Simplifier, simplifier, simplifier

La Commission européenne présente son paquet Omnibus • Mais aussi — Pacte pour une industrie propre, Contrôle des concentrations, Commerce international

What's up EU
6 min ⋅ 03/03/2025

Bonjour. Nous sommes le 3 mars et voici votre condensé utile d’actualité européenne. Suivez-nous également sur Twitter et LinkedIn. Le briefing de la semaine vous est proposé par Antonia Przybyslawski, journaliste européenne et rédactrice de BLOCS, la newsletter sur le commerce international.

Nota Bene : Si vous n’avez pas vu passer notre dernier e-mail à ce sujet, vous avez encore jusqu’à demain soir 18h pour vous inscrire à notre première édition des conversations européennes en compagnie de Jérémie Gallon, mercredi de 12h45 à 13h30 (visioconférence). Les échanges porteront sur la réponse européenne au second mandat de Donald Trump.


Le Briefing

À Bruxelles, les réglementations environnementales n’ont plus le vent en poupe. Mise sous pression par l’élection de Donald Trump aux États-Unis et les mouvements de la droite et de l’extrême-droite européennes, sorties renforcées des élections de 2024, la Commission européenne a infléchi mercredi dernier plusieurs acquis législatifs du Pacte vert adoptés sous le premier mandat d’Ursula von der Leyen.

Valdis Dombrovskis, commissaire européen en charge de la simplification, et Maria Luís Albuquerque, commissaire aux services financiers et à l’union de l’épargne et des investissements, présentent le paquet Omnibus © Commission européenne 

SIMPLIFIER • Brandissant la simplification comme l’une des priorités du mandat, la Commission européenne souhaite alléger de 25 % la “charge administrative” des entreprises, considérée comme un frein à la compétitivité. L’objectif monte à 35 % pour les PME.

Dans le collimateur de la Commission : la directive de 2022 sur le reporting extra-financier des entreprises (CSRD), celle de 2024 sur le devoir de vigilance (CS3D), le règlement de 2020 sur la taxonomie verte, ainsi que le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), adopté en 2022.

“Ces propositions réduiront la complexité des exigences de l’UE pour toutes les entreprises, notamment les PME, et recentreront notre cadre réglementaire sur les grandes entreprises, dont l’impact sur le climat et l’environnement est plus significatif”, assure la Commission dans un communiqué.

Selon ses estimations, si ces mesures sont adoptées, elles pourraient permettre un “allègement administratif de plus de 6 milliards d’euros” pour l’industrie européenne.

OMNIBUS • Aux termes de cette proposition législative dite “Omnibus” (qui prend la forme d’une directive), la directive CSRD, qui impose aux entreprises de publier leurs données extra-financières (environnement, gouvernance, impact social), verrait son champ d’application réduit de 80 %.

Seules les entreprises de plus de 1 000 salariés et réalisant un chiffre d’affaires de 50 millions d’euros seraient concernées, contre un seuil initial de 250 salariés. Par ailleurs, l’entrée en vigueur de l’obligation de déclaration serait repoussée de deux ans, jusqu’en 2028.

Le règlement sur la taxonomie verte, qui classe les activités économiques selon leur impact environnemental, subirait un même coup de rabot : il ne s’appliquerait plus qu’à 20 % des entreprises initialement concernées, tandis que les modèles de reporting seraient allégés de 70 %.

Encore plus remaniée, la directive CS3D — destinée à contraindre les entreprises à prévenir les atteintes aux droits humains et à l’environnement dans leur chaîne de valeur — verrait son application pour les grandes entreprises reportée à juillet 2028. 

Surtout, son périmètre serait drastiquement réduit : au lieu de couvrir l’ensemble de la chaîne de valeur, elle ne s’appliquerait plus qu’aux opérations directes des entreprises, à leurs sous-traitants et à leurs partenaires commerciaux directs. 

La fréquence des évaluations passerait de tous les ans à tous les cinq ans, ce qui pourrait générer, selon la Commission, une économie estimée à 320 millions d’euros de coût de mise en conformité pour les entreprises.

Enfin, la Commission propose de réduire de 90 % le nombre d'entreprises couvertes par la taxe carbone aux frontières, censée entrer en vigueur en 2026.

