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Par Augustin Bourleaud
29 août · 6 mn à lire
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Cordon sanitaire européen

Cordon sanitaire au sein des commissions du Parlement européen • Mais aussi — Médailles européennes, Déficit excessif, Commissaires, Ukraine, Brexit, Infractions, Etat de droit


Bonjour. Nous sommes le 29 juillet et voici votre condensé utile d’actualité européenne. Suivez-nous également sur Twitter et LinkedIn

Cette édition est la dernière de la saison — rendez-vous en septembre. En 12 mois, What’s up EU a été lue plus de 200 000 fois. Merci à nos fidèles lecteurs !

On espère que vos vacances seront plus festives que celles des diplomates européens. Le Service européen d’action extérieure a dépassé son budget de 43 millions d’euros. Il a été demandé au bras diplomatique de l’UE de réduire la voilure sur les petits fours et les voyages d’affaires ! 


Le Briefing

Mardi dernier, les différentes commissions du Parlement européen ont élu leurs présidents et vice-présidents. Les groupes politiques se sont répartis la direction de ces “mini-parlements” à l’influence considérable, tout en faisant barrage au groupe des Patriotes pour l’Europe qui n’a obtenu aucun de ces postes convoités.

Les Patriotes pour l’Europe sont la troisième force politique au Parlement européen, mais ils n’ont obtenu aucun des postes clés © Parlement européenLes Patriotes pour l’Europe sont la troisième force politique au Parlement européen, mais ils n’ont obtenu aucun des postes clés © Parlement européen

QUESAKO • Au Parlement européen, la quasi-totalité du travail législatif se fait au sein de 20 commissions parlementaires thématiques, qui comportent chacune entre 25 et 90 membres.

Celles-ci sont chargées d’amender les propositions législatives faites par la Commission européenne (règlements, directives) avant qu’elles ne soient votées en plénière.

La composition des commissions tient compte des équilibres nationaux et politiques. En ce sens, les commissions sont de vrais “mini-parlements” thématiques. Le vote sur un texte en commission donne donc un bon aperçu de la manière dont le vote se déroulera en plénière.

INFLUENCE • Le niveau d’influence des commissions est très inégal. Il dépend de : 

  • La politique en question : s’agit-t-il d’une compétence exclusive ou partagée de l’UE ?

  • Les compétences du parlement comparativement aux autres institutions : par exemple, le Parlement dispose de compétences limitées en matière de politique étrangère comparé au Conseil.

  • Le timing : la commission du budget (BUDG) va probablement gagner en importance car la Commission doit proposer son prochain budget pour la période 2028-2034 en 2025 — même si le Parlement n’a pas de pouvoir d’amendement en la matière (seule son approbation est requise pour l’adoption de ce budget).

Parmi les commissions au sein desquelles les postes de présidents et vice-présidents sont généralement les plus convoités, on compte :

  • ITRE : Industrie, recherche et énergie.

  • ENVI : Environnement, santé publique et sécurité alimentaire.

  • IMCO : Marché intérieur et protection des consommateurs.

  • LIBE : Libertés civiles, justice et affaires intérieures.

  • AGRI : Agriculture et développement rural.

La composition de chaque commission a déjà été établie lors de la plénière constitutive (pendant laquelle Ursula von der Leyen a d’ailleurs été réélue à la tête de la commission européenne). 

Mardi dernier, chaque commission a donc élu son président et ses 3 ou 4 vice-présidents. Les groupes politiques s’étaient en réalité déjà arrangés entre eux pour se répartir les différents postes. Les présidents et vice-présidents sont élus pour la première moitié du mandat (2,5 ans), mais sont en pratique réélus pour la deuxième moitié.

Le président de commission dispose d’un rôle stratégique. En plus de présider les réunions de la commission dans laquelle il siège, il représente la commission lors des réunions mensuelles de la Conférence des présidents de commission, et s'adresse parfois au nom de la commission lors des sessions plénières. Il négocie également avec les autres présidents de commissions pour répartir les dossiers. 

Enfin, lors des négociations avec le Conseil et la Commission européenne — les fameux trilogues — le président fait également partie de l’équipe de négociation du Parlement avec les rapporteurs (on vous parle d’eux plus bas). Plus sur les vice-présidents ici.

QUI A EU QUOI • En tant que première force politique au Parlement européen, le Parti populaire européen (PPE, centre-droit) conserve la direction d’ITRE et de la commission sur les affaires étrangères (AFET). Il obtient la présidence de LIBE.

Parmi les Français, l’ancien militaire Christophe Gomart a été élu 1er vice-président de la commission sécurité et défense (SEDE).

