Europe cherche boussole

Boussole pour la compétitivité • Mais aussi — BCE, Sanctions, Norvège, Allemagne

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5 min ⋅ 04/02/2025

Bonjour. Nous sommes le 4 février et voici votre condensé utile d’actualité européenne. Suivez-nous également sur Twitter et LinkedIn. Le briefing de la semaine vous est proposé par Antonia Przybyslawski, journaliste européenne et rédactrice de BLOCS, la newsletter sur le commerce international.


Le Briefing

La Commission européenne a présenté, le 29 janvier, une feuille de route ambitieuse visant à redresser l’économie du continent, en perte de vitesse face à la Chine et aux États-Unis. La très attendue “Boussole pour la compétitivité” (Competitiveness Compass) entend replacer l’Europe dans la course mondiale en s’appuyant sur trois axes majeurs : l’innovation, la décarbonation et la sécurité.

La Boussole pour la compétitivité a été présentée par Ursula von der Leyen et Stéphane Séjourné  © Commission européenne

BOUSSOLE • "L’Europe a tout ce qu’il faut pour gagner, mais nous devons corriger nos faiblesses pour retrouver notre compétitivité", a déclaré Ursula von der Leyen. "Le monde ne nous attendra pas. Tous les États membres en sont conscients. Agissons donc sur cette base commune."

Pour concrétiser cette ambition, la Commission prévoit une vingtaine de propositions législatives d’ici à 2027, inspirées du rapport remis par Mario Draghi à Ursula von der Leyen en septembre dernier.

L’un des axes clés de cette stratégie repose sur une réduction inédite de la charge administrative des entreprises. 

"L’industrie nous envoie un message clair : l’UE doit simplifier son cadre réglementaire", a expliqué Ursula von der Leyen. La Commission présentera ainsi, le 26 février, une législation “omnibus", un texte unique modifiant plusieurs règlements à la fois, pour alléger de 25% les obligations administratives des entreprises et de 35% celles des PME. 

Parmi les textes concernés figurent la directive sur le devoir de vigilance des entreprises (CS3D), celle sur le reporting social et environnemental (CSRD) et la taxonomie verte. D'autres "paquets omnibus" suivront et pourraient concerner le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) et le règlement REACH, qui vise à protéger la santé humaine contre les risques liés aux substances chimiques.

Un autre frein majeur à la compétitivité européenne est le coût élevé de l'énergie, bien supérieur à celui de ses principaux concurrents. Pour y répondre, la Commission présentera, le 26 février, un Plan pour une énergie abordable, parallèlement au Pacte pour une industrie propre. Parmi les mesures envisagées : faciliter les contrats d’achat d'électricité de long terme et accélérer les investissements dans les infrastructures de transport et de stockage de l'énergie.

PRÉFÉRENCE EUROPÉENNE • En 2025, la Commission prévoit également de lancer une législation pour accélérer la décarbonation, en soutenant les projets industriels stratégiques et en simplifiant le régime des aides d’État pour accompagner la transition verte de l'industrie.

Afin de soutenir la production locale, la Commission envisage d’introduire une préférence européenne pour les secteurs et technologies stratégiques, dans le cadre de la révision de la directive sur les marchés publics en 2026. 

Une initiative hautement politique, alors que les États-Unis et la Chine adoptent des politiques protectionnistes. Cette proposition suscite déjà des tensions entre les États membres : la France plaide depuis longtemps pour une telle mesure, tandis que les pays du Nord, plus libéraux, s'y opposent.

Pour financer ces ambitions, la Commission mise sur la relance de l'Union des marchés des capitaux — rebaptisée "Union de l'épargne et des investissements". Un projet toutefois bloqué depuis des années en raison des divergences entre États membres. Elle propose aussi une réorientation des ressources du budget européen à partir de 2028, ce qui impliquerait une réduction des fonds alloués à la cohésion et à l'agriculture.

MANQUE DE FINANCEMENTS • Un fonds de compétitivité pourrait également voir le jour dans le cadre du prochain budget pluriannuel, en consolidant plusieurs instruments financiers existants. Dans son rapport sur la compétitivité européenne, Mario Draghi estimait qu’un investissement annuel de 800 milliards d’euros est nécessaire pour relancer l'économie européenne, un seuil en deçà duquel toute initiative risquerait d'être insuffisante. 

L’absence de financements inquiète les eurodéputés socialistes, à l’image d’Aurore Lalucq (Place publique). "Sans une feuille de route budgétaire ambitieuse, ces annonces risquent de rester lettre morte", estime-t-elle dans une tribune publiée dans Le Point. 

Luis Garicano, professeur de politique publique à la London School of Economics et ancien vice-président du groupe Renew, partage ces inquiétudes et reste sceptique sur la simplification prônée par Bruxelles : "L’effort de simplification semble admirable. Reste à savoir si la même présidente qui a supervisé la création d'une vaste montagne réglementaire et administrative conduira sa démolition."