CONTROVERSE Si ces propositions doivent encore être négociées au Parlement européen et au Conseil de l’UE, elles suscitent déjà des réactions contrastées.

Les fédérations professionnelles et la droite européenne (PPE) saluent une initiative qui, selon eux, allège le fardeau réglementaire et renforce la compétitivité des entreprises.

À l’inverse, les ONG environnementales et les partis de gauche redoutent que cette simplification ne se fasse au détriment de la transparence exigée par les investisseurs et qu’elle ne soit qu’un premier pas vers un démantèlement plus large des normes environnementales. 

De nouvelles vagues de simplification sont en effet attendues dans les mois à venir. La Politique agricole commune (PAC) et le règlement REACH, qui encadre l’utilisation des substances chimiques, pourraient être les prochains concernés.

“Il est désormais clair que la ‘simplification’ n'est qu'un cheval de Troie pour une déréglementation agressive,” estime Faustine Bas-Defossez, directrice environnement du European Environmental Bureau. “Ce paquet crée une incertitude juridique, récompensant les retardataires et pénalisant les entreprises qui ont pris l’initiative de contrôler et de signaler leur impact sur l’environnement.”

Face aux critiques, la Commission européenne réfute toute déréglementation. “Nous avons été très clairs : notre programme de simplification n’est pas une dérégulation. Nous ne modifions ni les objectifs ni les cibles du Pacte vert”, a assuré mercredi Valdis Dombrovskis, commissaire chargé de la simplification.

Selon lui, ce projet de loi permettra d’atteindre les objectifs environnementaux “de manière plus efficace et moins coûteuse”.

Si les débats s’annoncent vifs au Parlement européen, les discussions devraient être plus apaisées au Conseil. 

Le 8 novembre 2024, dans leur déclaration de Budapest sur le nouveau Pacte européen pour la compétitivité, les chefs d’État et de gouvernement de l’UE avaient déjà appelé la Commission à alléger les obligations de reporting des entreprises. Mais ils avaient aussi demandé que les propositions soient accompagnées par des études d’impact — qui n’ont pas été réalisées par la Commission.


Inter Alia

CLEAN INDUSTRIAL DEAL • Le 26 février, la Commission européenne a présenté le très attendu Pacte pour une industrie propre — ou “Clean Industrial Deal” en Anglais — sous la forme d’une communication. Cette initiative avait été annoncée par Ursula von der Leyen dans son discours de réélection au Parlement européen en juillet 2024.

L’objectif du Pacte pour une industrie propre est de renforcer la compétitivité de l’industrie européenne tout en accélérant la décarbonation. Le plan se concentre sur deux points principaux : (i) faciliter la décarbonation et l’électrification des industries à forte intensité énergétique et (ii) soutenir le développement des clean techs.

La Commission insiste sur le fait que ses objectifs climatiques à long terme — c’est-à-dire atteindre réduire les émissions de 90% en 2040 et atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 — sont maintenus. 

Le Pacte prévoit des mesures liées aux six principaux moteurs de compétitivité verte identifiés par la Commission : les prix de l’énergie, la demande de produits propres, les investissements publics et privés, la circularité et l’accès aux matériaux, les marchés mondiaux et les partenariats internationaux, et la main d'œuvre qualifiée.

Parmi les mesures phares annoncées par la Commission : 

  • La création d’une banque de la décarbonation industrielle, avec un financement de 100 milliards d’euros. Ce financement proviendra à la fois du Fonds pour l’innovation, d’une révision du programme InvestEU et de recettes issues du système européen d'échange de quotas d’émission.

  • Un nouveau cadre des aides d’Etat visant à permettre à la Commission d’approuver les aides plus rapidement et simplifier les procédures à suivre pour les Etats qui notifient des aides à la Commission.

  • Un plan d’action pour une énergie abordable visant à économiser 260 milliards d’euros d’ici 2040.

  • Une révision des directives européennes sur les marchés publics en 2026, qui visera notamment à intégrer une préférence européenne dans les secteurs stratégiques.

L’industrie estime que les mesures proposées par la Commission sont positives mais ne vont pas assez loin, et que le calendrier d’adoption prévu par la Commission n’est pas assez ambitieux. L’ancien ministre français de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, est du même avis.

