Bonjour. Nous sommes le 1er décembre et voici la Revue européenne de What’s up EU, votre condensé utile d’actualité européenne. Suivez-nous également sur LinkedIn.
A vos agendas: les Conversations européennes de What’s up EU reçoivent Elvire Fabry de l’Institut Jacques Delors le 4 décembre de 12h45 à 13h30. Au menu : Mercosur et politique commerciale européenne. La conversation sera modérée par Nathan Munch, expert à l’OCDE. Inscrivez-vous ici.
BRIEFING | Par Jan Dunin-Wasowicz
Jan Dunin-Wasowicz est avocat aux barreaux de Paris et de New York. Il est co-fondateur de Bennink Dunin-Wasowicz (BDW), un cabinet d’avocats spécialisé en sanctions économiques et contrôle des exportations. Chargé d’enseignement à l’école de droit de Sciences Po, il anime le podcast dédié aux sanctions de l’UE This Month in EU Sanctions.
Le 23 octobre 2025, le Conseil de l’UE a adopté un dix-neuvième train de sanctions à l’encontre de la Russie ainsi que des mesures analogues concernant la Biélorussie. Quelles sont les principaux enseignements de ce paquet près de quatre ans après le début de la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine ?
Annoncé en août 2025, le 19ème paquet vise à accroitre la pression sur l'économie de guerre russe. Il cible les secteurs clés alimentant cette guerre, notamment ceux de l'énergie, de la finance, ainsi que la base industrielle militaire. Parmi ces mesures, le 19ème paquet englobe :
Energie : interdiction d’importation de gaz naturel liquéfié (GNL) russe dans l’UE, renforcement des restrictions concernant Rosneft et Gazprom Neft, la flotte fantôme pétrolière et des pourvoyeurs de revenus issus de l’énergie.
Finance : ajout de cinq nouvelles banques russes à la liste des entités visées par l'interdiction de transactions, interdiction d’utiliser les systèmes russes de carte de paiement et de paiement rapide (Mir et SBP), restrictions visant les cryptoactifs, notamment le stablecoin A7A5, et les entités actives dans creatines zones économiques spéciales russes.
Complexe militaro-industriel : désignation des personnes et d'entités faisant partie du complexe militaro-industriel russe, ainsi que d'opérateurs qui produisent des biens militaires et à double usage ou en fournissent à la Russie, nouveaux biens soumis à l’interdiction à l’exportation.
Elément essentiel de l’économie de guerre et de la stratégie de contournement des sanctions, la flotte fantôme russe présente désormais des risques pour l’UE sur le plan de la guerre hybride.
Depuis les deux derniers paquets de sanctions en particulier, l’accent est mis sur la répression de cette flotte et des services associés. Avec le 19ème paquet, 117 navires supplémentaires sont visées par l’interdiction d'accès aux ports et de bénéficier de services liés au transport maritime.
Ce paquet cible également la chaîne de valeur de la flotte fantôme, en désignant une filiale de Lukoil, basée aux Émirats arabes unis et qui constitue une composante essentielle de sa flotte fantôme, ainsi que des registres maritimes de faux pavillons enregistrées au Texas et au Royaume-Uni attribués à des navires de cette flotte.
Indépendamment de ces mesures, depuis 2022, l’UE s’est dotée de nombreux instruments juridiques pour étendre la portée des sanctions.
Le 19ème paquet inclut plusieurs personnes et entités ciblées par les sanctions et basées hors de Russie, notamment des raffineries chinoises, des banques biélorusses, des négociants de pétrole hong-kongais et émiratis, un émetteur de stablecoins basé au Kirghizstan, ou encore des entreprises chinoises, thaïlandaises ou indiennes qui soutiennent le complexe militaro-industriel russe.
Le Conseil a par ailleurs désormais la possibilité de cibler des ports dans des pays tiers.
L’administration Trump a été extrêmement imprévisible en matière de sanctions à l’encontre de la Russie. Ayant parfois suggéré que les mesures introduites par la présidence Biden resteraient en place, elle a aussi annoncé qu’elles pourraient être assouplies ou levées avant d’avoir recours aux droits de douane, notamment à l’encontre de l’Inde, pour l’inciter à réduire ses achats d’hydrocarbures russes.
