a été préparée par Clément Albaret, Marwan Ben Moussa, Maxence de La Rochère et Augustin Bourleaud. À la semaine prochaine !