CONCENTRATIONS Teresa Ribera, commissaire européenne chargée de la concurrence, a déclaré au FT être en faveur d'un rééquilibrage de la politique européenne en matière de contrôle des concentrations. 

L’objectif est double : (i) moderniser les règles afin de permettre aux entreprises européennes de mieux rivaliser sur la scène mondiale, et (ii) mieux prendre en compte les bénéfices environnementaux, sociaux et technologiques des concentrations. 

Teresa Ribera estime qu’un contrôle des concentrations uniquement focalisé sur l’impact final sur les prix conduirait à obtenir “le prix le plus bas pour tout  — y compris le travail”. 

Face au refus de la Commission d’autoriser plusieurs concentrations majeures ces dernières années  — Alstom/Siemens, Thyssenkrupp/Tata Steel ou encore LSEG/Deutsche Börse — la France et l’Allemagne ont régulièrement appelé à un assouplissement des règles.

Dans son rapport de septembre, Mario Draghi a appelé à ce que les gains d’efficacité en matière d’innovation soient mieux pris en compte lorsque la Commission européenne examine les projets de concentrations. 

“Une ‘défense d’innovation’ serait justifiée par la nécessité, dans certains secteurs, de mettre en commun des ressources pour couvrir d'importants coûts fixes et atteindre l'échelle nécessaire pour être compétitif au niveau mondial, comme cela a été le cas par exemple pour Airbus”, note l’ancien directeur de la BCE. 

La Commission devrait, selon Mario Draghi, détailler les critères d’évaluation des gains d’efficacité en matière d’innovation — ces derniers devraient être “suffisamment précis pour limiter le risque que les entreprises abusent de cette stratégie de défense, tout en leur donnant la possibilité de justifier leur concentration”.

Tout comme Teresa Ribera, Mario Draghi propose également d’ajouter des critères de résilience dans les évaluations réalisées par la Direction générale de la concurrence. 

DÉFENSE Les chefs d’Etat et de gouvernement européens se retrouveront lors d’un Conseil européen extraordinaire le 6 mars. Au programme : la défense européenne et le soutien à l’Ukraine. On vous fait un récap de ce qui s’y dit la semaine prochaine.

COMMERCE • Le 26 février, Trump a apporté davantage de précision quant à ses projets de droits de douane réciproques annoncés il y a deux semaines.

Le président américain a annoncé un tarif douanier général de 25% sur les biens provenant de l’UE. Il a indiqué que ces tarifs toucheraient, entre autres, le secteur automobile. Au cours de la même réunion, Donald Trump a expliqué que l’UE avait été créée pour “entuber” les Etats-Unis.

La réponse européenne reste pour le moment indéterminée. Le 28 février, Macron a annoncé que l’UE appliquerait des droits de douane sur les importations d’acier et d’aluminium venant des Etats-Unis si les menaces de Trump venaient à se matérialiser au mois d’avril. 

Dans un discours à la chambre européenne de commerce à New York, le commissaire européen au commerce Maroš Šefčovič a appelé à calmer le jeu, prônant, autant que faire se peut, la coopération.

Face à l’hostilité commerciale américaine, l’UE cherche à renforcer ses partenariats commerciaux avec d’autres pays. Ursula von der Leyen était en visite à New Delhi pour s’entretenir avec le président Modi à ce sujet.

Les deux leaders se sont accordés pour conclure un accord de libre-échange d’ici la fin de l’année. Les négociations concernant un accord de libre-échange UE-Inde ont repris en 2021, plusieurs années après leur échec en 2013.


Nos lectures de la semaine

  • Dans Politico, James Angelos dresse le portrait de Friedrich Merz, le chef de la CDU et probable nouveau chancelier allemand.

  • BLOCS, la newsletter sur le commerce international, s’entretient avec Aurore Lalucq, eurodéputée du groupe des sociaux-démocrates (S&D), au sujet de la simplification réglementaire.


Cette édition a été préparée par Augustin Bourleaud, Thomas Veldkamp, Antoine Langrée, Edgar Carpentier-Charléty et Maxence de La Rochère. À la semaine prochaine !

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Par Augustin Bourleaud

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