L’accord de commerce UE-Mercosur plus proche que jamais de la ratification

Mais aussi - SOTEU, Data Act, Draghi

La Revue européenne
5 min ⋅ 17/09/2025

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BRIEFING | Par Mathieu Solal

L’accord de commerce UE-Mercosur plus proche que jamais de la ratification 

Mathieu Solal est journaliste européen et cofondateur de BLOCS, la newsletter hebdomadaire sur le commerce international.

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Le président du syndicat agricole FNSEA, Arnaud Rousseau, a appelé dimanche, dans le JDD à “une grande journée d’action” le vendredi 26 septembre.

Dans le viseur du premier syndicat agricole français, “le Mercosur, les taxes imposées par Donald Trump et le flot des importations internationales qui ne respectent pas les normes qui sont les nôtres”, a expliqué son chef.

La mobilisation prochaine des agriculteurs ressemble à une dernière chance de faire dérailler l’accord entre l’UE et le Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay), voué à créer la plus grande zone de libre-échange au monde, couvrant un marché de plus de 700 millions de consommateurs.

Chemin législatif

Sur le plan institutionnel, en effet, le processus menant à la mise en œuvre de cet accord paraît bien engagé.

Mercredi, la Commission européenne a transmis au Conseil la partie commerce de l’accord pour ratification. Une étape qui nécessite la majorité qualifiée des Vingt-Sept — au moins 15 États représentant au moins 65% de la population européenne — et devrait, a priori, être franchie sans problème

La France et l’Italie, qui exprimaient il y a encore quelques semaines leur réticences quant à cet accord négocié depuis la fin des années 1990, semblent en effet s’être résignées à le soutenir.

  • Cause de ce revirement : l’engagement de la Commission, pendant l’été, à soumettre une proposition législative visant à établir une surveillance renforcée des importations.

  • Cette initiative, complètement indépendante du texte de l’accord, doit notamment instaurer la possibilité de lancer automatiquement une enquête dès que les importations d'un produit augmentent de plus de 10% ou que les prix à l'importation chutent de 10% ou plus par rapport aux prix pratiqués en Europe.

Cette promesse de surveillance renforcée semble ainsi avoir suffi à convaincre Paris et Rome, qui aimeraient toutefois que la proposition législative soit sur la table le plus rapidement possible.

De leur côté, les pays du Mercosur, qui pourraient légitimement contester ce processus législatif unilatéral européen qui semble voué à affecter la mise en œuvre de l’accord, font pour l’instant profil bas.

Cette mesure viendrait s’ajouter à la protection déjà accordée à l’agriculture européenne dans le traité de libre-échange négocié avec les pays d’Amérique du sud.

Quotas d’importations 

Le texte prévoit ainsi une exemption de droits de douane sur au maximum 180 000 tonnes de volaille par an en provenance du Mercosur, soit 1,4% de la production totale de l’UE, et 16 millions de tonnes de sucre soit 1,2% de la consommation de l’UE.

Concernant la viande bovine, l’UE autoriserait l’entrée sur son marché de 99 000 tonnes de viande bovine assujetties à un droit de 7,5%, soit 1,5% de la production européenne.

Au-delà de ces quotas, qui couvrent les trois secteurs agricoles qui paraissent les plus vulnérables côté européen, des droits de douane prohibitifs pour les produits sud-américains doivent être imposés.

À la table du Conseil, seule la Pologne continue de trouver ces conditions inacceptables car ne prenant pas suffisamment en compte “la sensibilité des agriculteurs”.

Pas de quoi constituer une minorité de blocage.

Mise en oeuvre provisoire

L’accord devrait aussi être entériné par le Parlement européen, sauf énorme surprise, ce qui suffirait à permettre une mise en œuvre provisoire de sa partie commerciale.

La Commission a en effet fait le choix de scinder l’accord en deux, et de présenter en priorité sa partie commerce, qui nécessite seulement la ratification des deux autres institutions européennes.

  • Les autres éléments de l’accord, de nature politique et beaucoup moins polémique, devront pour leur part être ratifiés par les parlements nationaux des Vingt-Sept.

  • À condition que la ratification s’opère parallèlement parmi les pays du Mercosur, le traité de libre-échange pourrait commencer à entrer en vigueur avant la fin de l’année 2026.

D’ici à 2040, il permettrait ainsi de supprimer les droits de douanes sur un très vaste nombre de produits échangés entre les deux blocs (à terme, 91% des biens exportés par l’UE) et permettrait d’augmenter de près de 40% les exportations européennes vers la zone de libre-échange sud-américaine, selon les prévisions de la Commission.

Un beau débouché en vue, alors que le marché américain se ferme tous les jours un peu plus, argumente-t-elle.

