Retour sur les annonces de Stéphane Séjourné • Mais aussi : Syrie, Pornographie, Aides d'Etat, Catalan.
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Par Mathieu Solal, journaliste européen et fondateur de BLOCS.
“Les entreprises nées en Europe doivent croître en Europe”, a martelé mercredi Stéphane Séjourné, au cours de la présentation de la très attendue première stratégie de l’UE en faveur des start-up et des scale-up.
STRATÉGIE • Pour l’heure, le désir du Français, vice-président exécutif de la Commission européenne chargé de la prospérité et de la stratégie industrielle, est bien loin d’être réalité.
Selon ses chiffres, entre 2008 et 2021, près de 30 % des licornes européennes ont délocalisé hors de l'UE, et seulement 8 % des scale-ups mondiales sont basées en Europe.
Pourtant, le potentiel de l’UE existe : “Les 35 000 entreprises en phase de démarrage (start-up) de notre Union, ainsi que les 3 400 entreprises technologiques en phase de croissance (scale-up), constituent une source majeure de nouveaux produits et services”, détaille la Commission dans sa stratégie.
BARRIÈRES • Les obstacles au développement en Europe de ces entreprises demeurent néanmoins nombreux.
“Le marché reste fragmenté, avec des déséquilibres régionaux, et les efforts de l'UE pour transformer la recherche en produits commercialisables et en entreprises à grande échelle sont entravés par un marché unique incomplet, la fragmentation réglementaire, le faible appétit pour le risque des investisseurs, la lente adoption de l'innovation et la sous-utilisation des marchés publics”, diagnostique la Commission.
Un chiffre résume le problème profond de l’UE en matière de soutien aux entreprises innovantes : ces dernières disposent en moyenne de sept fois moins de capital disponible en Europe qu’aux États-Unis.
EMPILEMENT D’INITIATIVES • Pour répondre à ce déséquilibre, la Commission veut notamment mettre en place, dès l’année prochaine, un Fonds européen pour les “scale-ups” dans le cadre du Fonds pour l'innovation.
Ce véhicule financier devra mobiliser des fonds privés et permettre des prises de participation directes dans des secteurs stratégiques. Il viendra notamment combler les lacunes dans les financements pour les scale-ups opérant dans les technologies de pointe (deep tech).
Toujours sur le front financier, la Commission souhaite aussi créer en 2026 un “Pacte européen volontaire d'investissement dans l'innovation” à destination des grands investisseurs institutionnels.
Enfin, elle souhaite, dans le cadre des négociations autour du cadre budgétaire pluriannuel 2028-2035, augmenter la force de frappe du Conseil européen de l’innovation. Ce dispositif de financement public créé en 2017 constitue l'investisseur le plus actif dans le secteur de la Deeptech en Europe.
La Commission semble ainsi vouloir multiplier les nouveaux instruments, au risque de complexifier encore le tableau pour les entrepreneurs en quête de financements. À ces leviers s’ajoute en effet la Banque européenne d’investissement, que la Commission ne cite pas une seule fois dans sa stratégie, ainsi que les possibilités offertes au niveau national.
Ces différentes structures disposent par ailleurs de procédures de sélection souvent fastidieuses, qui ont tendance à brider l’innovation, notamment en matière de défense.
Pour remédier à ce problème spécifique au secteur de la défense, qui est sa priorité absolue, la Commission entend créer encore de nouveaux instruments, sans toutefois préciser lesquels, pour le moment.
SAS EN LIGNE DE MIRE • Autre point important de la stratégie : l’allègement de la charge réglementaire qui pèse sur les entrepreneurs. À ce sujet, la Commission n’a néanmoins fait que répéter des annonces déjà effectuées.
Au programme, un “règlement européen pour l’innovation”, prévu pour début 2026, et qui devrait notamment promouvoir les sas règlementaires, ces environnements contrôlés dans lesquels les entreprises peuvent tester de nouveaux produits ou services, pendant une période limitée.
Autre projet législatif important : la mise en place du fameux “28e régime”, que nous avons évoqué mi-mai, pensé pour permettre à certaines entreprises européennes de bénéficier de règles uniques dans l’UE.
Le lancement de ce chantier pharaonique, initialement prévu pour le troisième trimestre, devrait toutefois attendre l’année prochaine.
ACCÈS AU TALENT • Enfin, la Commission veut mettre l’accent sur “l’accès au talent”, avec le lancement d’une initiative baptisée Blue Carpet, visant à promouvoir “l’éducation à l'entrepreneuriat, les aspects fiscaux des options d'achat d'actions des salariés et l'emploi transfrontière”.
Elle compte aussi mettre en place une stratégie en matière de visas pour attirer les étudiants, chercheurs, entrepreneurs, et les travailleurs hautement qualifiés de pays tiers.
