Bonjour. Nous sommes le 3 novembre et voici la Revue européenne de What’s up EU, votre condensé utile d’actualité européenne. Suivez-nous également sur Twitter et LinkedIn.
BRIEFING | Par Oscar Guinea
Oscar Guinea est Directeur au sein du European Center for International Political Economy (ECIPE). Spécialisé dans les questions liées au commerce international, au digital, aux politiques industrielles et à la santé, il tient une chronique régulière dans le quotidien espagnol El País.
Plus tôt cette année, la Commission européenne a retiré sa proposition de paquet législatif sur les brevets essentiels aux normes (ou SEPs, pour standard essential patents). Le projet de règlement était fortement critiqué, notamment pour ses effets potentiellement négatifs pour le secteur des télécommunications en Europe.
Les « brevets essentiels aux normes » sont des brevets portant sur des technologies indispensables au fonctionnement d'une norme technique adoptée par un organisme de normalisation.
De nombreuses normes reposent sur des technologies brevetées. Le secteur des télécommunications dépend fortement des brevets essentiels aux normes. Les réseaux 2G (GSM), 3G (UMTS), 4G (LTE), 5G et Wi‑Fi s’appuient sur des milliers de technologies brevetées pour fonctionner. Ces normes sont également indispensables dans l’électronique, l’automobile ou encore les réseaux électriques.
Ces brevets sont concédés sous licence selon des termes dits FRAND – équitables, raisonnables et non discriminatoires – ce qui signifie qu'ils sont disponibles pour tous à des tarifs raisonnables.
Ce système convient bien au tissu industriel européen. Un écosystème fragmenté (de nombreuses PME et des champions sectoriels plutôt qu'une poignée d'entreprises intégrées verticalement) gagne à pouvoir accéder à des technologies essentielles à des conditions équitables.
La proposition de la Commission aurait bouleversé cela. Au lieu de laisser les entreprises négocier directement les licences, elle visait à centraliser le processus à l'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO). Les deux aspects les plus déterminants de la réforme étaient :
La création d’un registre européen centralisé pour l’enregistrement des brevets essentiels à une norme (SEP), obligeant les titulaires à y inscrire leurs SEP et à les soumettre à des vérifications d’essentialité par rapport à des normes spécifiques.
L’instauration d’un processus obligatoire de conciliation précontentieuse visant à établir des conditions de licence FRAND avant toute procédure judiciaire.
Le problème n'était pas seulement l'idée mais aussi le timing.
Les « guerres de brevets » des années 2010 ont opposé les fabricants de smartphones dans le monde pour bloquer des produits ou imposer des licences coûteuses, jusqu’à ce que juges, autorités et règles FRAND limitent les injonctions sur les brevets essentiels et orientent vers des redevances FRAND fixées par les tribunaux ou l’arbitrage.
L’industrie a réduit ces frictions via des « pools de brevets »: plusieurs détenteurs regroupent des brevets liés/essentiels et proposent une licence unique, souvent via un administrateur neutre, afin que les « implémenteurs » obtiennent en une fois tous les droits nécessaires; ces pools clarifient les brevets essentiels requis et, en cas de litige, de nouveaux fora comme la Cour unifiée des brevets peuvent aider à résoudre les différends.
On ne peut échapper à l'impression que l'objectif réel de cette initiative législative était le contrôle des prix.
En habilitant l'EUIPO à recommander des taux de redevances, le projet aurait de facto transformé l'agence en régulateur des prix. C'est une pente dangereuse. La fixation des prix dans des marchés innovants fausse les incitations.
Le secteur européen des télécommunications a connu ses percées technologiques les plus importantes grâce aux brevets essentiels aux normes (3G, 4G, 5G, Wi-Fi, USB et Bluetooth). Interférer avec le système qui a rendu cela possible aurait causé plus de mal que de bien.
Pourquoi prendre un tel risque ? La réponse réside dans l’obsession politique de Bruxelles pour l’activité manufacturière.
La croyance était que l'Europe a plus d'« implémenteurs » – des entreprises qui utilisent les technologies – que de « détenteurs » – des entreprises qui produisent les technologies – de brevets essentiels. Déplacer les revenus vers les implémenteurs bénéficierait donc à l'économie de l'UE.
Mais cette logique ne tient pas dans un contexte mondial. L'Europe est un leader mondial en R&D dans télécommunications, mais les appareils utilisant ces technologies, tels que les smartphones, voitures, et appareils connectés, sont fabriqués ailleurs.
L'Europe est un exportateur net d'innovation et ses entreprises dépendent des revenus de licence des brevets essentiels. Réduire ces revenus aurait affaibli les innovateurs européens.
C'est pourquoi la proposition a suscité de nombreuses oppositions: l'Office européen des brevets, la Cour unifiée des brevets, les organismes de normalisation tels qu'ETSI, les gouvernements nationaux, les juges et les experts de l'industrie.
