Bonjour. Nous sommes le 8 juillet et voici votre condensé utile d’actualité européenne. Suivez-nous également sur Twitter et LinkedIn.
Le Briefing
Semaine chargée pour le Vieux Continent. À Paris, les résultats des élections législatives anticipées défient tous les sondages, portant la gauche en première place. À Bruxelles, un nouveau groupe pourrait devenir la troisième force politique au Parlement européen. À Londres, le parti travailliste prend le pouvoir et entend tisser de meilleures relations avec l’UE.
Cette semaine, on embarque avec vous dans l’Eurostar : direction Paris, Bruxelles et Londres © Adobe Stock
SURPRISE • Grosse surprise en France à l’annonce du résultat des législatives anticipées du 7 juillet. Sans qu’aucune alliance électorale ne puisse se targuer d’avoir la majorité absolue, c’est le Nouveau Front Populaire (NFP) qui arrive sur la première marche du podium, suivi par la majorité présidentielle et le Rassemblement national (RN).
Le NFP entend mettre en œuvre un programme qui comprend l’abrogation de la réforme des retraites, une augmentation de 13% du salaire minimum, un blocage des prix de l’énergie et une forte augmentation de la fiscalité.
L’émiettement politique du Palais Bourbon – aucune formation ne dispose de plus d’un tiers des sièges – fait peser une lourde incertitude sur la manière dont les résultats vont se traduire dans les faits.
VU DE BRUXELLES • Les négociations parlementaires françaises seront suivies de près à Bruxelles, où se négocient en ce moment des questions majeures pour l’UE.
Après l’accord passé fin juin entre les 27 sur le quatuor à la tête des institutions européennes, il reste 26 commissaires à nommer et des orientations politiques à définir pour la prochaine mandature européenne. L’agenda de l’été à Paris comme Bruxelles laisse donc peu de temps pour aller siroter du Lambrusco à Positano.
Dans l’immédiat, les institutions européennes devront travailler avec une France divisée dont le Président a perdu en légitimité au Conseil européen. L’expédition des affaires courantes ne permet pas de s’engager sur de grands chantiers au niveau européen.
PLF • Difficile également de dire quels ministres (et sur quel programme) porteront la voix de la France autour du Conseil de l’UE. Dans les échéances importantes, notons la procédure pour déficit excessif qui doit être ouverte à l’encontre de la France en juillet.
Indépendamment de la procédure pour déficit excessif, le gouvernement français doit d’ici le 20 septembre présenter à la Commission européenne son projet de plan budgétaire, lequel doit prendre en compte les recommandations déjà adressées à la France dans le cadre du semestre européen en mai. Le premier projet de loi de finances (PLF) de cette mandature promet d’être explosif.
En 2018, la Commission européenne a rejeté le projet de budget italien pour 2019. Le gouvernement de Giuseppe Conte – issu de la coalition entre la Ligue de Matteo Salvini et le mouvement cinq étoiles de Luigi di Maio – s’était vu contraint de réviser en trois semaines un budget plombé par les couteuses promesses électorales faites pendant la campagne.
PATRIOTES • Au Parlement européen, des réorganisations politiques majeures sont également en cours. Le groupe Identité et Démocratie (ID, auquel appartient le RN) pourrait bel et bien s’effondrer au profit d’une nouvelle alliance annoncée il y a une semaine par Viktor Orbán : les Patriotes de l’Europe.
Il y a une semaine, l’alliance comprenait le parti hongrois Fidesz, le Parti de la liberté (FPÖ) autrichien et le mouvement tchèque Action des citoyens mécontents (ANO). Depuis, 5 mouvements l’ont rejoint, notamment le Parti de la liberté (PVV) du néerlandais Geert Wilders, le parti portugais Chega, et le parti espagnol Vox — qui a quitté les Conservateurs et réformistes (ECR) de Giorgia Meloni. La Ligue de Matteo Salvini serait également prête à rejoindre la nouvelle alliance.
Le RN devrait annoncer officiellement son ralliement au groupe dans la journée. “Au Parlement européen, les eurodéputés RN joueront, dès demain, pleinement leur rôle au sein d’un grand groupe”, a déclaré Jordan Bardella après l’annonce des résultats du second tour hier soir.
Sur le papier, le groupe des Patriotes européens serait très similaire au groupe ID — avec un nouveau nom, et Orbán en plus. À voir s’il apporte véritablement quelque chose de nouveau.
Le groupe deviendrait la troisième force politique au Parlement européen, devant les libéraux dirigés par Valérie Hayer (Renew Europe) et l’ECR. Un coup de massue pour les deux groupes :
La majorité européenne entre les sociaux-démocrates (S&D, centre-gauche), le Parti populaire européen (PPE, centre-droit) et les libéraux, resterait certes numériquement intacte, mais sa légitimité serait de plus en plus remise en cause.
