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BRIEFING | Par Romain Le Quiniou
Romain Le Quiniou est cofondateur d’Euro Créative, le think tank français consacré à l’Europe centrale et orientale. Il est associé et co-fondateur de Iron Bridge, une société de conseil en intelligence stratégique, affaires publiques et communication d'influence.
Le 4 novembre, la Commission européenne a présenté l’édition 2025 de son “Paquet Élargissement”. Cette publication évalue les progrès des pays candidats dans le cadre du processus d’adhésion. Derrière cet exercice technique se joue l’accueil potentiel de nouveaux États membres d’ici à 2030.
Le processus d’élargissement de l’Union européenne repose sur une logique normative permettant l’alignement des pays candidats sur les normes juridiques, politiques et économiques de l’UE. Le processus repose sur le respect intégral de l’acquis communautaire, les critères de Copenhague (1993).
Le processus est composé de plusieurs étapes.
Après la reconnaissance du statut de candidat par le Conseil, les négociations formelles entre la Commission et le pays candidat se concentrent sur l’adoption de la législation de l’UE et sur la mise en œuvre de réformes judiciaires, administratives et économiques.
Ces négociations s’ouvrent et se ferment avec le cluster des principes fondamentaux (démocratie, État de droit, droits de l’homme) et se concentrent autour de cinq autres clusters (marché intérieur, compétitivité et croissance inclusive, agenda vert et connectivité durable, ressources, agriculture et cohésion et relations extérieures). Chaque cluster est composé d’une multitude de chapitres.
Depuis 2020, le principe de réversibilité est également au cœur du processus.
Le processus peut être suspendu ou annulé en cas de régression du pays.
Cette flexibilité a été mise en place afin de renforcer la crédibilité du processus auprès des États membres.
Les États membres détiennent un pouvoir central dans le processus : obtention du statut de candidat, ouverture et fermeture des négociations et des différents clusters et ratification finale.
A chaque étape un seul État membre peut bloquer le processus, les décisions étant prises à l'unanimité. Malgré les velléités de certains, il n’est pas possible de contourner le véto d’un Etat membre. Seule une abstention pourrait amener au même résultat.
Le processus d’élargissement concerne aujourd’hui dix pays, regroupés entre deux régions principales : les Balkans occidentaux et l’Europe orientale.
Au cœur de l’élargissement depuis 2003, les pays des Balkans occidentaux connaissent des situations très différentes :
Le Monténégro et l’Albanie sont aujourd’hui perçus comme frontrunners compte tenu des progrès réalisés ces dernières années. Le Monténégro a la volonté de boucler les négociations d’ici la fin de l’année 2026, tandis que l’Albanie multiplie les ouvertures de clusters ces derniers mois. L’ambition étant pour ces deux pays de rejoindre l’UE d’ici 2028.
La Serbie a été de son côté pointée du doigt dans le dernier rapport du fait de manquements démocratiques importants, en particulier sur des dysfonctionnements sur l’État de droit.
Longtemps élève modèle du processus, la Macédoine du Nord demeure bloquée par un nouveau différend bilatéral avec la Bulgarie. Aucune solution ne semble espérée ces prochains mois.
La Bosnie-Herzégovine connaît des dysfonctionnements internes importants et n’est pas en mesure de répondre aux exigences de Bruxelles suite à l’obtention du statut de candidat en 2022.
Le Kosovo qui n’est toujours pas reconnu par cinq États membres de l’UE n’a pas de statut de candidat à ce jour.
En Europe orientale, le processus d’élargissement est une nouvelle réalité depuis 2022.
L’Ukraine et la Moldavie font des progrès importants en dépit de la guerre et des pressions menées par la Russie. La Commission se dit favorable à l’ouverture de plusieurs clusters afin d’illustrer concrètement ces progrès mais l’Ukraine est aujourd’hui bloquée par la Hongrie.
La Géorgie de son côté n’est plus qu’un État candidat “sur le papier” selon la Commissaire Kos. En cause, la capture de l’État menée par l’oligarque Ivanishvili.
Enfin, la Turquie, État candidat à l’UE depuis 1999 reste une épine dans le pied de Bruxelles avec une candidature de facto gelée.
Si la Commission joue un rôle central dans la partie technique du processus, la décision finale appartient aux États membres. Plusieurs facteurs laissent penser que la volonté politique n’est pas à la hauteur des ambitions de la Commission :
Réformes internes : les États membres n’ont pas commencé à engager un processus de réformes, notamment institutionnelles. Il s’agit pourtant d’une condition déclarée nécessaire pour certains, dont la France.
