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Par Augustin Bourleaud
24 oct. · 5 mn à lire
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Marché de l’électricité : victoire pour la France

Mais aussi — IA et élections européennes, Sommet UE-US, PSC, Reporting, Israël-Hamas

Bonjour. Nous sommes le mardi 24 octobre 2023 et voici votre condensé utile d’actualité européenne. Suivez-nous également sur Twitter et LinkedIn


En partenariat avec l’Institut Goethe de Paris et EURALIA, société de conseil en affaires publiques franco-européennes, nous somme très heureux de vous inviter à un petit déjeuner consacré aux élections européennes dans le cadre du cycle de petit-déjeuners “l’Europe à Paris” dont nous sommes partenaires. 

Nous vous donnons rendez-vous demain mercredi 25 octobre à 8h30 au 17 avenue d’Iéna, 75116, Paris (Institut Goethe). Pour s’inscrire, c’est ici (inscription obligatoire).


Le Briefing

Le 17 octobre, les ministres de l’énergie de l’UE ont enfin trouvé un accord sur une proposition de réforme du marché de l’électricité. Ces derniers mois, les Vingt-Sept avaient échoué à s’accorder sur les détails de cette réforme qui cristallise les tensions autour du nucléaire entre la France et l’Allemagne.

Agnès Pannier-Runacher, ministre française de la transition énergétique, au Conseil énergie du 17 octobre © Conseil de l'UEAgnès Pannier-Runacher, ministre française de la transition énergétique, au Conseil énergie du 17 octobre © Conseil de l'UE

CONTEXTE • Depuis juillet 2021, la Commission européenne se mobilise face à la hausse des prix de l’énergie, qui a atteint son paroxysme en 2022 suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie. La réforme du marché de l’électricité est la réponse de long-terme de l’UE face à ces défis.

Le 14 mars, la Commission a proposé deux règlements afin de mener à bien cette réforme, avec pour objectif principal la baisse des prix. L’accord trouvé la semaine dernière porte sur l’un de ces deux règlements. Le premier règlement, plus consensuel, a déjà fait l’objet d’un accord en juin dernier. 

CONTENU • Les ministres de l’énergie souhaitent conserver le fonctionnement actuel du marché. Le système du “merit order”, c’est-à-dire l’indexation du prix de l’électricité sur celui des combustibles fossiles, n’est pas remis en cause par l’accord trouvé la semaine dernière. 

Ce système fonctionne de la manière suivante : afin d’assurer l’approvisionnement en électricité de l’UE, les centrales électriques dont les coûts de production sont les plus faibles (les renouvelables) sont mobilisées en priorité. Un processus d’empilement s’ensuit : lorsque ces centrales ne suffisent pas à répondre à la demande, d’autres sources d’électricité sont mobilisées, en partant des moins coûteuses (centrales nucléaires) jusqu’aux plus coûteuses (centrales fossiles) si nécessaire. 

Le prix de l’électricité est indexé sur le prix de la dernière source d’électricité utilisée pour répondre à la demande, le plus souvent celle des combustibles fossiles comme le gaz et le charbon.

Ce système était sous le feu des critiques après que l’envolée des prix du gaz a entraîné une forte hausse générale du prix de l’électricité en 2022. 

Si la proposition de réforme de la Commission ainsi que l’accord trouvé par le Conseil conservent ce principe de fonctionnement, les mesures envisagées visent à offrir de meilleures options de contrats d’électricité aux consommateurs, assurer des prix plus stables aux entreprises et favoriser la construction de centrales renouvelables et nucléaires pour que la mobilisation de centrales fossiles devienne plus rare. 

CFDs • Le texte a fait l’objet de longues et intenses discussions. Le premier point sur lequel les Etats membres ont eu des difficultés à s’entendre concerne l’utilisation des “contracts for difference” (CfDs), ou “contrats d’écart compensatoire” en Français.

Ces contrats sont conclus par les pouvoirs publics afin d’encourager les investissements dans les énergies propres. Ils fonctionnent grâce à un système de prix planchers et de prix plafonds : 

  • D’un côté, ces contrats relèvent le prix payé sur le marché de l'électricité si ce prix est inférieur à un certain niveau (l’Etat finance la différence). Cela garantit aux producteurs d’électricité un revenu stable, permettant d’amortir les investissements.

