Le Parlement adopte de justesse la loi de restauration de la nature

Mais aussi — Allemagne & Chine, UE-US Data Act, Bard, Transports

La Revue européenne
5 min ⋅ 17/07/2023

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Le Briefing

Le 12 juillet, le Parlement européen a adopté de justesse la proposition de règlement visant à restaurer les écosystèmes européens, tels que les forêts, les terres agricoles, les zones marines et d’eau douce et les écosystèmes urbains. Si cela représente une défaite pour le Parti Populaire Européen (PPE), farouchement opposé au texte, le groupe politique compte s’opposer à d’autres textes du Green Deal.

Le Parlement européen à Strasbourg © Commission européenneLe Parlement européen à Strasbourg © Commission européenne

CONTENU La proposition de règlement fixe des objectifs contraignants de restauration de la nature pour au moins 20% des terres et 20% des mers sur le territoire des Etats membres de l’UE d’ici 2030. Cette proportion a vocation à augmenter : les mesures de restauration que les Etats membres devront mettre en œuvre concernent 60% des habitats à restaurer d’ici 2040 et 90% d’ici 2050.

PPE • L’adoption de ce texte est une véritable victoire pour les partisans du Green Deal, et était tout sauf certaine, la coalition des partis de droite formée autour du Parti Populaire Européen (PPE) ayant conduit une vaste campagne d’opposition à la proposition.

Après trois échecs en commission parlementaire, ainsi que le rejet à quelques voix près d’un amendement du PPE visant à renvoyer la proposition de règlement à la Commission, le texte a finalement été voté par une courte majorité de 336 votes en faveur, 300 contre et 13 abstentions, grâce au soutien des Sociaux-Démocrates, de la Gauche, des Verts et de Renew.

Le PPE souhaite se poser en défenseur des intérêts des agriculteurs européens, notamment en vue des élections européennes de 2024. Le groupe politique estime que l’obligation de préserver les terres qu’établirait le texte porterait atteinte aux intérêts des agriculteurs, risquerait de mettre en péril la sécurité alimentaire, et empêcherait la construction de parcs éoliens. 

Manfred Weber, chef du groupe, affirme qu’une pause est nécessaire dans la réglementation environnementale afin de prioriser la croissance économique. La présidente du Parlement européen Roberta Metsola s’est également exprimée en défaveur du texte qu’elle juge trop contraignant et contraire aux intérêts des électeurs européens. 

Certaines demandes du PPE ont été intégrées au texte, telles que l’augmentation des subventions européennes pour les agriculteurs.

ELECTIONS Cette pièce maîtresse du Green Deal portée par la présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen, elle-même membre du parti, a créé des dissensions au sein du PPE. 

Ne pouvant se passer du soutien de son groupe pour briguer un second mandat en 2024, la présidente ne s’est pas exprimée sur le texte, mais a rencontré plusieurs eurodéputés en amont du vote. Quinze parlementaires du PPE ont finalement voté le texte et cinq se sont abstenus, malgré l’opposition ferme de leurs collègues.

GREEN DEAL Si la campagne du PPE contre l’adoption de ce texte n’a pas abouti, le groupe parlementaire compte bien tenter de bloquer les prochaines mesures du Green New Deal, telles que la proposition de règlement visant à réduire l’usage des pesticides et promouvoir des exploitations agricoles plus durables finalisée par la Commission européenne le 22 juin.

La semaine dernière déjà, le groupe a réussi à diluer sensiblement la portée d’une proposition de la Commission visant à agrandir le champ d’application de la directive sur les émissions industrielles. Les eurodéputés ont fait pression pour exclure le bétail des règles sur les émissions industrielles.

AMBITION De plus, la version amendée de la proposition de règlement de restauration de la nature est moins ambitieuse que le texte proposé par la Commission. Le Conseil de l’UE a lui aussi adopté une version du texte créant de nombreuses dérogations aux mesures proposées.

Si l’eurodéputée des Verts en charge du dossier, Jutta Paulus, préfère voir le verre à moitié plein, en affirmant qu'il est “préférable d'avoir une loi faible que de ne pas en avoir du tout”, certains activistes climatiques décrivent une victoire en demi-teinte.

WHAT NEXT Frans Timmermans, vice-président de la Commission et commissaire à l’environnement en charge du dossier, va à présent commencer les négociations interinstitutionnelles pour finaliser une version commune du texte. Ces discussions devraient aboutir dans les prochains mois. 

“Pensons pour une fois à la prochaine génération et non à la prochaine élection”, a-t-il déclaré au sujet des négociations à venir.


Inter alia

ALLEMAGNE & CHINE  • Nous ne voulons entraver ni le développement économique de la Chine ni le nôtre” a déclaré Annalena Baerbock, ministre des affaires étrangères allemande, le jeudi 13 juillet en présentant la toute première stratégie du pays à l’égard de son premier partenaire commercial. 

Le rapport de 64 pages, assoupli à la demande du Chancelier Olaf Scholz, rejette la notion de découplage – decoupling – vis-à-vis de la Chine, et insiste sur la nécessité pour le pays de réduire les risques – derisking – c'est-à-dire de diversifier ses chaînes d'approvisionnement et ses marchés d'exportation. 

