Bonjour. Nous sommes le 24 novembre 2025 et voici la Revue européenne de What’s up EU, votre condensé utile d’actualité européenne. Suivez-nous également sur LinkedIn.
Une annonce : Nous sommes ravis d’annoncer que nous sommes partenaire média officiel du Brussels Sustainability Club (BSC) pour la deuxième année consécutive. Le BSC est un forum unique qui rassemble plus de 800 professionnels de la durabilité à Bruxelles. Dans le cadre de ce partenariat, vous recevrez ponctuellement des analyses d’experts de la part du fondateur Cyrille Mai Thanh et du président Stefano Miriello.
Et un événement: les Conversations européennes de What’s up EU reçoivent Elvire Fabry de l’Institut Jacques Delors le 4 décembre de 12h45 à 13h30. Au menu : Mercosur et politique commerciale européenne. La conversation sera modérée par Nathan Munch, expert à l’OCDE. Inscrivez-vous ici.
BRIEFING | Par Lorenzo Ancona
Lorenzo Ancona est le fondateur de Artifacts, une newsletter consacrée aux politiques technologiques. Il travaille chez Tremau, une start-up qui aide les plateformes en ligne à automatiser leur conformité. Il a grandi à Rome et vit aujourd’hui à Paris.
Le 19 novembre, la Commission européenne a présenté son Omnibus Digital , un vaste paquet législatif touchant à l’IA, la cybersécurité et les données, modifiant plusieurs textes phares, comme l’AI Act, le RGPD ou encore le Data Act.
Si la Commission entend permettre aux entreprises de “consacrer moins de temps aux démarches administratives et à la conformité, et davantage à l’innovation et à la croissance”, les critiques dénoncent un dangereux recul des droits numériques.
À l’origine, les textes omnibus servaient à consolider ou simplifier des directives ou règlements sans en altérer la substance. Avec cette nouvelle vague, l’omnibus se transforme en outil législatif de choix pour toucher au fond des règles, sans forcément passer par les consultations et études d’impact qui sont nécessaires à des législations ordinaires. Selon certains juristes, cette pratique fait peser un risque de violation du droit européen et d’affaiblissement de l’État de droit.
Cet Omnibus Digital s’inscrit dans une dynamique plus large de “simplification”, portée par la droite au Parlement européen, plusieurs États membres, les géants américains du numérique, ainsi que des acteurs européens majeurs comme Airbus, ASML ou Mistral.
La pression économique ajoute à l’urgence. Mario Draghi a alerté sur une menace “existentielle” qu’une absence de réformes majeures pourrait entraîner pour la compétitivité européenne.
Aujourd’hui, la conformité au RGPD alourdit le coût de de la donnée de 20 % par rapport aux États-Unis.
L’Europe doit composer avec près de 100 lois numériques appliquées par plus de 270 régulateurs aux échelons nationaux et européen.
Pour ses détracteurs, cette réforme sonne comme un glissement dérégulateur. AccessNow parle d’une “destruction des garanties fondamentales”, tandis que Brando Benifei, rapporteur de l’AI Act, dénonce une “course vers le bas”, refusant l’idée que l’Europe doive choisir entre innovation et responsabilité.
L’Omnibus Digital introduit des changements majeurs dans la réglementation sur les données, la vie privée et la cybersécurité. Il propose notamment de mettre à jour le RGPD et de fusionner le Data Governance Act (2022), la Directive Open Data (2019) et le Règlement sur la libre circulation des données non personnelles (2018) au sein d’un seul texte : le Data Act.
Une définition plus restrictive des “données personnelles”. Une organisation ne pourrait considérer des données comme “personnelles” que si elle dispose de moyens raisonnables pour identifier l’individu concerné. Les entreprises pourraient ainsi décider que certaines données qu’elles détiennent ne sont pas personnelles (via la pseudonymisation par exemple), leur offrant plus de latitude pour les réutiliser ou les partager.
Un usage facilité des données personnelles pour l’entraînement de l’IA. La réforme autorise le traitement des données personnelles pour le développement et l’exploitation de systèmes d’IA, sous certaines conditions. Résultat : vos données d’usage sur les plateformes pourraient être réutilisées pour entraîner des modèles d’IA, sans consentement explicite supplémentaire requis.
Allègement des obligations d’information. Les entreprises pourraient ne plus informer les utilisateurs de l’usage de leurs données si elles estiment que ces derniers en ont déjà connaissance — sauf en cas de transfert à un tiers, de décision automatisée ou de transfert transfrontalier.
L’AI Act, adopté en 2024, est souvent cité comme exemple de la lourdeur bureaucratique européenne. Rédigé avant l’essor de ChatGPT, son adoption a été précipitée avant la fin de la législature précédente a laissé peu de place à des ajustements nécessaire. Les acteurs industriels dénoncent un texte trop fragmenté et impossible à appliquer dans les délais.
Les propositions de l’Omnibus Digital à :
Repousser les échéances. Les entreprises développant ou déployant des systèmes d’IA à haut risque (santé, sécurité, droits fondamentaux) devaient se conformer aux obligations du AI Act d’ici mi-2026. Le projet de réforme accorde un délai supplémentaire pour l’adaptation, l’élaboration des normes et la préparation des régulateurs.
