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Par Augustin Bourleaud
14 oct. · 5 mn à lire
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Budget : Paris sous surveillance

Mais aussi — Ukraine, Orbán, Union des marchés de capitaux, Immigration, Commerce


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Le Briefing 

Fin septembre, la France a obtenu un délai d’un mois pour soumettre un plan de réduction de son déficit public à la Commission européenne. La nomination tardive de Michel Barnier à Matignon a bousculé le calendrier budgétaire, alors que la Commission doit présenter en novembre ses recommandations dans le cadre du dialogue budgétaire avec les États membres.Michel Barnier, lors du discours de politique générale © GouvernementMichel Barnier, lors du discours de politique générale © GouvernementFRANCE • La France et six autres pays européens — Italie, Belgique, Hongrie, Pologne, Slovaquie, Malte — ont été placés sous procédure de déficit excessif par la Commission européenne cet été. 

Cette décision a été prise en raison du dépassement par ces États des critères budgétaires européens. Elle intervient après la réintroduction des règles budgétaires européennes, suspendues pendant près de quatre ans en raison de la pandémie de Covid-19 et de la crise énergétique.

Le gouvernement Barnier a annoncé des efforts massifs pour ramener le déficit à 5% du PIB en 2025, contre 6,2% aujourd'hui. Les prédictions ont été revues à la hausse : plus tôt cette année, le gouvernement tablait sur 4,1% de déficit en 2025 dans son programme de stabilité pour 2024-2027.

RÉFORME • À l’échelle européenne, des règles budgétaires révisées s’appliqueront à partir de 2025. La réforme adoptée en avril 2024 vise à donner plus de flexibilité aux États membres tout en maintenant une forte discipline budgétaire : si les seuils de déficit public (3 % du PIB) et de dette publique (60 % du PIB) — aussi appelés critères de Maastricht — restent inchangés, les nouvelles règles offrent davantage de marge de manœuvre aux gouvernements européens pour planifier leur redressement budgétaire sans casser la croissance.

Le mécanisme de surveillance budgétaire a été repensé pour mieux s’adapter aux réalités économiques des États membres. Les pays qui dépassent les critères de Maastricht doivent soumettre à la Commission un plan budgétaire à moyen terme, qui anticipe sur quatre ans la manière dont ils comptent réduire leur déficit et leur dette.

Le plan de moyen terme peut inclure des réformes structurelles et des investissements jugés essentiels — notamment dans la transition écologique et digitale — en échange de délais supplémentaires (jusqu’à trois ans supplémentaires, en plus des quatre du plan de moyen terme) pour converger vers les objectifs de dette et de déficit. 

La prise en compte de tels investissements permet d’éviter de casser l’investissement et la croissance future dans des domaines prioritaires. De plus, les dépenses cofinancées par l’UE dans le cadre de la transition verte et digitale, sont exclues du calcul du déficit.

La réforme fera également coïncider le processus de soumission des plans de réduction du déficit avec la présentation du paquet d’automne du Semestre européen en novembre — le Semestre européen est un exercice annuel pendant lequel les États alignent leurs politiques budgétaires et économiques sur les objectifs et les règles convenus au niveau de l’UE. 

Ce changement de calendrier alignera davantage les deux processus, permettant un suivi plus régulier des engagements budgétaires, notamment avant la publication des recommandations spécifiques à chaque pays en mai.

Lors de la phase estivale (juin-juillet), le Conseil adopte les recommandations par pays, qui intégreront désormais directement les mesures de correction des déficits prévues dans la procédure de déficit excessif (si celle-ci s’applique).

SANCTION ALLÉGÉE • En cas de déviation de la trajectoire budgétaire approuvée, des sanctions sont prévues, mais elles ont été allégées. 

Les pays concernés s’exposent à des pénalités de 0,05 % du PIB tous les six mois — soit 1,4 milliards d'euros dans le cas de la France. Les amendes sont moins lourdes que celles prévues par le système précédent, au sein duquel les sanctions prévues n’ont jamais été appliquées. Cela vise à garantir que les pays puissent corriger leurs finances sans être soumis à une pression excessive.

Toutefois, il est exigé des États en procédure de déficit excessif qu’ils réduisent leur déficit structurel d’au moins 0,5 % du PIB par an, tout en prenant en compte les charges liées à leur dette. Cette exigence assure un équilibre entre flexibilité et rigueur budgétaire.

WHAT NEXT • Les efforts d’harmonisation du calendrier doivent améliorer l’engagement des États dans leurs efforts budgétaires. La France ne devrait cependant pas revenir sous les 3% avant 2029 — soit après 11 ans de dépassement. 


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Inter Alia

UKRAINE Le 9 octobre, le Conseil de l’UE a donné son feu vert à un prêt de 35 milliards d’euros à l’Ukraine. Le Parlement européen doit encore voter sur le texte le 22 octobre. Kiev aurait la liberté d’utiliser comme il l’entend ces fonds destinés à soutenir l’effort de guerre et stabiliser l’économie.

Ce prêt s'inscrit dans le cadre du plan “Extraordinary Revenue Acceleration” (ERA), une initiative lancée par le G7 en juin. L’ERA vise à lever 50 milliards de dollars (45 milliards d’euros) en utilisant les intérêts générés par les actifs russes gelés en Europe pour rembourser le prêt : “Nous faisons payer à la Russie les dommages qu’elle a causé”, a déclaré Ursula von der Leyen au Parlement européen. Toutefois, en cas de dégel des actifs russes, les pays occidentaux devront continuer de s’acquitter des remboursements. 

