Simplification règlementaire : l’UE sous pression

La simplification règlementaire au coeur des préoccupations européennes • Mais aussi — Sanctions contre la Russie

La Revue européenne
4 min ⋅ 28/01/2025

Bonjour. Nous sommes le 28 janvier et voici votre condensé utile d’actualité européenne. Suivez-nous également sur Twitter et LinkedIn. Le briefing de la semaine vous est proposé par Antonia Przybyslawski, journaliste européenne et rédactrice de BLOCS, la newsletter sur le commerce international.


Le Briefing

Sous la pression des États membres, des entreprises et des critiques de pays tiers, Bruxelles s’engage dans une vaste réforme de simplification réglementaire. Objectif : alléger la bureaucratie, stimuler l’innovation et éviter de perdre du terrain face aux États-Unis et à la Chine.

Ursula von der Leyen à Davos © Commission européenne Ursula von der Leyen à Davos © Commission européenne 

TRUMP • “J’essaie d’être constructif, parce que j’aime l’Europe, j’aime les pays européens, mais ils traitent les États-Unis de manière très injuste avec toutes les taxes qu’ils imposent”, a déclaré Donald Trump le 23 janvier, par visioconférence, lors du Forum économique mondial de Davos.

Profitant de cette tribune devant les principaux décideurs économiques mondiaux, le président américain a ouvertement attaqué l’UE. Dans sa ligne de mire : le déficit commercial avec les Etats-Unis, les taxes sur les multinationales, la TVA, les amendes infligées aux géants du numérique (Apple, Google, Facebook), ainsi que la réglementation et les droits d’atterrissage des compagnies aériennes.

“Ils imposent des taxes élevées... Ils refusent nos produits agricoles et nos voitures, alors qu’ils nous envoient des millions de voitures sans entrave et taxent tout ce que nous essayons de faire”, a-t-il poursuivi.

Donald Trump a également dénoncé la lenteur des processus d’autorisation au sein de l’UE, qu’il a qualifiée de “très lourde”. Il a déploré qu’il faille parfois attendre “ cinq ou six ans ” pour obtenir le feu vert pour un “grand projet”.

Ces critiques font écho à celles des chefs d’entreprise présents à Davos et de BusinessEurope, le principal lobby patronal européen. Dans un rapport publié le 22 janvier, l’organisation a exhorté l’Union européenne à réduire la bureaucratie et à renforcer la compétitivité sous peine de se laisser distancer par d’autres grandes économies.

“Les entreprises opérant en Europe ont un besoin urgent d’un signal fort montrant que l’UE est prête à faire de la simplification réglementaire une priorité absolu ”, a déclaré BusinessEurope, qui compte parmi ses membres le MEDEF et la Fédération des industries allemandes (BDI).

PAUSE • Des gouvernements nationaux rejoignent également cet appel. La France a récemment demandé une “pause réglementaire massive” couvrant divers secteurs, des produits chimiques aux directives financières. En Allemagne, le chancelier Olaf Scholz, dans une lettre adressée à Ursula von der Leyen le 2 janvier, a exhorté la Commission à “réduire les coûts de la bureaucratie et à augmenter la capacité d’innovation de nos entreprises”.

“Nous nous attendons à une certaine déréglementation aux États-Unis. Ce qui pourrait donc placer les entreprises et industries européennes dans une position désavantageuse”, a lancé pour sa part le ministre polonais des Finances, Andrzej Domański, qui a ajouté que la simplification serait inscrite à l’agenda de tous les conseils Ecofin organisés durant la présidence polonaise du Conseil de l’UE. 

De son côté, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a fait de la simplification une de ses priorités pour son deuxième mandat. “Trop d’entreprises freinent leurs investissements en Europe à cause de lourdeurs administratives inutiles”, a-t-elle reconnu à Davos.

Le 26 février, la Commission devrait ainsi dévoiler une législation “omnibus”, visant à réduire la charge administrative de 25 % pour les entreprises et de 35 % pour les PME. 

Ce texte devrait simplifier plusieurs piliers de la réglementation ESG (critères environnementaux, sociaux et de gouvernance) notamment la taxonomie, la directive CSRD sur le reporting extra-financier et celle sur le devoir de vigilance (CS3D). Un effort qui ne devrait pas suffire au lobby patronal européen, qui appelle à réduire 68 charges dans 11 secteurs différents. 