L’ECR, jusqu’ici pressenti pour devenir un groupe incontournable dans l’échiquier politique européen pour le mandat à venir, enchaine désillusion sur désillusion. Giorgia Meloni a été exclue d’un bon nombre de négociations sur les “top jobs” au sein des institutions européennes, et pourrait maintenant voir un groupe rival lui passer devant.
LABOUR • On traverse la Manche : au Royaume-Uni, la victoire du parti travailliste aux élections législatives pourrait contribuer à dégeler les relations entre Bruxelles et Londres.
“Avec le parti travailliste, le Royaume-Uni restera hors de l’UE”, peut-on lire dans le manifeste du Labour pour les élections.
La ligne de Keir Starmer sur le Brexit est claire : le Royaume-Uni ne rejoindra pas le marché commun ou l’union douanière, et ne cherchera pas à rejoindre l’UE à nouveau.
En septembre 2023, Starmer disait vouloir renégocier l’accord de libre-échange post-Brexit entre l’UE et le Royaume Uni (le Trade and Cooperation Agreement, TCA). Mais il s’est rétracté tant la réaction européenne à ses déclarations a été négative — côté européen, seule une révision limitée est envisagée : on ne souhaite pas rouvrir des négociations qui avaient été particulièrement complexes.
Niveau commerce, le parti travailliste entend donc se concentrer sur des additions techniques au TCA : des accords sur les normes vétérinaires, les qualifications professionnelles, et la mobilité. Les priorités sont claires.
OUI MAIS • À Bruxelles, la volonté d’engager des négociations sur ces sujets n’est pas aussi marquée, ce qui pourrait porter un coup aux ambitions du Labour :
Relations asymétriques : D’abord, c’est une question de priorités pour l’UE. En 2023, le Royaume-Uni ne représentait que 10,1% des échanges de biens de l’UE. À l’inverse, le bloc représentait plus de la moitié du commerce outre-manche (atteignant le niveau le plus élevé depuis 2008 !). Paradoxalement, le Brexit a rendu le Royaume-Uni plus dépendant de l’UE en matière de commerce : cela est surtout dû à une baisse des échanges commerciaux du Royaume-Uni avec le reste du monde (le pays a notamment souffert d’une désintégration des chaînes d’approvisionnement de l’UE).
Manque de confiance : “L’UE considère toujours le Royaume-Uni comme un partenaire peu fiable”, explique Joël Reland du think tank UK in a Changing Europe (UKICE). “Au cours des négociations sur le Brexit, les responsables politiques britanniques ont acquis la réputation de mal maîtriser les détails et de ne pas être disposés à accepter des compromis”.
SÉCURITÉ • La sécurité est un domaine qui pourrait prêter à un rapprochement plus simple.
Le nouveau ministre des affaires étrangères britannique, David Lammy, a déclaré au Guardian envisager une déclaration commune sur les questions de sécurité, à la fois au sens strict du terme (défense) mais aussi sur l’énergie et le climat.
La prochaine réunion de la Communauté politique européenne — une instance informelle visant à renforcer la cohésion, la coopération et le dialogue entre l’ensemble des pays du continent européen — se déroulera d’ailleurs au Royaume-Uni, le 18 juillet.
Collaboration commerciale avec Interbev
Quelles sont les pratiques adoptées par les éleveurs pour mieux respecter l’environnement ? Cette semaine, avec le site Agriculture-circulaire, nous vous emmenons au coeur du Tarn pour découvrir l’action de Damien Blanc, éleveur de Blondes d’Aquitaine. Damien Blanc revient sur son élevage extensif et les pratiques qu’il met en place afin de limiter l’impact environnemental de son activité et de régéner les écosystèmes — “Nous devons expliquer que l’élevage extensif comme le nôtre a un impact bien moindre sur l’environnement que l’élevage intensif pratiqué dans d’autres pays, comme les Etats-Unis”, explique-t-il.
Pour découvrir les perspectives de Damien Blanc sur le rôle de l’élevage dans la préservation des écosystèmes, rendez-vous sur ce lien.
Inter Alia
M5S • Si vous l’avez manqué : le Mouvement 5 étoiles (M5S) italien de Giuseppe Conte a rejoint le groupe de La Gauche (entre autres : LFI, Podemos, Die Linke) au Parlement européen. Le parti aura un statut d’observateur pendant 6 mois, afin de “confirmer la convergence politique” — le M5S est connu pour sa ligne politique mouvante. Le parti était non affilié depuis plusieurs années.
ORBAN • Le premier ministre hongrois, Viktor Orbán, s’est rendu à Kiev pour une visite surprise (2 juillet) puis à Moscou (5 juillet) pour rencontrer Vladimir Poutine. La Hongrie a pris la présidence tournante du Conseil de l’UE le 1er juillet.
