AI Action Summit • Mais aussi — Commerce, Ukraine, Allemagne, Autriche
Bonjour. Nous sommes le 18 février et voici votre condensé utile d’actualité européenne. Suivez-nous également sur Twitter et LinkedIn.
Le briefing de la semaine vous est proposé par Antonia Przybyslawski, journaliste européenne et rédactrice de BLOCS, la newsletter sur le commerce international.
Le vice-président des États-Unis, J.D. Vance, a profité de son premier déplacement international pour exposer sa vision d’une suprématie technologique américaine, centrée sur l’IA.
SOMMET IA • “Pour préserver l’avantage de l’Amérique, l’administration Trump veillera à ce que les systèmes d’IA les plus puissants soient développés aux États-Unis, avec des puces conçues et fabriquées sur notre sol”, a-t-il affirmé mardi dernier, lors du Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle à Paris.
J.D. Vance a mis en avant les investissements colossaux engagés outre-Atlantique, notamment le projet Stargate, dévoilé au lendemain de l’investiture de Donald Trump. Ce programme, qui mobilisera 500 milliards de dollars d’ici 2029, réunit OpenAI, le conglomérat japonais SoftBank, et le géant du cloud Oracle pour bâtir des infrastructures de pointe dédiées à l’IA.
En parallèle, les investissements des GAFAM ont explosé, augmentant de 63 % en un an pour atteindre des niveaux records. Microsoft, Alphabet, Amazon et Meta ont déclaré des investissements cumulés de 246 milliards de dollars en 2024, contre 151 milliards en 2023.
J.D. Vance a averti que l’Europe devra choisir entre adopter des technologies américaines ou se tourner vers des “adversaires étrangers hostiles” qui font des logiciels d’intelligence artificielle “une arme” pour réécrire l’histoire et censurer les discours — une allusion directe à la Chine.
Toutefois, afin que l’Europe puisse pleinement s’aligner sur les États-Unis, elle devra, selon l’ancien sénateur de l’Ohio, alléger son cadre réglementaire.
“Nous voulons nous engager dans la révolution de l’IA avec un esprit d’ouverture et de collaboration, mais pour instaurer cette confiance, nous avons besoin de régimes réglementaires internationaux propices à l’innovation”, a insisté le bras droit de Donald Trump.
Washington, mais aussi Londres, ont d’ailleurs refusé de signer la déclaration finale du sommet, qui plaide pour "une IA durable et inclusive".
HARO SUR LA RÉGLEMENTATION • Le vice-président américain s’est montré particulièrement critique envers les règles européennes sur le numérique, notamment le Digital Services Act (DSA), qu’il accuse d’imposer aux entreprises américaines de “retirer du contenu et de réguler la prétendue désinformation”.
Il a également ciblé le RGPD (Règlement général sur la protection des données), qui, selon lui, contraint les petites entreprises à "supporter des coûts de mise en conformité perpétuels ou risquer des amendes massives".
Ces critiques surviennent alors que la Commission amorce un chantier de simplification réglementaire pour renforcer la compétitivité de l’UE. Si la Commission n’envisage pas de revenir sur le DSA ou le RGPD, elle semble prête à revenir sur certaines de ses ambitions sur l’IA.
Parmi les ajustements notables, le projet de directive sur la responsabilité en matière d’IA a été retiré du programme de travail de la Commission 2025 (que vous pouvez trouver ici), faute “d’accord prévisible”, selon la Commission. Elle visait à faciliter l’accès aux preuves pour les victimes de dommages causés par l’IA en instaurant une “présomption de causalité”.
De manière similaire, le règlement ePrivacy, visant à renforcer la protection de la vie privée en ligne — et remplaçant la directive ePrivacy — a été retiré du programme de travail de la Commission.
ASSOUPLISSEMENT • La commissaire au numérique, Henna Virkkunen, a par ailleurs laissé entendre, dans un entretien accordé récemment au Financial Times, que d’autres ajustements suivraient. Le code de bonnes pratiques sur l’IA, attendu en avril, devrait atténuer les exigences en matière de reporting par rapport aux obligations prévues par l’IA Act.
Adopté en 2024 pour une application en 2026 (sauf quelques exceptions), l’AI Act classe les technologies en trois catégories en fonction des risques qu'elles présentent pour la santé et la sécurité humaines. Plus la catégorie de risque est élevée, plus les obligations — notamment en matière de reporting — que doivent respecter les entreprises d’IA sont importantes.