“Si le plan européen a été bien accueilli, il serait illusoire de penser qu’il permettra à l’Europe de combler le retard pris sur les États-Unis et la Chine”, analyse Jérôme Marin pour Cafétech. Il développe :
Le continent ne manque ni de talents ni d’entrepreneurs, mais il présente aussi d’importantes lacunes structurelles. Par exemple, les administrations ou les grands groupes restent très frileux avant de déployer de nouvelles solutions logicielles. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si davantage de start-up européennes choisissent d’abord de se lancer aux États-Unis plutôt que dans un autre pays du continent
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SYRIE • Le Conseil de l’Union européenne a formellement levé le 28 mai toutes les sanctions économiques de l’UE qui pesaient sur la Syrie, une semaine après une décision similaire prise par les États-Unis.
Cette levée des sanctions européennes reste toutefois partielle, et assortie de conditions. Plusieurs blocages sont maintenus, comme l'interdiction des ventes d'armes. Le nouveau pouvoir de Damas sera surveillé de près sur le respect des minorités. Les sanctions imposées aux personnalités du régime d’Assad resteront également en vigueur.
La stratégie européenne en faveur de la reconstruction économique de la Syrie jongle entre use de la carotte et du bâton. Soutien d’abord avec la levée des sanctions et la promesse de 2,5 milliards d’euros d’aides à la Syrie sur deux ans. En parallèle, conditionnement de la levée des sanctions et nouvelles sanctions ciblées contre les groupes pro turcs qui se sont rendus responsables de massacres de civils issues de la communauté alaouite en mars.
PORNOGRAPHIE • La Commission européenne a lancé des procédures formelles contre quatre grandes plateformes pornographiques. Celles-ci sont suspectées de ne pas respecter les obligations relatives aux mineurs introduites par le Digital Services Act (DSA).
Les plateformes sont accusées de ne pas avoir mis en place des mesures suffisantes pour vérifier l’âge des internautes pour protéger les mineurs. Les internautes doivent simplement déclarer s’ils sont majeurs ou non. La Commission met la pression sur les plateformes en ligne pour qu’elles mettent en œuvre des mesures plus protectrices pour les mineurs.
Par ailleurs, la Commission développe en coopération avec les Etats membres une application de vérification de l’âge, qui doit être disponible dès l’été 2025. Cette solution repose sur la même technologie que le futur portefeuille européen d’identité numérique, dont le déploiement est attendu pour fin 2026.
L’application permettra aux États membres de l’adopter, puis aux prestataires de services en ligne de vérifier qu’un utilisateur a plus de 18 ans, sans accéder à d’autres informations personnelles, garantissant ainsi le respect strict de la vie privée des utilisateurs. Elle servira de solution transitoire jusqu’à la mise en place du portefeuille européen d’identité numérique.
AIDES D’ETAT • La nouvelle ministre allemande de l'économie Katherina Reiche appelle la Commission à approuver les subventions destinées à soutenir son industrie lourde dans son premier entretien avec le FT.
La coalition menée par Friedrich Merz s’est engagée à baisser les coûts de l’électricité et à introduire un tarif préférentiel pour les industries à forte consommation énergétique telles que la sidérurgie, le verre, le ciment et la chimie.
Katherina Reiche déclare: “La croissance en Allemagne est importante pour générer de la croissance en Europe”. Elle rappelle la volonté de la coalition de mener à bien des réformes structurelles et d’engager un plan d’investissement de mille milliards d’euros dans les infrastructures et la défense.
La ministre met en garde contre le risque de nouvelles dépendances stratégiques si l’Allemagne devait perdre sa production nationale d’acier et de produits chimiques. Elle souligne la nécessité d’éviter de répéter les erreurs du passé, à l’image de la dépendance au gaz russe.
CATALAN • Le Conseil de l’UE a examiné le 27 mai dernier la proposition espagnole d’inclure le catalan, le basque et le galicien au règlement n° 1/1958, qui fixe le régime linguistique de l’UE.
La demande requiert un vote unanime des 27. Le Premier ministre Pedro Sánchez avait promis au parti séparatiste catalan cette réforme en échange de son soutien pour rester au pouvoir en 2023. Le budget de défense est aussi en jeu : Madrid juge la reconnaissance des langues clé pour obtenir l’appui des législateurs catalans.
Le catalan, parlé par près de 10 millions de personnes, dépasse largement certaines langues déjà officielles, comme l’irlandais ou l’estonien. Pourtant, plusieurs États membres redoutent un effet domino, craignant des demandes similaires pour d’autres langues minoritaires.
L’UE compte à l’heure actuelle 24 langues officielles.
“Airbus de la batterie”, “Airbus des semi-conducteurs”. Le modèle Airbus est-il replicable pour tout ? Telle est la question que se pose The Economist cette semaine.
Cette édition a été préparée par Mathieu Solal, Augustin Bourleaud, Lidia Bilali, Nathan Munch, Alexis Rontchevsky et Maxence de La Rochère. À la semaine prochaine !