Lors de sa visite à Kiev, Viktor Orbán a mis en avant l’enjeu des droits des minorités hongroises en Ukraine, ainsi que la proposition d’un cessez-le-feu pour accélérer les négociations de paix.
Le voyage à Moscou — que la Hongrie a gardé secret jusqu’au dernier moment — a causé un profond malaise au niveau européen. Le Président Orbán est le plus proche allié de la Russie en Europe. La Hongrie a entravé à de nombreuses reprises le soutien européen à l’Ukraine.
“La présidence tournante de l’UE n’a pas pour mandat de dialoguer avec la Russie au nom de l’UE”, a déclaré le président du Conseil européen Charles Michel. Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a aussi affirmé que, par sa visite à Moscou, “le Premier ministre hongrois ne représente en aucune manière l’UE”.
INFLATION • La Banque centrale européenne organisait son forum annuel à Sintra au Portugal du 1er au 3 juillet.
L'inflation annuelle au sein de la zone euro est descendue à 2,5% en juin 2024 (2,6% en mai 2024). Christine Lagarde anticipe un retour à 2% d’inflation au second semestre 2025, un “dénouement remarquable” après les pics d’inflation des dernières années.
Christine Lagarde et Philip Lane, chef économiste de la BCE, mettent en garde : il ne faut pas crier victoire trop tôt. L’inflation dans les services demeure élevée, à 4,1% en juin. Cela rend une nouvelle baisse des taux en juillet improbable. Contrairement à la Fed, la BCE a décidé de réduire ses taux d’intérêt début juin (à 3,75%).
META • La Commission s’attaque au modèle “pay or consent” développé par Meta en 2023. Elle a adressé des constatations préliminaires à Meta, une première étape qui devrait mener à l’ouverture d’une enquête formelle.
Le modèle "pay-or-consent" est la réponse proposée par Meta pour se conformer au DMA, qui exige le consentement des utilisateurs pour combiner les données personnelles exploitées par les contrôleurs d’accès tels que Meta.
Le “pay or consent” laisse aux utilisateurs des services Facebook et Instagram un choix binaire : un abonnement mensuel payant sans publicité ou l'accès gratuit à ces réseaux sociaux avec des publicités ciblées.
Selon la Commission, l’option proposée par Meta ne respecterait pas le DMA car il ne permet pas aux utilisateurs d’exercer librement leur consentement et leur offre un service dégradé s’ils refusent de partager leurs données personnelles.
ITA • La Commission a autorisé sous condition l’achat par Lufthansa et le ministère de l'économie italien d’une participation dans la compagnie aérienne ITA.
Lufthansa entre au capital de ITA Airways à hauteur de 41% pour un investissement de 325 millions d’euros. Les parts restantes pourront être acquises ultérieurement par Lufthansa auprès du gouvernement italien.
Le gouvernement italien cherchait un acheteur pour ITA Airways, devenue la compagnie nationale italienne après la faillite d’Alitalia en 2021. Le dossier était devenu un enjeu politique entre le gouvernement italien et la Commission européenne.
VÉHICULES ÉLECTRIQUES • C’était prévu. La Commission a institué des droits de douane compensatoires visant les véhicules électriques chinois. Ces droits de douane sont l’aboutissement d’une enquête de neuf mois sur les subventions accordées par la Chine aux constructeurs automobiles.
Les droits de douane s’échelonnent de 17,4% pour BYD à 37,6% pour SAIC. Pour les constructeurs automobiles n’ayant pas coopéré à l’enquête, le taux s’élève à 37,6%. Ces droits s’ajoutent aux 10% en vigueur pour les importations de véhicules électriques en Europe.
L’annonce de cette décision divise les européens. L’Allemagne, la Suède ou la Hongrie y étaient opposées par peur de mesures de rétorsion commerciales mais aussi car les droits de douane frappent les véhicules produits par des entreprises telles que BMW dans le cadre de joint ventures avec un partenaire chinois.
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Nos lectures de la semaine
Aslak Berg, Ian Bond, Zach Meyers et Luigi Scazzieri du CER explorent les scénarii possibles qui marqueraient un renouveau des relations RU-UE. Dans une autre note, Aslak Berg s'interroge sur l'opportunité pour le Royaume-Uni de poursuivre un alignement dynamique avec l'UE.
Andrea Dugo et Fredrik Erixon, de l'ECIPE, proposent une feuille de route économique pour l’Europe articulée autour de trois axes : stimuler l'innovation, transformer les marchés de capitaux et réformer le cadre réglementaire.
Cette édition a été préparée par l’équipe de What’s up EU, notamment Mark Soler, Maxence de La Rochère, Lidia Bilali et Marwan Ben Moussa. À la semaine prochaine !