CLASH • La session plénière du Parlement sur les objectifs de la présidence hongroise du Conseil de l’UE aura été l’occasion d’un clash d’une rare violence entre Ursula von der Leyen et Viktor Orbán. Le verbatim du débat est disponible ici, et les extraits vidéo les plus marquants ici.

Devant le Parlement, Ursula von der Leyen a accusé Orban de courtiser la Russie et la Chine. Orbán s’est fait remarquer dès le début de la présidence hongroise du Conseil de l’UE avec un voyage à Moscou présenté comme une “mission de paix” — sans aucune consultation avec le reste des États membres. Il a également adouci le régime des visas envers la Russie et a autorisé la police chinoise à patrouiller en Hongrie. 

En réponse, Orbán s’est insurgé contre une “tentative de crucifixion” et une “intifada politique (...) hongrophobe”. Il accuse la Commission, censée être gardienne des traités, d’être devenue une “arme politique”. Quant aux accusations en matière de corruption en Hongrie, Orbán préfère renvoyer le Parlement européen à ses propres scandales.

Le ton ferme adopté à l’égard de la Hongrie par la Commission est sans doute une manière pour Ursula von der Leyen de rassurer ses partenaires de coalition, à l’approche des auditions parlementaires des commissaires désignés du 4 au 12 novembre. 

KAPITAL • Le ministre espagnol de l’économie Carlos Cuerpo a proposé la création d’un “laboratoire de compétitivité” qui permettrait à un groupe de trois États membres ou plus d’adopter des initiatives communes visant à avancer vers la finalisation de l’union des marchés des capitaux. 

Comme première initiative, l’Espagne entend proposer à la Commission européenne la création d'un système paneuropéen de notation de crédit pour les petites et moyennes entreprises, afin d’améliorer leur accès “à un financement plus facile et plus stable”. 

Le chemin vers l’union des marchés de capitaux est semé d'embûches. La dernière proposition en date avait été poussée en février 2024 à Gand par la France et soutenue par l’Italie, l’Espagne, les Pays-Bas et la Pologne. Elle avait déclenché l’opposition des “petits” pays, qui s’opposaient à une centralisation plus poussée de la supervision des marchés de capitaux par l’autorité des marchés financiers européens. 

MIGRATION • Les ministres de l’intérieur de l’Union européenne se sont réunis le 10 octobre. En raison d’un afflux d’immigrés illégaux, l’Allemagne a mis en place des contrôles aux frontières en septembre. L’Allemagne n’est pas la seule — sept autres États membres de l’espace Schengen ont mis en place des contrôles aux frontières cette année : l’Autriche, le Danemark, la France, l’Italie, la Norvège, la Slovénie et la Suède. 

Les dirigeants européens veulent des réponses rapides aux problèmes rencontrés, mais le Pacte européen sur la migration et l’asile, adopté en mai 2024, n’entrera en vigueur qu’en 2026. Le pacte — un paquet de 10 textes — prévoit entre autres le renforcement des contrôles aux frontières et la répartition des efforts au niveau européen en matière d’asile. 

Parmi les solutions discutées lors de cette réunion : le traitement des demandes d’asile hors du territoire européen (comme l’Italie avec l'Albanie) ou encore l’expulsion des personnes déboutées ou entrées illégalement dans l’UE dans des centres d’accueil de pays tiers (“return hubs”) en attendant leur retour dans leur pays d’origine.

DUMPING • Le 8 octobre, le ministère du commerce chinois a annoncé l’imposition de tarifs douaniers sur le brandy (le cognac représente 95% des ventes de brandy) à compter du 11 octobre. Les importateurs de cognac devront verser un dépôt de garantie aux douanes chinoises. La Chine représente un quart du marché mondial du cognac.

Cette décision fait suite à l’adoption de tarifs douaniers sur les véhicules électriques chinois le 4 octobre par le Conseil de l’UE — une mesure que la France a soutenue. L’UE a décidé de porter ce dossier devant l’OMC, dénonçant l'usage abusif des instruments de défense commerciale.

Trois jours plus tard, le 11 octobre, l’UE a lancé une enquête anti-dumping sur les panneaux en bois importés de Chine. Les producteurs européens se plaignent de l’afflux de panneaux chinois à bas coût. L’enquête se terminera en novembre 2025, avec l’adoption potentielle de droits de douane.

L’UE a interdit les importations de bois en provenance de Russie en avril 2022. La Chine a rapidement comblé ce vide, et représente aujourd’hui plus de 30 % du marché européen et 50% des importations. La Turquie, le Maroc, la Corée du Sud et les États-Unis ont déjà imposé des tarifs douaniers sur les panneaux de bois chinois.


Nos lectures de la semaine

  • Dans Politico, Clea Caulcutt et Giorgio Leali rendent compte des désaccords qui opposent les gouvernements allemand et français au niveau européen.

  • Pour le Peterson Institute, Olivier Blanchard et Ángel Ubide partagent leur lecture critique du rapport Draghi.


Cette édition a été préparée par Noé Piloquet, Léopold Ringuenet, Antoine Langrée, Luna Ricci, Elisa Zevio, Antoine Ognibene, Maxence de La Rochère et Augustin Bourleaud. À la semaine prochaine !