Les sociaux-démocrates (S&D, centre-gauche), deuxième force politique au Parlement européen, conservent la présidence de la commission sur le commerce international (INTA) et celle sur les affaires économiques et monétaires (ECON). C’est d’ailleurs la Française Aurore Lalucq qui obtient le rôle de présidente d’ECON.

Le groupe S&D obtient également la présidence d’ENVI, auparavant entre les mains des libéraux (Renew Europe) — le Français Pascal Canfin était alors président de la commission.

Renew Europe perd la présidence de l’influente commission ENVI, reflet de son score décevant aux européennes. Le groupe se console avec la commission sur le développement (DEVE) et conserve la présidence de la sous-commission sécurité et défense (SEDE) et la commission des affaires juridiques (JURI).

Les Verts conservent l’influente IMCO et obtiennent la présidence de la sous-commission des droits de l’homme (DROI). C’est le Français Mounir Satouri qui présidera cette sous-commission.

Rima Hassan (LFI, groupe de La Gauche) était pressentie pour obtenir la 3e vice-présidence de DROI. Cependant, François-Xavier Bellamy (LR, PPE) a appelé les députés à faire barrage et le vote a finalement été repoussé. S’en est suivi un échange de tweets musclé qui a conduit les deux à porter plainte l’un contre l’autre.

La groupe de La Gauche (à gauche de S&D — les eurodéputés de LFI y siègent) obtient notamment la présidence de la commission de l’emploi et des affaires sociales (EMPL).

La Française Manon Aubry sera 1ere vice-présidente de la commission sur le commerce international (INTA). Elle est fermement opposée à tout nouvel accord de libre-échange — pour autant, son groupe ne fait pas partie de la coalition centriste qui dispose de la majorité au Parlement européen, ce qui réduit considérablement la probabilité que ses vues se matérialisent.

Enfin, les Conservateurs et réformistes (ECR, à droite du PPE) obtiennent notamment la présidence d’AGRI et de BUDG.

PATRIOTES • Les deux groupes les plus à droite de l’échiquier politique, les Patriotes pour l’Europe (3e force politique du Parlement européen avec 84 députés, dont le RN et Fidesz) et l’Europe des Nations Souveraines (plus petit groupe du Parlement européen avec 25 députés, dont l’AfD), n’obtiennent aucun rôle de président ou vice-président.

En suivant une répartition proportionnelle, les Patriotes auraient obtenu la présidence de deux commissions, mais le reste des groupes politiques s’est entendu pour appliquer un cordon sanitaire déjà effectif lors des derniers mandats. 

Notons ici que le cordon sanitaire ne s’est pas appliqué au groupe ECR — pour autant, seuls ses membres les plus modérés ont eu accès aux postes au sein du bureau des commissions.

Du côté des Patriotes, on dénonce une situation qui “empêche de travailler pour nos électeurs”. L’eurodéputée hongroise Kinga Gál a d’ailleurs déclaré que les Patriotes contesteront la décision auprès de la Conférence des présidents de groupe, et que le groupe utilisera tous les recours juridiques disponibles, y compris en allant devant la Cour de justice de l’UE (CJUE).

Elle fait référence aux règles de procédure du Parlement, qui indiquent que “la diversité du Parlement doit se refléter dans la composition du bureau de chaque commission” (Règle 219). 

AUTRES RÔLES • Les eurodéputés peuvent également influencer le travail de leur commission en étant désignés rapporteur sur un texte. Le rapporteur est chargé de diriger les travaux de la commission sur le texte en question et de rédiger un rapport présenté en plénière. Il est également présent lors des trilogues.

Les Patriotes ont plus de chance d’obtenir certains de ces rôles, même s’ils reviennent très majoritairement aux autres groupes.

Désignés par chaque groupe, les coordinateurs ont aussi leur importance : ils organisent le travail de leur groupe au sein de la commission en question et négocient l’attribution des dossiers entre les différents groupes. 

AU TRAVAIL • Le Parlement est maintenant en ordre de marche. L’activité des différentes commissions devrait reprendre dès la fin du mois août. Elles auront déjà du travail : certains textes issus de la précédente législature sont encore en chantier.


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Inter Alia 

MÉDAILLES • Découvrez le compteur des médailles européennes aux Jeux Olympiques, dévoilé par la ministre des sports française Amélie Oudéa-Castéra et par Margarítis Schinás, vice-président de la Commission européenne chargé des questions migratoires et commissaire chargé de la promotion du mode de vie européen.