  • De l’autre, ces contrats imposent au producteur de rembourser ses profits excessifs lorsque le prix du marché est supérieur à un certain niveau (l’Etat récupère la différence, ensuite redistribuée aux consommateurs).

Le sujet sur lequel les Etats se sont déchirés est le suivant : pour quels types de centrales électriques ces contrats peuvent-ils être utilisés ?

La France souhaitait pouvoir utiliser ces contrats pour financer non seulement la construction de nouvelles centrales nucléaires, mais également l’extension de la durée de vie des centrales existantes — en plus des énergies renouvelables. De nombreuses centrales devront en effet être prolongées d’ici 2040. 

L’Allemagne — soutenue par l’Autriche et le Luxembourg — s’opposait fermement à ce que les contrats d’écart compensatoire puissent être utilisés pour financer des centrales existantes. Berlin craignait que Paris utilise ces contrats de manière trop extensive afin de financer l’ensemble de son parc nucléaire et d’offrir des prix de l’électricité plus bas à son industrie — au risque de créer une distorsion de la concurrence au sein du marché intérieur.

In fine, l’accord est une victoire des deux côtés du Rhin : toute nouvelle centrale pourra être financée par un contrat d’écart compensatoire, et Paris pourra également utiliser ce moyen pour financer les centrales existantes. Suite aux demandes de l’Allemagne, l’accord prévoit que la Commission devra s’assurer que ces contrats ne créent pas de distorsion de la concurrence au sein du marché intérieur.

MÉCANISMES DE CAPACITÉ L’autre sujet de désaccord concernait les mécanismes de capacité. Ces derniers visent à financer les capacités de production et non la production elle-même. En d’autres termes, une centrale peut recevoir des financements pour sa disponibilité, sans pour autant produire. 

Ici, l’enjeu était le financement des centrales fossiles — notamment des centrales à charbon — via ce mécanisme. Sur ce point, c’est la Pologne qui a eu gain de cause en obtenant que les centrales à charbon puissent recevoir des financements et être prolongées. Plusieurs députés européens ont déjà manifesté leur opposition à cette mesure. 

PROCHAINES ÉTAPES L’accord politique au Conseil de l’UE lance formellement les négociations avec le Parlement européen pour trouver un accord sur un texte. Le Parlement a adopté sa position sur le texte le 14 Septembre.


Inter alia

IADans son dernier rapport, l'Agence européenne de la cybersécurité (ENISA) alerte sur les risques liés à l’intelligence artificielle (IA) en vue des élections européennes en 2024.

Les incidents survenus récemment en Pologne ou au Royaume-Uni donnent un avant-goût des risques de désinformation liés à l’IA. 

Début octobre, un faux enregistrement de Keir Starmer insultant des employés était entendu par des centaines de milliers d’utilisateurs sur Twitter. En Pologne, la Plateforme Civique, principal parti de l’opposition, a reconnu avoir généré un faux enregistrement de la voix de Mateusz Morawiecki pendant la période des élections.

En plus de ces “deepfakes” — ou “hypertrucages” en Français — l'ENISA souligne deux autres méthodes clés par lesquelles les pirates exploitent l'IA : l'élaboration de courriels de phishing et  la récolte de données confidentielles.

Le rapport de l'ENISA souligne également l’augmentation des cybermenaces. Les attaques par déni de service (qui visent à perturber les sites web) et par ransomware (demande de rançon) ont connu une forte augmentation. 

De juillet 2022 à juin 2023, l'ENISA a recensé plus de 2 500 cyber incidents, dont 220 ont visé des gouvernements. Les administrations publiques et les secteurs de la santé sont des cibles principales, ce qui confirme que l’IA est une menace de taille pour les infrastructures critiques et les services essentiels en Europe. 

TRANSAT •  Après un premier sommet UE-Etats-Unis en juin 2021, les dirigeants des institutions européennes et le Président Joe Biden se sont à nouveau rencontrés le vendredi 20 octobre à Washington.  

Outre les sujets de politique étrangère, il s’agissait pour les Européens et les Américains de normaliser leur politique commerciale, alors que les désaccords des côtés de l’Atlantique restent nombreux. 