Le 4 février, la Commission européenne a en outre publié des lignes directrices relatives à ce règlement, précisant les pratiques d’IA interdites dans l’UE, notamment les systèmes de notation sociale, de reconnaissance des émotions et de catégorisation biométrique, jugés comme présentant des “risques inacceptables” (l’interdiction est entrée en application le 2 février).
L’objectif de la Commission est donc de maintenir des exigences de sécurité dans le développement de l’IA tout en simplifiant certaines règles pour permettre à l’Europe de rattraper son retard.
“Environ 70 % des modèles d’IA fondateurs ont été développés aux États-Unis depuis 2017, et trois hyperscalers américains concentrent plus de 65 % du marché mondial ainsi que du marché européen du cloud”, a rappelé Mario Draghi dans son rapport sur la compétitivité européenne.
Selon Mario Draghi, l’Europe peut encore s’imposer dans certains segments stratégiques où ses entreprises ont le potentiel de devenir leaders. Mario Draghi souligne notamment la robotique autonome, où l’UE détient 22 % de l’activité mondiale, ainsi que les services d’IA, qui concentrent environ 17 % du marché.
Inspirée de ces recommandations, la Commission européenne a annoncé, dans le cadre de sa “boussole de compétitivité”, qu’elle prévoit de mettre en place une stratégie “Continent de l’IA”, visant à regrouper infrastructures, puissance de calcul et expertise technologique pour favoriser l’émergence de nouveaux modèles et applications d’IA. Un cadre réglementaire spécifique au cloud européen devrait également voir le jour.
INVESTISSEMENTS • La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a annoncé, à l’occasion du sommet de la semaine dernière, une enveloppe de 200 milliards d’euros pour soutenir l’IA en Europe.
Dans le détail, 150 milliards d’euros proviendraient de l’European AI Champions Initiative, un regroupement de 60 entreprises européennes, dont Spotify, Mistral et Siemens. “Ce sera le plus grand partenariat public-privé dans le monde pour le développement d’une IA fiable”, a précisé Ursula von der Leyen.
Sur les 50 milliards restants, 20 milliards seraient alloués via un nouveau programme, Invest AI, destiné à financer quatre gigafactories dédiées aux infrastructures IA en Europe. Toutefois, la part réelle de financement public et les sources précises de ces fonds restent encore floues.
De son côté, Emmanuel Macron a annoncé des investissements de 109 milliards d'euros “dans les années à venir” en France, exclusivement de la part d'acteurs privés.
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COMMERCE • La saga Trump continue cette semaine, et l’UE est en ligne de mire. Le 10 février, Trump a annoncé des nouveaux droits de douane de 25% sur les importations d’aluminium et d’acier. Cette mesure prendra effet le 12 mars.
Le 13 février, Trump a également annoncé un projet de “droit de douane réciproque”, visant les partenaires commerciaux avec lesquels les USA sont déficitaires en matière de commerce de biens : le Japon, l’Inde, et l’UE.
Cette mesure semble étonnante au premier abord : les droits de douanes moyens pour l’importation aux USA sont de 3.95%, surpassant les 3.5% de l’UE — appliquer une stricte réciprocité n’irait pas dans le sens des États-Unis.
C’est pourquoi Trump ne parle pas de réciprocité stricto sensu : l’administration américaine compte aussi réciproquer les barrières non-tarifaires au commerce, telles que la taxe sur la valeur ajoutée imposée par l’UE sur les biens vendus sur le territoire européen, ou encore les taxes sur les services digitaux imposées par les États-membres, qui affectent principalement les multinationales de la tech.
Ces mesures représentent un tournant dans la politique commerciale des États-Unis. Si les États-Unis s’éloignent des règles de l'OMC et paralysent son organe de règlement des différends judiciaire depuis 2019, l’instauration d’un droit de douane réciproque général serait en opposition marquée avec la clause de la “nation la plus favorisée”.
Cette clause correspond au principe fondamental de non-discrimination de l’OMC, qui incombe aux États d’appliquer le même droit de douane à tous leurs partenaires commerciaux — sans pour autant leur offrir le même traitement que les biens de production locale.
En réponse, la Commission européenne a indiqué qu’elle répondra “fermement et immédiatement” aux des droits de douane utilisés dans le but de “contester des politiques légales et non discriminatoires” européennes.
UKRAINE • Le 15 février, lors de la Conférence de Munich sur la sécurité, l’envoyé spécial américain sur l’Ukraine et la Russie Keith Kellogg a déclaré que l’Europe ne participera pas aux pourparlers de paix entre la Russie, les États-Unis et l’Ukraine.