L’Allemagne craint en effet de devenir trop dépendante de la Chine, tant pour ses chaînes d’approvisionnement que pour le marché chinois en lui-même. Par ailleurs, le pays souhaite se prémunir des pratiques déloyales chinoises considérées comme des menaces pour sa “sécurité, sa souveraineté et sa prospérité”. Pour se faire, Berlin incite fortement ses entreprises à diminuer leur dépendance à l'égard de Pékin. 

La stratégie dénonce également l'autoritarisme croissant de la Chine en raison de la répression des droits civiques et des minorités ethniques. L’Allemagne réaffirme avec force sa volonté de maintenir le statu quo sur Taiwan.  

L’approche de Berlin s’inscrit dans la ligne développée par l’UE en reprenant les termes selon lesquels Pékin est un “partenaire, un concurrent et un rival systémique” mais en tire des conséquences plus modérées sur le plan économique. 

Il n’en demeure pas moins qu’une telle inflexion de l’Allemagne sera propice au développement d’une approche commune de l’UE vis-à-vis de Pékin dans les prochains mois.

EU-US DATA ACT •  L’Union européenne a approuvé lundi dernier un nouvel accord concernant l’échange de données personnelles avec les Etats-Unis, les garanties affichées outre-Atlantique ayant été estimées suffisantes par la Commission au regard du règlement général sur la protection des données (RGPD).

Baptisé “cadre de protection des données” (EU-US data protection framework), cet accord permettra aux entreprises de transférer librement leurs données outre-atlantique. Il fait suite à son prédécesseur, le “bouclier de protection des données” (Privacy Shield), qui avait été invalidé en 2020 par la Cour de justice de l’UE (CJUE). 

A l'époque, les juges luxembourgeois avaient estimé que les citoyens européens ne disposaient pas de moyens suffisants pour contester l’utilisation de leurs données aux États-Unis. La plainte avait été initiée par Max Schrems, un activiste autrichien sur la protection des données – d’où le nom de l’arrêt de la CJUE, Schrems II

Depuis, les Etats-Unis et l’UE cherchaient à conclure un accord afin de faciliter les transferts de données pour les entreprises. Le principal obstacle à la conclusion de cet accord était l’utilisation des données par les agences de renseignements américaines telles que la NSA (National Security Agency). 

Par un décret présidentiel d’octobre 2022, Joe Biden avait ainsi ordonné à ces agences de restreindre leur utilisation des données européennes – ce qu’elles ont annoncé avoir finalisé la semaine dernière, permettant la conclusion de l’accord.

Si cette nouvelle “décision d’adéquation” – décision qui garantit que le pays tiers en question respecte la protection des données à un niveau similaire au RGPD – se traduit par des “progrès substantiels” selon le comité européen pour la protection des données, le militant autrichien Max Schrems a déjà annoncé son intention de la contester devant la CJUE d’ici 2024.

BARD • Le programme d’IA générative de Google, Bard, est enfin accessible en Europe. Après avoir repoussé sa sortie le mois dernier, le concurrent d’OpenAI (ChatGPT) a obtenu l’aval de la CNIL irlandaise à la suite d’un “certain nombre de modifications (…) améliorant la transparence et (...) certains mécanismes de contrôle pour les utilisateurs”, a déclaré Graham Doyle, porte parole de la (Graham Doyle, porte-parole de la commission de protection des données irlandaise, à Politico.

L’arrivée de Bard dans l’UE avait été repoussée en juin après que la commission de protection des données irlandaise a souligné des insuffisances sur la protection des données au regard du regard du règlement général sur la protection des données (RGPD).

TRANSPORTS • Le 11 juillet, la Commission a présenté son paquet de mesures visant à rendre le transport de fret plus efficace et durable, qui contient trois propositions législatives. Ces mesures contribueront à l’objectif du Green Deal de réduire les émissions du secteur des transports de 90% d’ici 2050 – le transport de fret représente actuellement 30% des émissions des transports en Europe.

La proposition s’articule autour de trois initiatives. La première consiste à améliorer le calcul des émissions des entreprises de transport de fret, pour lesquelles il n’existe pas encore de standard pour réaliser ces mesures, ce qui peut faciliter le greenwashing, selon la Commission. Pour cela, l’exécutif européen propose un nouveau cadre, CountEmissionsEU

La deuxième concerne plus précisément le transport routier – qui représente 50% des marchandises transportées. La Commission souhaite augmenter la taille et le poids maximum des véhicules pour prendre en compte le poids des batteries électriques.

Enfin, l’exécutif européen souhaite faciliter le transport de fret ferroviaire – qui représente actuellement 50% du trafic ferroviaire européen – en améliorant sa gestion et en harmonisant les pratiques au niveau européen.


Nos lectures de la semaine

  • Dans une note pour l'IFRI, Vladislav Inozemtsev appelle les dirigeants européens à faire preuve d'opportunisme en accueillant à bras ouverts les émigrés russes hautement qualifiés qui ont fui leur patrie à la suite de l'invasion de l'Ukraine.

  • Dans Trade Talks, un podcast du Peterson Institute, l'animateur Chad Bown et son invitée, l'économiste Isabela Manelici de la LSE, discutent de politique industrielle et de la transformation du secteur des technologies de l’information roumain. Une transcription est également disponible.


Cette édition a été préparée par Luna Ricci, Clément Albaret, Marwan Ben Moussa, Guillaume Renée, Maxence de La Rochère et Augustin Bourleaud. À lundi prochain !

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Par What's up EU