La veille de l’adoption du 19ème paquet, l’OFAC (Office of Foreign Assets Control) a annoncé des sanctions américaines contre Rosneft et Lukoil ainsi que d’autres entreprises associées, constatant un manque d'engagement sérieux envers un processus de paix visant à mettre fin à la guerre en Ukraine. L’UE aura adopté trois trains de sanctions en 2025 (16-18èmes) avant de voir une action conjointe avec les Etats-Unis.
Fin novembre, à la grande surprise des Européennes, les Etats-Unis ont présenté un plan de paix prévoyant un allègement des sanctions et une répartition des avoirs russes immobilisés dans des fonds destinés à la reconstruction de l’Ukraine dont une partie des profits iraient aux Etats-Unis.
L’impression de coordination renouvelée autour du 19ème paquet pourrait uniquement faire figure d’exception. Toutefois, une déclaration commune des ministres des affaires étrangères du G7 du 12 novembre 2025 souligne un engagement de renforcer la coordination du G7 en matière de sanctions.
Comme le note la décision du Conseil de l’UE du 21 mai 2024, les mesures liées à la gestion des avoirs et des réserves de la Banque centrale de Russie devraient rester en vigueur « jusqu'à ce que la Russie mette fin à sa guerre d'agression contre l'Ukraine et indemnise l'Ukraine pour les dommages causés par cette guerre ».
Les discussions concernant le Prêt de Réparations qui serait financé par les avoirs russes immobilises au sein de l’UE n’ont pour l’instant pas encore abouti. Le Conseil européen des 18 et 19 de décembre 2025 reviendra sur la question, d’autant que la proposition américaine pourrait affaiblir le levier que représente ces avoirs pour l’UE
Cependant, les attaques de la Russie ne cessant pas, l’UE continuera sans doute accroitre la pression sur la Russie. Cela a été confirmé par la Haute Représente le 26 novembre en marge d’une réunion informelle des Ministres des Affaires étrangères de l’UE. Ainsi, parallèlement aux discussions sur le Prêt de Réparations, alors que la présidence danoise du Conseil de l’UE entre dans ses dernières semaines, un 20ème train de sanctions serait déjà en préparation.
S’il est adopté avant la fin de l’année, il serait le 5ème d’une année singulière. En outre, la lutte contre le contournement des sanctions de l’UE le financement et la facilitation de l’effort de guerre russe par des acteurs tiers demeureront une des priorités.
Un message de notre partenaire Agriculture Circulaire
Il faut une quatrième révolution agricole — et l’élevage herbager peut en être l’un des piliers
Jean Viard, sociologue et directeur de recherche au CNRS, spécialiste des territoires français, appelle à une quatrième révolution agricole. Après les grandes transformations de 1789, de la IIIème République et sous De Gaulle, il plaide pour un nouveau pacte écologique et territorial entre villes et campagnes. Pour lui, l’élevage herbager doit en être un pilier : il entretient les paysages, stocke du carbone, régule l’eau et nourrit la biodiversité. Cette agriculture des prairies, ancrée dans les régions, offre un modèle durable qui relie production, environnement et cohésion sociale, au cœur d’une ruralité vivante et résiliente.
Pour découvrir ce modèle d’avenir et les initiatives qui le portent, rendez-vous sur le site agriculture-circulaire.fr.
IN CASE YOU MISSED IT
ACTIFS RUSSES • La Belgique continue de mettre les freins sur le projet de prêt de réparations à l’Ukraine garanti par des actifs russes gelés. 210 milliards d’euros d’actifs russes sont actuellement gelés en Europe, dont environ 185 milliards détenus par Euroclear à Bruxelles.
Ces avoirs pourraient servir de garantie pour un prêt de 140 milliards d’euros destiné à soutenir les finances ukrainiennes pendant les deux prochaines années — un plan soutenu par la Commission européenne et la majorité des États membres, mais vivement contesté par la Belgique.
Dans une lettre à Ursula von der Leyen consultée par le Financial Times, le Premier ministre Bart De Wever met en garde contre une mise en œuvre trop rapide du dispositif, estimant qu’elle pourrait compliquer la conclusion d’un futur accord de paix avec la Russie.
Il conditionne le soutien belge à des “garanties légalement contraignantes, inconditionnelles, irrévocables, à la demande, conjointes et solidaires” vis-à-vis de l’exposition d’Euroclear. Il souhaite également que des actifs russes gelés situés ailleurs dans l’UE soient mobilisés.