Différends bilatéraux : Certains différends bilatéraux demeurent actifs et de nouveaux pourraient émerger, bloquant certaines candidatures.
Opinions publiques : Comme confirmé avec la dernière édition de l’Eurobaromètre, plusieurs États membres (France, Autriche, République Tchèque, Allemagne) disposent d’une opinion publique majoritairement négative face à l’élargissement faisant douter de leur capacité à valider une ratification à l’horizon 2028-2030.
Cela met en lumière le problème principal du processus d’élargissement à ce jour : mettre en place les réformes demandées, adopter les normes européennes, ne garantit pas nécessairement une adhésion à l’Union européenne. Et tant que le processus technique n’est pas appuyé par une volonté politique générale, l’élargissement n’aura pas lieu.
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📅 Candidatures ouvertes jusqu’au 14 janvier 2026
IN CASE YOU MISSED IT
OBJECTIFS D’ÉMISSIONS • À quelques jours de la COP30 au Brésil, plusieurs gouvernements au sein du Conseil de l’UE — dont l’Italie et la Roumanie — ont mené avec succès une initiative visant à affaiblir l’objectif européen de réduction de 90% des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2040 par rapport aux niveaux de 1990.
Ils y sont parvenus en obtenant un report du nouveau système de tarification du carbone et en décrochant l’autorisation pour les gouvernements de remplir une partie de leurs objectifs de réduction des émissions en achetant des crédits carbone à d’autres pays, plutôt qu’en procédant à toutes les réductions sur leur territoire.Cette mesure est perçue comme un assouplissement de la proposition initiale et des ambitions écologiques de l’UE.
La position du Conseil s’inscrit dans le cadre des négociations en cours avec le Parlement européen, qui se prononcera sur les objectifs climatiques de l’UE les 12 et 13 novembre.
AI ACT • La Commission envisage un assouplissement de certaines dispositions de sa loi sur l’intelligence artificielle (AI Act).
Le “Digital Omnibus”, qui doit être proposé par la Commission le 19 novembre, accorderait aux entreprises une période de grâce d’un an pour se conformer aux règles applicables aux systèmes d’IA à haut risque et repousserait à 2027 l’application des amendes liées aux violations des obligations de transparence.
Cette mesure vise à alléger la charge réglementaire et à éviter de provoquer des mesures de rétorsion des États-Unis, dans un contexte marqué par des inquiétudes concernant les relations commerciales et sécuritaires transatlantiques.
Bien que les objectifs centraux de l’AI Act demeurent inchangés, le projet cherche à rendre la conformité plus aisée et à centraliser l’application des règles. La proposition finale doit encore être approuvée par les États membres et le Parlement européen.
DES TRAINS PLUS RAPIDES • La Commission a lancé un plan visant à accélérer le développement du réseau ferroviaire à grande vitesse européen. L’objectif est de réduire de moitié les temps de trajet sur les principales lignes transfrontalières et de créer, d’ici 2040, un réseau ferroviaire véritablement interopérable et connecté. La Commission prévoit de nouvelles législations imposant le partage des données relatives à la billetterie afin de faciliter l’achat de trajets ferroviaires paneuropéens
La stratégie comprend l’harmonisation des infrastructures, de nouveaux modèles de financement ainsi que des mesures destinées à soutenir la concurrence et l’innovation dans les services ferroviaires. Les investissements pourraient atteindre entre 345 et 546 milliards d’euros, une partie étant prise en charge par le budget de l’UE, dont environ 50 milliards d’euros seraient réservés aux déplacements transfrontaliers dans le prochain cadre financier pluriannuel (2028‑2034).
BON PLAN • Le Haut commissariat à la stratégie et au plan lance une antenne bruxelloise pour renforcer l’influence française dans la capitale européenne.
Une soirée de lancement aura lieu le 12 novembre à Bruxelles, animée par Clément Beaune et son équipe. Valérie Hayer, Aurore Lalucq et Luuk van Middelaar échangeront sur le thème “puissance et dépendances : l’Europe à l’épreuve du temps long”.
Dans une note publiée par le CER, Armida van Rij et Sander Tordoir analysent les résultats des élections néerlandaises et leur impact sur la politique intérieure ainsi que sur la place des Pays-Bas en Europe.
Jacob Funk Kirkegaard, de Bruegel, estime que le principal frein à l’intégration des marchés de capitaux européens réside dans l’état d’inachèvement des réformes des systèmes de retraite nationaux, qui limite l’investissement.
Merci à Maxence de La Rochère pour la préparation de cette édition. À la semaine prochaine !