Cette annonce intervient alors que les États-Unis ont lancé unilatéralement les négociations de paix sur la guerre en Ukraine, suite à un appel téléphonique de 90 minutes entre Donald Trump et Vladimir Poutine le 12 février. Ni l’Ukraine ni les dirigeants européens n’ont été consultés avant cet appel.
La mise à l’écart de l’Europe au sujet des négociations sur la fin du conflit en Ukraine a fait vivement réagir les dirigeants européens.
Kaja Kallas, la Haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères, a déclaré “qu’aucun accord conclu dans le dos des Européens ne pourra fonctionner”. Le président du Conseil européen et la plupart des dirigeants européens, comme Emmanuel Macron, ont tenu des propos analogues.
Les États-Unis ont parallèlement fait parvenir un questionnaire aux capitales européennes pour évaluer la hauteur de leur contribution aux garanties de sécurité en Ukraine, notamment en termes de potentiels déploiement de troupes sur le sol ukrainien.
Le secrétaire général de l’OTAN a déclaré de son côté que les Européens doivent montrer leur “utilité” militaire et stratégique s’ils veulent peser dans les négociations.
Alors que le Président ukrainien Volodymyr Zelensky a appelé à la création d’une armée européenne pour pallier le désengagement américain, plusieurs chefs d’États et de gouvernement européens, ainsi qu’Ursula von der Leyen et Antonio Costa, se sont réunis en urgence le 17 février à Paris pour discuter de la stratégie à suivre concernant l’Ukraine.
Deux sujets principaux ont été évoqués : l’envoi des troupes européennes en Ukraine et l’augmentation des dépenses de défense.
Sur la première initiative — initialement proposée par Emmanuel Macron — Keir Starmer et la première ministre du Danemark Mette Frederiksen se sont montrés ouverts. À l’inverse, Olaf Scholz a déclaré qu’il s’agissait d’un débat “incompréhensible” sur le “mauvais sujet, au mauvais moment” — sentiment partagé par Giorgia Meloni et Pedro Sánchez.
Concernant les dépenses de défense, un consensus tendrait cependant à émerger.
Des représentants américains et russes entament aujourd’hui des négociations en personne à Riyad, capitale de l’Arabie saoudite, sans représentants européens.
ALLEMAGNE • Friedrich Merz, président de la CDU — et pressenti pour devenir chancelier allemand à la suite des élections législatives — a déclaré qu’il était ouvert à une réforme des règles de la dette du pays.
Lors d'un débat télévisé, il a reconnu que le “frein à l'endettement” inscrit dans la Constitution allemande — qui limite l’endettement structurel à hauteur de 0,35 % du PIB — pourrait fair l’objet d’une réforme.
Il a également indiqué que, sous la pression de Donald Trump, les dépenses de défense de la première économie européenne allaient probablement atteindre 3 % du PIB.
AUTRICHE • Le 12 février, le parti d’extrême droite (FPÖ) a acté l’échec des négociations de coalition avec les conservateurs. Les principaux désaccords concernaient les relations avec l’UE, la Russie et la coopération internationale en matière de renseignement. De telles négociations avaient déjà échoué début janvier.
Deux options s’offrent désormais au président autrichien : organiser de nouvelles élections — où le FPÖ devrait renforcer son avance, selon les sondages — ou une nouvelle tentative de coalition entre conservateurs, libéraux et socialistes.
Dans le Financial Times, John Paul Rathbone couvre le sujet de l’augmentation rapide du budget militaire russe, qui, d’après les derniers chiffres de l'International Institute for Strategic Studies, dépasserait désormais le total des États européens, (en parité de pouvoir d'achat).
Un reportage de Sylvia Pfeifer, Clara Murray, Silvia Sciorilli Borrelli, Leila Abboud et Patricia Nilsson s’intéresse au défi de l'augmentation de la capacité de l'industrie de défense européenne.
Ne manquez pas les deux dernières éditions de BLOCS, la newsletter hebdomadaire sur le commerce international : l’une sur les secteurs qui soutiennent la balance commerciale de la France, l’autre sur la dérégulation, l’environnement et le commerce (avec les perspectives de Pierre Leturcq et Pascal Durand).
Cette édition a été préparée par Augustin Bourleaud, Nathan Munch, Antoine Langrée, Solène Cazals, Matteo Matuszewski et Maxence de La Rochère. À la semaine prochaine !