L’un des principaux sujets de préoccupation concerne les tarifs douaniers sur l’acier et l’aluminium imposés par l’administration Trump en 2018 et suspendus depuis deux ans. Sur ce point, le communiqué acte un échec du sommet et renvoie à des négociations ultérieures. Le temps presse car si aucun accord n’est trouvé au-delà du 31 octobre, les droits de douanes devraient automatiquement être rétablis.

Concernant l’accès des entreprises européennes, notamment automobiles, aux subventions de l'Inflation Reduction Act (IRA) américain, des progrès dans les négociations ont été soulignés, sans pour autant aboutir pour autant à un accord. 

PSC • Les ministres des finances des Vingt-Sept, réunis à Luxembourg le 17 octobre, ont tenté de trouver un compromis sur la réforme du Pacte de stabilité et de croissance (PSC), qui fixe les obligations en matière de dette et de déficit publics des Etats membres de l’UE. 

La Commission a présenté en avril dernier des propositions de réforme des règles actuelles — nous vous invitons à relire notre brève sur les mesures envisagées. 

Si les discussions des Vingt-Sept sur la réforme se sont enlisées, il existe un consensus autour de la nécessité de trouver un accord rapidement, sans quoi un retour aux anciennes règles serait inévitable — ce qu’une majorité d’Etats Membres souhaite éviter. 

Les principaux points de désaccord concernent les taux exacts de réduction de la dette moyennées sur plusieurs années, les autorisations de dépenses d’investissement, et la méthode pour faire respecter ces engagements et évaluer les déficits séparément de la dette.

Prenant en compte les critiques des frugaux, la Commission avait ajouté plusieurs garde-fous à sa proposition, en particulier une obligation pour les pays ayant un déficit supérieur à 3% du PIB de réduire leurs dépenses par 0.5% de PIB tous les ans.

La ministre des Finances espagnole Nadia Calviño a annoncé que l’Espagne présentera une proposition devant le Conseil de l’UE en novembre.

CSRD • La semaine dernière, le Parlement a adopté l’acte délégué de la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) sur les rapports de développement durable des entreprises. 

Une motion portée par des députés allemands et tchèques visant à retoquer ce texte avait pourtant été déposée. Ces derniers pointaient du doigt la lourdeur du dispositif que les entreprises devront mettre en place pour ce reporting, alors qu’elles font déjà face aux difficultés liées à la conjoncture économique actuelle. 

Ce veto a finalement été rejeté par les parlementaires, à une majorité de 57 %. Le texte entrera donc bien en vigueur dès le début de l’année 2024 pour toutes les entreprises de plus de 500 salariés actives sur le sol européen, les PME bénéficiant d’un délai supplémentaire pour publier leur premier rapport. 

MOYEN ORIENT • Avec 500 voix pour et 20 contre, le Parlement a adopté jeudi une résolution appelant à une pause humanitaire à Gaza et à l’augmentation de l’aide humanitaire à la population civile de la région. 

Les eurodéputés appellent également à la libération immédiate des otages, et reconnaissent le droit d’Israël à la légitime défense “tel que consacré et encadré par le droit international humanitaire”.

Alors que l’Union européenne est critiquée pour son manque de coordination dans sa réponse au conflit, notamment à cause des déclarations contradictoires au sein des institutions, cette résolution constitue la première prise de position commune exprimée par les eurodéputés depuis le 7 octobre. 


Nos lectures de la semaine

  • La Communauté politique européenne joue un rôle unique qu’il ne faut pas sous-estimer, défend Luigi Scazzieri du CER.

  • L’Inflation Reduction Act américain n’aura qu’un impact marginal sur l’économie européenne,  d’après une analyse réalisée par Maxime Fajeau et al. publiée dans VoxEU. Les auteurs encouragent l’Union à concentrer ses efforts sur la définition de sa doctrine de politique industrielle et la maîtrise des coûts de l’énergie.


Cette édition a été préparée par Luna Ricci, Kimia Vaye, Marwan Ben Moussa, Guillaume Renée, Maxence de La Rochère et Augustin Bourleaud. À la semaine prochaine !