Du côté des milieux d’affaires, le texte a été favorablement accueilli. Le représentant du patronat européen, BusinessEurope, félicite l’exécutif tout en soulignant que la stratégie doit être "suivie de toute urgence par des actions concrètes ".

À l’inverse, les ONG, comme le WWF, redoutent que la boussole alimente une "déréglementation aveugle qui consolide la position des industries polluantes sur le marché" au détriment de la décarbonation et du développement des technologies vertes.


Inter Alia

BCE La BCE a procédé le 30 janvier à sa cinquième baisse consécutive des taux directeurs, ramenant le taux de dépôt à 2,75%.

Cette baisse s’inscrit dans un contexte de ralentissement économique, notamment en Allemagne et en France. Le PIB de la zone euro a augmenté de seulement 0,7% en 2024 comparé à 2023. 

La baisse des taux reflète également la confiance accrue de la BCE dans la maîtrise de l'inflation — la BCE indique que “le processus de désinflation est en bonne voie”. Elle anticipe un retour de l’inflation à son objectif de 2% dans le courant de cette année. 

L'inflation dans la zone euro a légèrement augmenté en janvier 2024, atteignant 2,5% sur un an, contre 2,4% en décembre. Ce chiffre est supérieur aux attentes des analystes qui prévoyaient une inflation de 2,4%.

OSLO La coalition gouvernementale norvégienne a volé en éclats après le retrait du Parti du Centre, opposé à la transposition du quatrième paquet énergie de l’UE. Le Premier ministre travailliste dirigera un gouvernement minoritaire jusqu’aux élections législatives de septembre 2025, une première en 25 ans.

Le désaccord se cristallisait sur les directives européennes de 2019 régissant le marché de l’électricité dans le cadre de l’Espace économique européen (EEE). La Norvège, bien que non membre de l'UE, est tenue d'adopter les règles européennes relatives au marché intérieur.

Avant sa démission, le ministre de l’économie dénonçait une perte de souveraineté énergétique et affirmait ne pas vouloir donner davantage de pouvoir à l’UE.

Cette dissension s’inscrit dans un contexte déjà conflictuel entre Oslo et Bruxelles, exacerbé par la flambée des prix de l’électricité observée en décembre dernier. 

Plusieurs partis norvégiens ont tenu les interconnexions électriques avec le Danemark, le Royaume-Uni et l’Allemagne pour responsables de la hausse incontrôlée des tarifs domestiques.

SANCTIONS Le 27 janvier, le Conseil de l’UE a décidé de prolonger les mesures restrictives économiques en vigueur contre la Russie pour une période supplémentaire de six mois, jusqu'au 31 juillet 2025. 

Par ailleurs, le 29 janvier 2025, la Commission européenne s’apprête à proposer un 16ème paquet de sanctions contre la Russie. 

Le nouveau paquet de sanctions inclurait des restrictions sur les importations de gaz naturel liquéfié (GNL) russe, l'ajout de nouvelles entités et personnes à la liste des sanctions, et des sanctions contre les consoles de jeu.

Kaja Kallas, haute représentante de l'UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a déclaré que ces appareils pourraient être utilisés pour contrôler des drones. Les décisions en matière de sanctions doivent être approuvées à l’unanimité par le Conseil de l’UE.

DETTE • À l’approche des élections fédérales allemandes, le débat autour du “frein à la dette” divise. Cette règle constitutionnelle limite le déficit structurel fédéral à 0,35 % du PIB, restreignant ainsi les marges de manœuvre budgétaires du gouvernement.

Dans une interview accordée à CNBC, le ministre des Finances, Jörg Kukies, a plaidé pour des réformes ciblées de cette règle. “Les faiblesses structurelles de notre économie doivent absolument être corrigées”, a-t-il déclaré. Il met en avant l’urgence d’investissements dans les infrastructures ferroviaires, routières, numériques et éducatives.

Selon les derniers sondages, une majorité d’Allemands estime que le frein à la dette devrait être assoupli. Friedrich Merz (CDU), favori pour devenir chancelier, s’est montré ouvert à une éventuelle adaptation du dispositif. 

Les Verts et une partie du SPD appellent à davantage de flexibilité, tandis que le FDP s’y oppose fermement. Cette fracture politique a déjà conduit à l’éclatement de la  coalition le 7 novembre 2024.


Nos lectures de la semaine

  • Luis et Pieter Garicano, dans leur newsletter Silicon Continent, et Jeromin Zettelmeyer, dans une note pour Bruegel, partagent leurs réactions à la présentation, par la Commission, de la Boussole pour la compétitivité.

  • Sur le blog de l’ECIPE, Matthias Bauer plaide pour une plus grande stabilité réglementaire et une “ouverture technologique” afin de soutenir l’industrie automobile de l’UE.


Cette édition a été préparée par Augustin Bourleaud, Antonia Przybyslawski, Matteo Matuszewski, Lidia Bilali, Léopold Ringuenet, Luna Ricci, Théotime Beau et Maxence de La Rochère. À la semaine prochaine !

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Par Augustin Bourleaud

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