Élargir les compétences du Bureau européen de l’IA (AI Office). Celui-ci se verrait attribuer une compétence exclusive de supervision et d’application pour les systèmes d’IA basés sur des modèles généralistes, ainsi que pour ceux intégrés aux grandes plateformes et moteurs de recherche (DSA).
Alléger les obligations pour les PME. Les entreprises de moins de 750 salariés et dont le chiffre d’affaires est inférieur à 150 millions d’euros bénéficieraient de sanctions atténuées et, éventuellement, d’obligations allégées – sans pour autant être exemptées des règles essentielles.
Le débat se déplace désormais vers le Parlement et le Conseil.
Les groupes de centre-droit mettent l’accent sur la compétitivité, tandis que les Verts, le S&D et une partie de Renew alertent sur le risque d’érosion des droits et d’affaiblissement des contrôles.
Les États membres sont divisés : l’Allemagne et la France défendent un report des échéances, tandis que les Pays-Bas réclament de la clarté sans suspension totale.
Une fois les positions arrêtées, les trilogues avec la Commission débuteront au printemps 2026 pour aboutir à un texte unique. Si le Parlement active la procédure d’urgence, un vote pourrait intervenir dès le premier semestre 2026. Sinon, l’adoption n’est pas attendue avant la mi, voire la fin 2026.
LEGAL CHECKING | Avec Les Surligneurs
Depuis la sortie de la stratégie européenne pour l’égalité LGBTQI+, certains internautes s’inquiètent : l’UE voudrait permettre aux enfants de changer de genre à tout âge et sanctionner les États qui s’y opposent.
La stratégie européenne pour l’égalité LGBTQI+ 2026-2030 encourage l’échange de bonnes pratiques, mais ne crée aucun droit ou obligation juridique.
La stratégie, simple acte sans force normative, ne prévoit ni sanctions ni mécanisme coercitif contre les États membres.
Le changement de genre des mineurs relève exclusivement de la compétence nationale et l’UE ne peut ni imposer une procédure uniforme ni sanctionner le refus d’une telle reconnaissance légale.
En savoir plus ici.
IN CASE YOU MISSED IT
GOLDEN POWERS • La Commission a ouvert une procédure d’infraction contre l’Italie au sujet de ses “golden powers” qui permettent à Rome de bloquer ou de conditionner des fusions pour des raisons de sécurité nationale.
La Commission estime que ces pouvoirs, récemment utilisés pour restreindre l’offre de rachat de Banco BPM par UniCredit, violent les principes européens de libre circulation et d’établissement en autorisant des interventions économiques arbitraires.
Initialement créées en 2012 pour protéger les secteurs stratégiques comme la défense et l’énergie, ces règles ont été élargies au secteur bancaire. La Commission estime aussi que la loi empiète sur le rôle de supervision de la BCE.
L’Italie a deux mois pour répondre à la lettre de la Commission, sous peine de poursuites devant la Cour de justice de l’UE. Rome a promis de coopérer et de réviser le dispositif.
SOMMET TECHNOLOGIQUE • Lors du sommet sur la souveraineté numérique européenne à Berlin le 18 novembre, la France et l’Allemagne ont appelé à simplifier la réglementation numérique, à protéger les données sensibles et à soutenir une concurrence équitable dans les secteurs stratégiques du numérique.
Au-delà de la simplification réglementaire, les deux pays insistent sur la nécessité de réduire la dépendance de l’Europe aux acteurs technologiques américains.
Un “groupe de travail” va être chargé de définir la “souveraineté numérique”. Alors que l’Autriche plaide déjà pour une définition “ouverte”, le débat s’annonce aussi sémantique que celui sur l’autonomie stratégique (ouverte).
“Le sommet a démontré un alignement plus fort entre la France et l'Allemagne sur la nécessité de muscler l'écosystème digital européen afin de ne pas devenir une colonie numérique des Etats Unis et de la Chine” nous a déclaré Frédéric Plais, fondateur d’Upsun, une entreprise française du cloud. “Il y a une prise de conscience sur le fait que la clé n'est pas la subvention de l'écosystème (l'Europe n'en a pas les moyens). La clé est de privilégier le fléchage de la commande publique et privée européenne en priorité vers les solutions digitales Européennes prouvées et elles sont nombreuses.”
LAGARDE • “Les vulnérabilités de l’Europe découlent de son modèle de croissance, axé sur un monde qui disparaît progressivement”, a déclaré la présidente de la BCE, Christine Lagarde, lors d’une conférence à Francfort le 21 novembre.
Lagarde a souligné les faiblesses européennes : recul d’une croissance dépendante des exportations, dépendance aux ressources étrangères et productivité en berne. Elle a également rappelé les atouts du continent : un marché du travail robuste, l’investissement dans le digital et une politique budgétaire contracyclique.
Son appel : libérer le potentiel du marché unique grâce à la reconnaissance mutuelle, à une prise de décision facilitée et à des cadres opérationnels européens simplifiés, afin que l’Europe ne soit plus seulement résiliente mais véritablement forte.
Dans le Financial Times, Barney Jopson déplore que la polarisation et les enjeux identitaires aient relégué au second plan tout débat sérieux sur les politiques publiques en Espagne.
Merci à Maxence de La Rochère pour son aide dans la préparation de cette édition. À la semaine prochaine !