À suivre

Reste que cette perspective n’est pas du goût de la FNSEA, laquelle avait joué un grand rôle dans les manifestations de 2024 qui avaient notamment conduit le gouvernement français à durcir sa position sur le sujet.

  • Pour l’heure, les autres syndicats français n’ont toutefois pas appelé à manifester de leur côté. Le mouvement n’a pas non plus de dimension européenne, comme c’était le cas en 2024.

  • Début septembre, neuf organisations agricoles, dont la Copa-Cogeca, ont toutefois rappelé leur opposition à l’accord, estimant que les garanties apportées par la Commission n'étaient pas suffisantes.

Autre mouvement à suivre : celui initié par une vingtaine d’eurodéputés de différents groupes politiques, dont le Renew Pascal Canfin, et qui vise à faire adopter par le Parlement une résolution visant une action devant la Cour de justice de l’UE, afin de contester la compatibilité avec les traités du mécanisme de rééquilibrage négocié il y a quelques mois avec les pays du Mercosur.


IN CASE YOU MISSED IT

Ce qu’il ne fallait pas manquer

SOTEU Le 10 septembre, Ursula von der Leyen a présenté son discours sur l’état de l’Union devant le Parlement européen. Elle a annoncé la suspension partielle du soutien bilatéral à Israël et proposé au Conseil l’arrêt partiel de l’accord d’association, tout en préparant des sanctions contre des responsables israéliens.

En matière de défense, la présidente veut instaurer un Semestre européen de la défense pour coordonner les dépenses militaires. Un 19e paquet de sanctions contre la Russie est aussi prévu. Avec l’Ukraine, une alliance des drones sera créée et 6 milliards d’euros de prêts européens soutiendront son innovation militaire, incluant un “mur de drones” et une surveillance accrue du flanc oriental.

Côté compétitivité, la simplification administrative se poursuit. Une feuille de route pour renforcer le marché intérieur d’ici 2028 est attendue, la Commission alertant sur les importantes barrières internes qui freinent encore les échanges entre États membres.

DATA ACT • Le 12 septembre, le Data Act est entré en application dans l’UE. Ce règlement adopté fin 2023 vise à transformer l’écosystème des données générées par les objets connectés — qu’il s’agisse de véhicules, d’appareils intelligents ou d’outils industriels regroupés sous l’Internet des Objets (IoT).

Parmi ses avancées, le texte reconnaît aux utilisateurs un droit d’accès aux données issues de leurs appareils, qu’ils peuvent partager ou réutiliser. Il facilite aussi le passage d’un prestataire de services cloud à un autre et interdit les clauses contractuelles abusives limitant l’usage de ces données. Le Data Act prévoit en outre la possibilité pour les autorités publiques de requérir certaines données privées dans l’intérêt général, notamment face à des situations d’urgence.

Son entrée en vigueur marque une étape clé, mais son application reste complexe. Certains États membres n’ont pas encore désigné d’autorités de contrôle, tandis que les entreprises redoutent la lourdeur technique et financière de la mise en conformité.

DRAGHI • Le 16 septembre, une conférence de haut niveau à Bruxelles a marqué le premier anniversaire de la publication du rapport Draghi sur la compétitivité européenne. 

L'événement visait à faire le point sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre des 170 recommandations du rapport, qui avait diagnostiqué en 2024 le déficit d’innovation, la dépendance stratégique et les besoins d’investissement massif de l’UE.

Mario Draghi a insisté sur la gravité de la situation : l’Europe s’éloigne davantage de ses principaux concurrents mondiaux, avec un modèle de croissance affaibli, des dépendances stratégiques croissantes et des moyens de financement insuffisants. 

Malgré des engagements et des initiatives de la Commission — notamment dans l’IA, la décarbonation et l’investissement dans la défense — Draghi a regretté la lenteur de la réponse collective européenne et le manque d’urgence. Il a souligné la fragmentation des efforts et le retard, notamment en matière de technologies de rupture et d’énergie, face à des États-Unis et une Chine qui avancent plus vite. 

Draghi a appelé à davantage d’audace, une coordination européenne accrue, et des choix collectifs forts pour l’investissement, la politique industrielle et la réforme des règles du marché intérieur.


Les lectures de la semaine 

  • Dans une note pour le CER, Hannes Berggren présente ses recommandations pour le prochain paquet omnibus numérique de l'UE.

  • Marie-Sophie Lappe et David Pinkus, de Bruegel, estiment que l’UE devrait chercher à rendre les investissements sur les marchés de capitaux plus attractifs pour les investisseurs particuliers. Fredrik Andersson, du CEPS, renvoie au modèle suédois d’investissement populaire comme source d’inspiration.


Merci à Maxence de La Rochère, Antoine Langrée et Antoine Ognibene pour leur aide dans la préparation de cette édition. À la semaine prochaine !

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