Additionner les médailles européennes, est-ce une bonne idée ? Le point de vue de Sébastien Maillard, qui a dirigé l’Institut Jacques Delors entre 2017 et 2023 : 

“Je suis partagé sur l'idée de réunir les médailles sous une seule bannière européenne. Cela alimenterait la crainte que l'Europe n'efface les nations alors qu'elle valorise au contraire leurs atouts et leur diversité. Et le sport n'est pas une compétence européenne proprement dite. Mais rien n'empêche bien sûr d'additionner les médailles remportées au total par chacun des 27 pour montrer qu'elles font collectivement notre fierté et notre rang dans le monde du sport.”

DÉFICIT EXCESSIF • Le jour de la cérémonie d’ouverture des jeux olympiques, le Conseil de l’UE a officiellement ouvert la procédure pour déficit excessif contre la France. Le Conseil de l’UE a suivi la recommandation formulée par la Commission. 

Le déficit budgétaire en France s’établit à 5,5% du PIB. Six autres États membres sont concernés : la Belgique (4,4%), l’Italie (7,4%), la Hongrie (6,7%), Malte (4,9%), la Pologne (5,1%) et la Slovaquie (4,9%). 

Le Conseil doit adopter d’ici la fin de l’année — sur proposition de la Commission — un paquet de recommandations pour les pays concernés. Avant cela, tous les pays de l’UE doivent envoyer leur projet de budget à moyen terme (4-7 ans) cet automne. 

On vous donne rendez-vous à la rentrée pour suivre le PLF. 

COMMISSAIRES • La présidente élue de la Commission européenne a envoyé une lettre aux capitales européennes leur demandant de présenter leurs candidats pour rejoindre le collège des commissaires. 

Il est demandé aux Etats membres de proposer deux candidat (une femme et un homme), sauf dans les cas où le gouvernement propose la reconduction d’une commissaire. La présidente de la Commission fera passer des entretiens aux candidats jusqu’à la fin août et décidera, en négociations avec les Etats membres, de l’attribution des différents portfolios.

Le marathon n’est pas encore fini : les commissaires désignés seront individuellement auditionnés par le Parlement européen qui votera une nouvelle fois — le vote du 18 juillet n’était que pour la désignation de la présidence de la Commission. La nouvelle Commission européenne est censée entrer en fonction le 1er novembre 2024.  

UKRAINE • L’UE a déboursé 1,5 milliards d'euros pour soutenir l’Ukraine le 26 juillet. Il s’agit de la première tranche du produit des avoirs de la Banque centrale russe immobilisés à la suite de l’invasion par la Russie de l’Ukraine.  

Les fonds transitent via la Facilité européenne pour la paix (FEP) et la Facilité pour l'Ukraine. Ils seront surtout utilisés pour acheter du matériel militaire. 

BREXIT • Keir Starmer et Ursula von der Leyen veulent organiser une rencontre entre l’UE et le Royaume-Uni fin août ou début septembre selon le FT. Starmer souhaite un “reset” des relations avec l’UE.

Le Royaume-Uni entend réduire les frictions commerciales issues du Brexit. De son côté, l’UE espère notamment obtenir plus de souplesse sur l’immigration, en particulier pour les étudiants et des jeunes travailleurs. 

L’Allemagne vient de conclure un accord avec le Royaume-Uni sur les questions de défense. Côté allemand, on souhaite utiliser cet accord comme base à un futur pacte de défense et de sécurité entre l’UE et le Royaume-Uni.

INFRACTIONS • La Commission a adopté un paquet de mesures d’infraction à l’encontre des pays qui ne se conforment pas aux obligations qui leur incombent en vertu de la législation de l'UE — par exemple, ceux qui tardent à transposer les directives européennes. 

ÉTAT DE DROIT • La Commission européenne a publié son rapport annuel sur l'état de droit. Ce rapport passe en revue les évolutions dans tous les États membres et certains pays candidats à l'adhésion. 

La Commission pointe du doigt la Hongrie pour l’absence de progrès sur les recommandations clés — notamment concernant la corruption de haut niveau et l'indépendance des médias.

La Slovaquie est réprimandée pour des réformes législatives perçues comme menaçant l'indépendance des médias publics et les activités des ONG. 

L'Italie est appelée à mieux protéger ses journalistes dans un contexte de pressions politiques croissantes et de craintes de censure, exacerbées par les actions en justice de la Première ministre Giorgia Meloni contre des journalistes.


Lectures de la semaine

  • Dans un entretien avec Hortense Miginiac et Lola Carbonell de l’Institut Montaigne, Maxence Cordiez et Pierre Jérémie analysent les enjeux des politiques de l’énergie française et européenne.

  • Antonia Zimmermann de Politico rend compte des critiques auxquelles la Commission fait face suite à l'accord conclu avec le Rwanda pour garantir l'accès de l’Europe à des matières premières stratégiques.


Cette édition a été préparée par l’équipe de What’s up EU.