Retour sur les promesses de l’accord entre Londres et Bruxelles • Mais aussi : CS3D, marché intérieur, tarifs douaniers, asile, et retraites.
Bonjour. Nous sommes le 27 mai et voici votre condensé utile d’actualité européenne. Suivez-nous également sur Twitter et LinkedIn.
Par Mathieu Solal, journaliste européen et fondateur de BLOCS.
Cinq ans après le Brexit, le Royaume-Uni et l’UE ont commencé à concrétiser le renouvellement de leur relation, lors d’un sommet organisé lundi 19 mai à Londres.
DEAL • “C’est un moment historique” a lancé Ursula von der Leyen à l’issue de la réunion, saluant le leadership de Keir Starmer, et estimant que l’accord trouvé permettrait d’ouvrir un “nouveau chapitre” dans les relations entre l’UE et le Royaume-Uni.
“Il est temps d’aller de l’avant”, a pour sa part réagi Keir Starmer, en appelant à “s’éloigner des vieux débats et des luttes politiques pour trouver des solutions pratiques et de bon sens qui offrent le meilleur au peuple britannique”.
L’accord trouvé constitue sans conteste la plus grande avancée bilatérale depuis l’accord de commerce et de coopération signé le 24 décembre 2020, à quelques jours de la fin de la période de transition du Brexit.
Les trois textes sur lesquels se sont entendus Bruxelles et Londres lundi 19 mai contiennent toutefois plus de promesses que d’engagements concrets.
DÉFENSE DANS LE VISEUR • Dans le contexte de la guerre en Ukraine et de l’incertitude quant à la garantie de sécurité américaine en Europe, les avancées les plus tangibles entre les deux partenaires concernent le secteur de la défense.
Dans leur déclaration commune, Londres et Bruxelles donnent à voir leur alignement et leur volonté de collaborer sur le dossier ukrainien et leur détermination à continuer “d’exercer une pression” sur la Russie pour obtenir “une paix juste et durable”.
Surtout, aux termes du Partenariat de sécurité et de défense signé à la même occasion, ils s’engagent à multiplier les coopérations entre armées, dans des opérations ou des entraînements communs, sur les fronts de la cybersécurité, de la protection des infrastructures critiques, de l’espace, mais aussi de la sécurité maritime.
Ce partenariat comporte aussi un accord de principe sur la participation du Royaume-Uni au programme européen SAFE, doté de €150 milliards de prêts destinés à accroître les dépenses militaires sur le continent.
Une nouvelle négociation sera néanmoins nécessaire pour déterminer les entités britanniques éligibles, mais aussi pour arrêter la contribution du budget britannique au dispositif.
Ces discussions, qui débuteront seulement quand les Vingt-Sept auront réussi à s’accorder sur le contenu du règlement SAFE, s’annoncent compliquées selon Politico, qui estime que le projet de limiter à 35% les composants venant de l’extérieur de l’UE dans le matériel susceptible d’être financé, et s’interroge sur le rôle que jouera la France.
ALIGNEMENT DYNAMIQUE • Sur le plan des contrôles sur les produits alimentaires qui brident le commerce bilatéral depuis cinq ans, les avancées restent aussi à confirmer.
Dans un document distinct, baptisé “common understanding”, Londres et Bruxelles posent ainsi les bases d’un accord sanitaire et phytosanitaire qui pourrait permettre de fluidifier les échanges.
L’accord entrevu vise à exempter de certificats et de contrôle “la grande majorité des mouvements d'animaux, de produits animaux, de végétaux et de produits végétaux entre la Grande-Bretagne et l'Union européenne”.
Pour atteindre ce résultat qu’il espère, le gouvernement de Keir Starmer accepte deux principes forts : un “alignement dynamique” des normes sanitaires et phytosanitaires du Royaume-Uni sur celle de l’UE — qui pourrait néanmoins connaître des exceptions — et l’implication de la Cour de Justice de l’UE.
De quoi irriter les partisans du Brexit dur, qui ont tout fait pour éviter ces deux concessions qui donnent un fort contrôle à l’UE, et mettront encore plus de pression, en cas d’accord définitif sur ce dossier inflammable.
BONNE PÊCHE • D’autant que pour obtenir cette ébauche d’accord, le gouvernement travailliste a aussi dû céder sur l’accès des bateaux de pêche européens dans les eaux britanniques. L’accord actuel a ainsi été prolongé pour 12 ans, jusqu’en 2038, comme le demandaient la France et les Pays-Bas, notamment.
Les deux partenaires se sont également engagés vers le rapprochement entre les taxes carbone qui doivent être appliquées des deux côtés de la Manche, afin d’éviter la double-taxation des opérateurs transfrontaliers.
Autres chantiers lancés : une meilleure association du Royaume-Uni au marché de l’énergie européen, et le retour du pays dans le programme européen Erasmus +, dans un contexte de chute des échanges depuis le Brexit.
Du côté de l’UE, le seul engagement vraiment concret à ce stade concerne le commerce avec un engagement à ne pas frapper l’acier fabriqué au Royaume-Uni de droits de douane.
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CS3D • Emmanuel Macron a appelé à l’abandon pur et simple de la Corporate Sustainability Due Diligence Directive (CS3D ou CSDDD) lors du sommet Choose France. Il rejoint ainsi la position du chancelier allemand Friedrich Merz.
Cette directive oblige les entreprises à surveiller l’ensemble de leur chaîne d’approvisionnement pour prévenir les atteintes aux droits humains et à l’environnement. Elle fait l’objet de nombreuses attaques en raison de sa complexité.