Malgré ces défis, Ursula von der Leyen a déclaré au Parlement européen que la Commission était prête à présenter prochainement un texte servant de base pour l’adoption du prêt.
Par ailleurs, Euroclear aurait averti la Commission que le plan pourrait être perçu à l’étranger comme une confiscation, nuisant au climat d’investissement au sein de l’UE et augmentant le coût d’emprunt des États.
Les chefs d’État et de gouvernement européens espèrent parvenir à un accord lors du dernier Conseil européen de l’année, prévu le 18 décembre.
MARCHÉ INTÉRIEUR • L’estimation du FMI selon laquelle les barrières non tarifaires internes à l’UE seraient équivalentes à un droit de douane de 45 % — reprise notamment par Mario Draghi et Ursula von der Leyen — pourrait être largement surestimée, selon le Centre for Economic Policy and Research (CEPR).
Une réanalyse montre que ce chiffre dépend fortement du choix des données, du regroupement sectoriel, des métriques de distance et de la méthode économétrique utilisée, et peut varier considérablement selon les approches.
Les auteurs soulignent qu’une grande partie des barrières non-douanières disparaît lorsque l’on prend en compte des facteurs tels que les réseaux sociaux, les préférences culturelles ou les habitudes de consommation.
Les frictions restantes sont souvent structurelles plutôt que réglementaires, et ne peuvent donc pas être supprimées par des mesures politiques, selon le CEPR.
MARIAGE HOMOSEXUEL • Le 25 novembre 2025, la Cour de justice de l’UE a rendu un statué que les États membres sont dans l’obligatoin de reconnaître les mariages entre personnes de même sexe légalement conclus dans d’autres États membres.
Une non-reconnaissance constituerait une violation de la liberté de circulation et de résidence : deux individus qui “construisent une vie familiale dans un État membre d’accueil, notamment par l’effet du mariage, (...) doivent être certains de pouvoir la continuer au retour dans leur État d’origine”, a statué la Cour. Cela porterait également atteinte au droit fondamental au respect de la vie privée et familiale.
La Cour précise toutefois que cette obligation de reconnaissance “ne méconnaît pas l’identité nationale ni ne menace l’ordre public de l’État membre d’origine des époux”, puisqu’elle ne contraint pas les États à autoriser le mariage homosexuel, mais uniquement à à reconnaître les unions légalement contractées ailleurs.
OMNIBUS • Le Médiateur européen (Ombudsman) a adopté une recommandation non contraignante critiquant la manière dont la Commission a appliqué ses règles visant à “mieux légiférer” lors de la préparation de plusieurs propositions législatives “urgentes”, notamment le paquet Omnibus I, qui modifie la CSRD et la CS3D.
La recommandation pointe plusieurs manquements procéduraux susceptibles de relever de la mauvaise administration, en particulier l’interprétation extensive de la notion d’urgence par la Commission, utilisée pour contourner les évaluations d’impact et les consultations publiques.
Le mois dernier, 100 professeurs de droit et avocats ont adressé une lettre au Parlement européen alertant sur le fait que le paquet Omnibus I pourrait enfreindre des principes fondamentaux du droit de l’UE.
RELATIONS UE-UK • Les discussions entre l’UE et le Royaume-Uni sur l’association britannique au programme de prêts de défense SAFE se sont achevées sans accord. Les négociations, entamées en septembre, n’ont pas permis de trouver un compromis sur la contribution financière de Londres.
La Commission européenne demandait au Royaume-Uni de payer un montant initial situé entre 4 et 6,7 milliards d’euros, plus des frais administratifs liés aux bénéfices attendus, tandis que les propositions britanniques restaient largement inférieures.
Sans accord, les entreprises de défense britanniques conservent le statut de pays tiers et ne peuvent fournir que jusqu’à 35 % du coût des composants d’équipements financés par SAFE.
Le ministre britannique chargé des affaires européennes, Nick Thomas-Symonds, a qualifié le résultat de “décevant”. La Commission, de son côté, rappelle que SAFE reste structurellement ouvert et que les discussions pourraient reprendre lors de prochains cycles de négociations.
Le FT explique que les lourdeurs administratives freinent les efforts de l’UE pour soutenir son fonds pour l’innovation, qui vise à soutenir l’innovation décarbonée, avec 85 000 euros en moyenne de coûts administratifs pour déposer un dossier de subvention.
À la semaine prochaine !