Les critiques ont souligné que cela aurait ajouté de la bureaucratie, retardé l'accès à la justice et fragmenté les licences internationales. Cela aurait également encouragé d'autres juridictions à copier l'erreur de l'Europe. La Chine a déjà signalé son intérêt à étendre le contrôle étatique sur les licences de brevets, citant l'exemple de l'UE.
La Commission a eu raison de faire marche arrière. L'Europe ne peut pas se permettre de saper l'un de ses atouts stratégiques. Le secteur des télécommunications n'est pas juste une autre industrie : il sous-tend l'économie numérique, de la défense et l'automobile aux soins de santé et à l'énergie. Sa santé dépend d'un équilibre délicat entre innovateurs et implémenteurs, établi par la négociation, pas le contrôle des prix.
Un message de notre partenaire (commercial), la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM)
Dans un contexte de discussion globale sur les dépenses publiques, il est plus que jamais important de rappeler que le bon fonctionnement de notre système de santé est l’affaire de tous.
C’est le cœur du message de la campagne de sensibilisation de l’Assurance Maladie qui vise à rappeler que la prescription d’un arrêt de travail relève de l’expertise du médecin et qu’elle doit répondre à un besoin médical. Au rang des bonnes nouvelles, Français et médecins sont conscients de l’impact des arrêts de travail sur notre système de santé et se disent même prêts à en réduire l’usage en échange de plus d’informations.
Cela tombe bien, l’Assurance Maladie accompagne professionnels de santé, entreprises et acteurs de terrain à travers des outils et des initiatives visant à mieux encadrer les prescriptions, prévenir les abus et promouvoir les dispositifs d’aide au retour au travail.
Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site bonsreflexes.ameli.fr
IN CASE YOU MISSED IT
CHINE • La Chine a annoncé, le 1er novembre, qu’elle autoriserait à nouveau certaines exportations de puces Nexperia, après plusieurs semaines de blocage qui menaçaient la production automobile mondiale.
Cette décision intervient à la suite d’une rencontre à Bruxelles entre Valdis Dombrovskis, vice-président exécutif de la Commission européenne pour le commerce, et Wang Wentao, ministre chinois du Commerce.
Le ministère chinois du Commerce a indiqué vouloir “prendre pleinement en compte la stabilité des chaînes d’approvisionnement” (notre trad.).
Cette ouverture intervient dans un contexte d’apaisement des relations commerciales, au même moment que la trêve d’un an conclue entre le président américain Donald Trump et Xi Jinping en matière de tarifs douaniers.
TANKS • Selon des informations du FT, la Commission européenne serait en train d’élaborer avec les États membres et l’OTAN un mécanisme commun pour faciliter le transport rapide de troupes et d’équipements lourds à travers l’Europe en cas de crise.
Le projet prévoit un “pool de solidarité” permettant de mutualiser les ressources – camions, wagons, ferries – entre pays de l’UE.
Cette initiative vise à réduire le temps nécessaire au déplacement d’une armée à travers le continent, un enjeu stratégique renforcé par les incursions russes récentes dans l’espace aérien de l’OTAN. L’Allemagne, positionnée comme principal hub logistique, aurait déjà signé des accords avec Deutsche Bahn Cargo et Rheinmetall pour assurer ces transports, selon les mêmes informations du FT.
La Commission pourrait présenter ses propositions dès décembre en la matière. Elle envisage aussi la création, d’ici 2027, d’un espace européen de mobilité militaire harmonisé, doté d’infrastructures adaptées et de procédures simplifiées, en étroite coordination avec l’OTAN.
FELIZ NAVIDAD • La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, prévoit de se rendre au Brésil le 20 décembre pour signer l’accord de libre-échange UE-Mercosur, selon des informations de Politico.
Le feu vert des États membres reste toutefois indispensable : un vote à la majorité qualifiée – 15 pays représentant 65 % de la population – est nécessaire. Il pourrait avoir lieu au dernier Conseil européen de l’année qui se tiendra les 18 et 19 décembre à Bruxelles.
La Commission prévoit un mécanisme de sauvegarde permettant de rétablir des droits de douane en cas de perturbation du marché, un moyen de rassurer des pays comme la France et la Pologne.
Dans une tribune publiée par Project Syndicate, Barry Eichengreen revisite le Wirtschaftswunder allemand d’après-guerre, appelant à nuancer le récit traditionnel de la reconstruction de l’Allemagne de l’Ouest.
La dernière édition de BLOCS Pro s’intéresse (entre autres) à la délicate position des Européens sur les terres rares.
Dans une tribune publiée dans El País et reprise (en anglais) sur le blog de l’ECIPE, Oscar Guinea explique que la mise en place d’un véritable marché unique des services en Europe permettrait de stimuler l’innovation et la croissance en Espagne et dans le reste de l'Union.
Merci à Maxence de La Rochère pour son aide dans la préparation de cette édition. À la semaine prochaine !