L’objectif est d’éviter un effet de cascade réglementaire pénalisant les petites entreprises “soumises dans la pratique à des demandes de déclaration excessives qui n'ont jamais été envisagées par les législateurs”, explique la Commission dans une version provisoire de la “ boussole de compétitivité ”. 

BOUSSOLE Cette feuille de route — qui sera présentée demain, mais que Contexte s’est déjà procuré — s’appuie sur les recommandations des rapports d’Enrico Letta et de Mario Draghi, remis à Ursula von der Leyen. Le document fait état d’un ensemble de projets qui devront être concrétisés dans les mois à venir par des propositions et des législations spécifiques afin de renforcer la compétitivité européenne.

Parmi les initiatives attendues, la législation “omnibus” introduira une nouvelle catégorie d’entreprises, intermédiaire entre les PME et les grandes entreprises, qui bénéficieront de règles de déclaration assouplies, détaille la “boussole de compétitivité”.

Pour rattraper son retard face aux États-Unis et à la Chine, l’UE prévoit en outre d’instaurer d’ici 2026 un cadre juridique unifié, baptisé “28e régime”. Destiné aux entreprises innovantes, ce dispositif leur permettra d’opérer dans toute l’Union sous un ensemble unique de règles couvrant le droit des sociétés, l’insolvabilité, le droit du travail et la fiscalité, a précisé Ursula von der Leyen à Davos.

Enfin, la Commission s’attèle à réviser le cadre des aides d’État et envisage de promouvoir une préférence européenne dans les marchés publics, en ciblant les technologies et secteurs stratégiques, parmi lesquels l’IA. 


Collaboration commerciale avec Interbev

Dans un article pour le site Agriculture Circulaire, Périco Légasse explore les bienfaits de l’élevage bovin nourri à l’herbe. En effet, les prairies fournissent non seulement une alimentation complète et équilibrée pour les bovins, mais aussi une hydratation naturelle grâce à leur haute teneur en eau végétale (jusqu’à 85 % en saison humide). L’accent est donc mis sur l’utilisation réduite des ressources en eau et la qualité de la viande produite. C’est à lire ici.


Inter Alia

SANCTIONS Les sanctions européennes contre la Russie ont été renouvelées le 27 janvier. Jusqu’au dernier moment, la Hongrie a menacé de bloquer le renouvellement, qui nécessite un vote à l’unanimité au Conseil de l’UE. 

La Hongrie souhaitait attendre une potentielle levée des sanctions américaines par l’administration Trump. Mais cet argument a été mis à mal le 23 janvier lorsque le président américain a menacé la Russie d’imposer de nouvelles sanctions si un accord de paix n’est pas bientôt conclu avec l’Ukraine.

Le dirigeant hongrois a ensuite conditionné son soutien au renouvellement des sanctions à l’obtention de gages de la part de l’Ukraine sur le transport de gaz. Fin décembre, Kiev a mis fin au transit de gaz russe vers l'Europe via l'Ukraine, dont la Hongrie est fortement dépendante.

En échange du vote hongrois en faveur du renouvellement des sanctions, la Commission s’est engagée à continuer les négociations avec Kiev afin de permettre la reprise des livraisons de gaz vers l’Europe — une solution envisagée serait l’acheminement de gaz azerbaidjanais via les infrastructures ukrainiennes. Le président ukrainien s’est déclaré ouvert à cette possibilité.


Nos lectures de la semaine

  • Le Grand Continent publie le discours – traduit et commenté par Pierre Mennerat – prononcé le 23 janvier à Berlin par Friedrich Merz, le chef de la CDU et candidat au poste de chancelier fédéral, dans lequel il esquisse les contours d’une nouvelle politique étrangère allemande.

  • Dans le FT, Javier Espinoza rend compte du débat en cours sur l'avenir de la politique de concurrence de l'Union européenne.


Cette édition a été préparée par Augustin Bourleaud, Antonia Przybyslawski, Solène Cazals, Antoine Ognibene, Edgar Carpentier-Charléty et Maxence de La Rochère. À la semaine prochaine !

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Par What's up EU