La CS3D a été adoptée en mai 2024, mais fait actuellement l'objet d’un réexamen législatif dans le cadre du paquet Omnibus présenté par la Commission en février 2025. Le paquet Omnibus vise à simplifier l’environnement réglementaire et réduire la charge administrative pesant sur les entreprises européennes.
Mi-avril, le Parlement et le Conseil ont approuvé une directive dite “Stop the Clock”, actant le report de l’obligation de transposition de la CS3D par les Etats membres. Ce report doit permettre la révision de la CS3D, dans le sens d’un allègement des obligations de reporting et du nombre d’entreprises concernées.
C’est dans ce cadre que certains appellent à l’annulation entière de la directive.
MARCHÉ INTÉRIEUR • La Commission a présenté sa stratégie pour le marché unique le 21 mai. Le document de 31 pages détaille la feuille de route pour réduire les obstacles aux échanges intra-européens, insuffler un nouvel élan au secteur des services et donner un coup de fouet à l’investissement au sein du marché intérieur.
Dans la foulée, la Commission a présenté de nouvelles propositions de simplification administrative dans le cadre des paquets Omnibus.
La création d’un statut d’entreprise “small mid-cap” pour les entreprises de moins de 750 salariés et au chiffre d’affaires allant jusqu’à €150 millions (ou €129 millions d’actifs totaux) a été proposée.
Le statut sera associé à des obligations simplifiées en matière de RGPD ou d’introductions en bourse. Celui-ci doit permettre aux entreprises de croître sans être freinées par les obligations qui s'imposent aux entreprises dès qu’elles dépassent le seuil de 250 salariés.
Par ailleurs, le commissaire au marché intérieur s’est dit ouvert à l’introduction d’un Buy European Act pour les marchés publics en Europe. Au micro de Caroline de Camaret (La Faute à l’Europe), Stéphane Séjourné a déclaré :
“Choose Europe, ça sera réviser les marchés publics, mettre des clauses de préférence européenne sur un certain nombre de secteurs stratégiques, faire le Buy European Act, une petite révolution pour l’Union européenne et pour tous les pays qui n’avaient pas le même concept français de préférence européenne.”
TARIFS • Donald Trump a accordé à l’UE un délai supplémentaire jusqu’au 9 juillet pour éviter l’imposition de droits de douane de 50 % initialement prévus début juin.
Cette décision fait suite à un appel avec Ursula von der Leyen, qui s’est dite optimiste quant à la possibilité de parvenir à un accord d’ici la nouvelle échéance.
Actuellement, l’UE est soumise à des droits de douane américains de 25 % sur l’acier, l’aluminium et les voitures, ainsi qu’à 10 % sur la plupart des autres produits, taux pouvant grimper à 20 % en juillet sans accord.
En cas d’échec des négociations, l’UE a préparé des droits de douane réciproques sur €21 milliards d’importations américaines et a entamé des consultations pour ajouter jusqu’à €95 milliards d’importations supplémentaires.
RETRAITES • Un rapport de la Cour des comptes européenne tire la sonnette d’alarme sur l’incapacité de l’UE à développer des retraites privées.
Le produit paneuropéen de retraite personnelle (PEPP) lancé en 2022 visait €700 milliards d’épargne d’ici 2030. Il compte aujourd’hui moins de 5 000 souscripteurs et €11,5 millions collectés.
Selon le rapport, les trois freins majeurs sont l’absence de règles fiscales communes, des procédures transfrontalières lourdes, et des frais plafonnés à 1 %, ce qui rend le PEPP non rentable pour banques et assureurs.
La Commission prévoit de réviser le PEPP avant la fin de l’année. L’objectif est de canaliser l’épargne privée vers des investissements productifs et soulager les finances publiques.
DROIT D’ASILE • Le chancelier autrichien a récemment appelé à une refonte des règles européennes sur l’asile.
L’Autriche suspend déjà depuis un an le traitement des demandes de regroupement familial pour les réfugiés, une décision inédite au sein de l’UE. Le chancelier autrichien a précisé que cette suspension ne constituait qu’une “première étape” et n’a pas exclu un gel complet des demandes d’asiles en cas de nouvel afflux massif de migrants comparable à 2015 ou 2022.
Le gouvernement prévoit déjà d’instituer dès 2026 un système de quotas permanents pour le regroupement familial, qui pourrait être fixé à zéro, invoquant une “surcharge” des écoles face à l’arrivée d’enfants migrants et une hausse de la délinquance juvénile.
Tandis que des ONG et des agences onusiennes s’alarment de potentielles atteintes aux droits fondamentaux, la Commission européenne a proposé cette semaine un assouplissement du cadre légal permettant de rejeter plus facilement les demandes d’asile de personnes transitant par des pays tiers sûrs.
Dans une note publiée par l’ECIPE, Andrea Dugo, Fredrik Erixon et Oscar Guinea s’inspirent de plusieurs modèles étrangers pour appeler à une politique industrielle européenne qui donne la priorité à l’investissement en R&D, soutienne l’entrepreneuriat et évite les subventions mal ciblées.
Cecilia Malmström et Yeo Han-koo, du Peterson Institute, défendent une adhésion de l’Union européenne au Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP).
Cette édition a été préparée par Mathieu Solal, Augustin Bourleaud, Antoine Langrée, Léopold Ringuenet, Alexis Rontchevsky et Maxence de La Rochère. À la semaine prochaine !